Nouveau quotient électoral : Les partis devront revoir leur stratégie aux législatives

Aucun parti n'arrivera plus à obtenir plus d'un siège par circonscription, sauf si la participation est élevée. Une concurrence féroce est attendue dans les grandes circonscriptions entre les petits partis. Pour les grands, l'enjeu sera de couvrir le maximum de circonscriptions avec les bons candidats.

Nouveau quotient électoral : Les partis devront revoir leur stratégie aux législatives

Le 4 mars 2021 à 19h36

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

Aucun parti n'arrivera plus à obtenir plus d'un siège par circonscription, sauf si la participation est élevée. Une concurrence féroce est attendue dans les grandes circonscriptions entre les petits partis. Pour les grands, l'enjeu sera de couvrir le maximum de circonscriptions avec les bons candidats.

On s'y attendait bien sûr. Désormais, le projet est sur la table. Ce n'est pas le gouvernement qui l'a présenté, mais des amendements de plusieurs partis.

A la Chambre des représentants, la commission de l’Intérieur a voté mercredi 3 mars pour l’abandon du quotient sur la base des voix valides. Le processus législatif n'est pas achevé. Il reste plusieurs étapes. Mais si ce choix est définitivement maintenu, la répartition des sièges aux prochaines législatives tiendra compte du nombre d’inscrits aux listes électorales.

C'est cet amendement qui introduit un changement majeur. La suppression du seuil sera quasiment sans effet sur le résultat final des législatives, toutes choses étant égales par ailleurs.

Un tournant passé au forceps. "Les lois électorales sont souvent validées par un consensus. Mercredi, et c’est rare dans l’histoire politique récente, on a fait jouer la démocratie du nombre", commente Jawad Echchafadi, président de l’Observatoire marocain de la participation politique. Issus de la majorité et de l’opposition, 29 députés ont voté pour. 12, tous du PJD, ont rejeté ce dispositif présenté comme un moyen «d’affaiblir» le parti de la lampe. Mais le consensus était impossible à réunir en pareil cas, les intérêts étant totalement contradictoires. Les partis se sont ligués contre celui qui a le plus grand nombre de sièges. 

Le changement opère au niveau de « la transformation du nombre de voix en sièges », explique David Goeury, enseignant-chercheur au laboratoire “Médiations. Science des lieux, sciences des liens”, de la Sorbonne Université. Concrètement, toutes choses étant égales par ailleurs, « des sièges seront transférés vers des partis moins performants et qui n’arrivaient plus à percer en milieu urbain », estime notre interlocuteur, allusion à des formations comme l’USFP ou le PPS.

Plus généralement, aucun parti n'arrivera plus (sauf exception rarissime et faible nombre de listes) à obtenir plus d'un siège par circonscription. Sauf si la participation est très élevée. Plus la participation sera forte, et moins le changement de quotient aura de l'effet.

« Vous n’avez pas de parti, ou sinon c’est extrêmement exceptionnel, qui arrive à glaner deux sièges dans une même circonscription, comme c’est le cas du PJD à Tanger, Agadir, Rabat, Salé, Meknès, Fès, etc. ». Seul le PAM réussit la même performance, mais de manière limitée dans ses « fiefs » d’Al Hoceima ou Rhamna.

C'est ce que démontrent 4 simulations effectuées par Médias24 ci-après :

Le futur mécanisme impactera surtout « les circonscriptions où on a plus de 2 sièges. On y verra une compétition plus importante entre les petites formations qui tenteront d’y décrocher un siège. Par exemple, à Tanger, le meilleur sixième aura un siège », estime notre interlocuteur. En revanche, « la mobilisation des grands partis sera moindre, puisque déjà assurés d’élire un représentant. » Les grands partis auront davantage intérêt à couvrir le maximum de circonscriptions, plutôt que de se concentrer sur certaines, notamment dans les villes.

Mettre le paquet sur les « petites circonscriptions »

Entre les poids lourds qui visent la présidence du gouvernement, « la victoire est à chercher dans les petites circonscriptions, notamment dans le monde rural » où « le notable, le voisin et le membre de la tribu sont des éléments qui font la différence. » C’est ce que suggère M. Echchafadi, mettant l’accent sur une faille du PJD.

Le Pr Goeury abonde en ce sens. Depuis 2011, le parti de la lampe a enchaîné les « victoires » par « une surmobilisation de l’électorat urbain ». D’où l’enjeu en cas d’adoption définitive du nouveau quotient. Pour le PJD, « il n’est possible de compenser les pertes occasionnées en milieu urbain qu’en convaincant les électeurs situés en milieu rural ».

D’où, aussi, l’intérêt de mettre les candidats qu’il faut, là où il faut. Le PJD a pour habitude de placer ses têtes d’affiches dans les grandes circonscriptions. Se risquera-t-il à changer de stratégie ?

Goeury rappelle un fait : Adoptée en l’état, la modification du calcul touche uniquement les législatives. Or, en 2021, c’est tout un marathon électoral que s’apprêtent à mener les partis politiques. « Le choix du nouveau quotient va pénaliser le PJD sur le nombre de sièges obtenus à la Chambre des représentants. En revanche, les élections communales et régionales auront lieu sur des listes à la proportionnelle ».

Un marathon qui pourrait durer un jour. « On envisage d’organiser, le même jour, les élections législatives, communales et régionales. Cela signifie que la majeure partie des électeurs vont voter pour le même parti sur toutes les élections. En termes de stratégie, les partis devront s’activer pour gagner à la fois les élections communales, régionales et législatives. Ce qui induit d’énormes efforts de campagne pour mobiliser l’électorat pour toute l’opération. »

« Surreprésentation »

In fine, le nouveau régime pourrait « ouvrir la voie de l’hémicycle à des partis de petite taille. Au sein de la première chambre, l’écart entre les grandes formations sera étriqué, là où le système actuel faisait ressortir des partis dominants », annonce M. Echchafadi.

Avec des conséquences « en termes de représentativité ». Pour le Pr. Goeury, « des petits partis se retrouveront en surreprésentation par rapport à leur nombre d’électeurs. » Ce qui « interroge quant à la notion de la démocratie représentative », observe M. Echchafadi. « La question qui se pose est de savoir si ce mécanisme aura un impact sur la participation citoyenne », s’interroge notre interlocuteur.

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