Polémique autour du déversement du lixiviat de la décharge d'Oum Azza dans la mer

Après son infiltration dans l’Oued Bouregreg, il a été décidé de pomper le lixiviat contenu dans les bassins de stockage de la décharge Oum Azza pour le déverser, après prétraitement, dans l’eau de mer, apprend Médias 24 auprès de la FDG, qui pointe du doigt le groupement Al Assima.

Polémique autour du déversement du lixiviat de la décharge d'Oum Azza dans la mer

Le 23 mars 2021 à 14h41

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

Après son infiltration dans l’Oued Bouregreg, il a été décidé de pomper le lixiviat contenu dans les bassins de stockage de la décharge Oum Azza pour le déverser, après prétraitement, dans l’eau de mer, apprend Médias 24 auprès de la FDG, qui pointe du doigt le groupement Al Assima.

Contacté par Médias 24, Omar El Hayani, conseiller de la FGD, nous a confié que cette opération a débuté jeudi 18 mars dernier.

"Quelqu’un a pris la décision de vider les bassins de stockage de lixiviat dans des camions-citernes, et de les déverser, non pas directement dans la mer, mais à travers une station de prétraitement de la Redal (qui gère la distribution d'eau potable, d'électricité, et l’assainissement liquide dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, NDLR) à Bouknadel. Je ne sais pas qui c’est, mais c’est sûrement le groupement Al Assima", nous a-t-il indiqué.

Cette même décision a déjà été prise une première fois vers fin 2019 par ce groupement, avant d'être abandonnée, notamment après intervention de la FGD. 

Ils sont en train de pomper le lixiviat de la décharge d'Oum Azza, le transporter via camions-citernes, pour l'emmener dans une station de prétraitement à Bouknadel, et le rejeter en mer  pic.twitter.com/INL7t8ZoJi

— Omar H. 🇲🇦 (@Omar_H_) March 22, 2021

"Tous les bassins de lixiviat sont concernés"

D'après notre interlocuteur, tous les bassins de stockage de lixiviat de la décharge Oum Azza sont concernés, et non seulement la digue qui a cédé il y a plus d'une semaine suite aux fortes pluies, provoquant un déversement de ce liquide nocif dans l’Oued Akreuch, un des affluents du Bouregreg. Ces bassins contiennent environ 400.000 m3 de lixiviat.  

"D’après nos informations, ladite station de Redal n’est pas adaptée à ce type de traitement. Elle est spécialisée dans le traitement des eaux usées domestiques, qui ne sont pas forcément très polluées".

Deuxième point important relevé par M. El Hayani: "il n’y a certainement aucune étude d’impact environnemental qui a été faite ni publiée" avant la mise en œuvre d’une telle décision, "puisque celle-ci a été prise à la hâte et en catastrophe pour faire face à un problème qui dure depuis des années. Nous demandons donc la réalisation d’une étude d’impact environnemental, pour montrer que les eaux qui seront déversées ne représentent aucun danger sur le littoral, ce qui n’est pas le cas, à notre avis, le lixiviat étant un vrai concentré de toxicité et de métaux lourds".

Comme il nous l’avait bien expliqué dans un article précédent, M. El Hayani rappelle qu’"il existe aujourd’hui différentes techniques de traitement de lixiviat au niveau des décharges, mais il faut investir. Le malheur c’est que globalement, on n’a pas de problème d’argent (au niveau de la commune de Rabat, NDLR), mais en revanche, nous avons un problème de priorité d’investissement. Au lieu de nous intéresser à des problématiques qui ont un impact direct et immédiat sur les millions d’habitants de la région", la commune privilégie d’autres projets d’embellissement de la ville.

Toujours d’après notre interlocuteur, l’ancien gestionnaire de la décharge (Teodem, filiale de Pizzorno Environnement) "avait demandé l’augmentation des prix de traitement des déchets à la tonne, pour pouvoir investir et traiter le lixiviat", ce qui a été refusé par l'ECI. "Selon mes informations, cette société se faisait payer entre 50 et 60 DH la tonne. Elle avait même fait des essais qui étaient extrêmement concluants, permettant l’élimination de la toxicité de l’eau, pour avoir une eau propre et limpide".

Médias 24 a essayé de donner la parole à d'autres acteurs concernés par ce sujet, qui sont restés injoignables. Il s'agit notamment du maire de Rabat, du président de l'ECI Al Assima, et de SOS NDD, société chargée de gérer la période transitoire à la décharge d’Oum Azza.

Un impact négatif aussi bien sur l’environnement que sur le tourisme

"Une difficulté majeure rencontrée par les collectivités marocaines pour la valorisation des déchets, réside dans un important taux de déchets organiques" a démontré une étude réalisée en 2020 par l’observatoire Climate Change. "Leur humidité les rend peu malléables par les moyens techniques habituels, produisant notamment d’importantes quantités de lixiviat".

Selon un expert en questions environnementales, joint par nos soins, "l’impact du déversement du lixiviat dans l’eau de mer peut être fatal pour tout l’écosystème. C’est toute une chaîne alimentaire qui est à présent menacée".

"Les organismes consommés par les petits animaux marins seront infectés, ce qui infectera à leur tour les poissons, et ensuite les individus qui consommeront ces poissons". Ce n’est donc pas un sujet à prendre à la légère.

"La pollution de l’eau de mer pourrait également avoir comme conséquence la baisse drastique de certaines espèces", notamment le Bar, le Maigre ou encore la Dorade très présents dans le bras de mer qui sépare Rabat de Salé, "ce qui risque ainsi de déséquilibrer la chaîne alimentaire".

Outre l'impact environnemental, Seddik Es-Semlali, secrétaire général régional de l’Alliance marocaine pour le climat et le développement durable (AMCDD) évoque lui "un risque sur le tourisme".

"Aujourd’hui des milliards de DH sont dépensés pour de grands projets aux abords de l’Oued Bouregreg, mais les touristes ne visiteront pas ces endroits, si l’odeur est nauséabonde". 

Notons que l'appel d’offres pour choisir un nouveau gestionnaire de la décharge Oum Azza est toujours en cours. Le titulaire de ce marché aura comme principale tâche de mettre fin à ce problème de lixiviat. Trois sociétés étrangères sont en lice, dont l’ECI doit à présent étudier les dossiers financiers et techniques.

Les odeurs commencent à disparaître près de la mer

C’est ce que nous a confié le conseiller de la FGD. Les mauvaises odeurs ressenties dans plusieurs quartiers des villes de Rabat et Salé commencent à se dissiper, "surtout sur la zone proche de la mer, parce que l’eau se renouvelle avec les marées. Mais elles sont toujours présentes près du pont Moulay Youssef".

"Les infiltrations ont, elles, été arrêtées assez rapidement", mais malheureusement, une quantité de lixiviat s’était déjà échappée, provoquant ce scandale écologique.

Les analyses toujours en cours

D’après une source proche du dossier, "les études pour connaître l’origine de cette pollution sont toujours en cours".

"Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a différentes sources analysées, d'un point de vue local et de provenance. Nous attendons encore le rassemblement de toutes les informations pour sortir avec des conclusions réalistes".

"Ce type d’analyse prend du temps, mais les résultats pourraient être dévoilés ces prochaines semaines, s’il n’y a pas de contre-analyses", conclut notre source.

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