PPS : La stratégie de Nabil Benabdellah sera-t-elle gagnante aux élections ?

En quittant le gouvernement pour afficher une farouche opposition au gouvernement El Othmani, le PPS a marqué le coup en prenant ses distances avec le PJD, alliance qui lui avait coûté cher aux législatives de 2016. Va-t-il tirer des dividendes électoraux de cette stratégie ? Analyse.

PPS : La stratégie de Nabil Benabdellah sera-t-elle gagnante aux élections ?

Le 31 mars 2021 à 12h33

Modifié 10 avril 2021 à 23h28

En quittant le gouvernement pour afficher une farouche opposition au gouvernement El Othmani, le PPS a marqué le coup en prenant ses distances avec le PJD, alliance qui lui avait coûté cher aux législatives de 2016. Va-t-il tirer des dividendes électoraux de cette stratégie ? Analyse.

Nabil Benabdellah est convaincu que sa stratégie sera gagnante. Et que le PPS a pu effacer le passif de son alliance coûteuse avec le PJD et table désormais sur une amélioration de son score aux législatives. Le secrétaire général du parti nous parle d’un objectif de 30 sièges, ou au minimum une vingtaine, seuil qui permettra au parti de constituer un groupe parlementaire.

« En 2016 déjà, on aurait dû avoir une trentaine de députés. Mais nous avons été pénalisés par un tas de facteurs… C’est le chiffre sur lequel on table aujourd’hui. On aura au pire des cas le nombre nécessaire pour constituer un groupe parlementaire », nous déclare le SG du PPS.

La constitution d’un groupe parlementaire est presque acquise

Cet objectif affiché par Nabil Benabdellah est facilement réalisable selon les politologues Mustapha Sehimi et Omar Cherkaoui, qui pensent également que le parti aura au moins une vingtaine de députés lors des prochaines législatives.

« En 2016, le PPS est entré dans des combats qui lui ont coûté cher. Et c’est plus dû à la relation personnelle de Nabil Benabdellah avec Abdelilah Benkirane qu’à l’alliance entre les deux partis. Benabdellah reproduisait le même discours de Benkirane et a fait perdre au passage au PPS son identité. Mais il a su ces dernières années effacer ce passif et reconstituer de nouvelles alliances, un nouveau discours… », note Omar Cherkaoui qui pense que quel que soit le scénario du prochain scrutin, « le PPS aura une meilleure position qu’en 2016 avec au moins de quoi constituer un groupe parlementaire ».

Pour lui, cette amélioration anticipée (et presque certaine) s’explique par deux principales raisons :

Le changement de contexte politique qui sert aujourd’hui le PPS dans sa nouvelle position d’opposant crédible. « Le PPS a eu l’intelligence de sauter du bateau gouvernemental au bon moment et en justifiant sa sortie par un argumentaire convaincant. En rejoignant l’opposition, constituée de l’Istiqlal qui n’a pas été au gouvernement depuis 2013 et le PAM qui n’a jamais été aux affaires, il a commencé à regagner en crédibilité politique », explique Cherkaoui.

Une crédibilité, poursuit-il, qui s’est vu quand tous les partis politiques l’ont désigné comme médiateur entre eux et le ministère de l’Intérieur dans le cadre des négociations des nouvelles lois électorales.

« Malgré son faible poids électoral, le PPS a toujours su jouer des rôles de premier plan. Il a éteint le feu des dures négociations pour les lois électorales, en négociant habilement non seulement avec l’Intérieur, mais aussi avec les autres partis, notamment ceux de la majorité qui n’étaient pas sur la même ligne. Sa crédibilité lui a même permis d’être un médiateur crédible avec le PJD, avec lequel il n’a pas totalement coupé les ponts malgré tout ce qui s’est passé », ajoute Omar Cherkaoui.

Deuxième raison, selon Omar Cherkaoui, qui justifie cette (future) montée en force du PPS : le changement des lois électorales qui joueront désormais en sa faveur. « Que ce soit le changement du quotient électoral, la suppression du seuil électoral ou les nouvelles listes régionales…, ces nouvelles règles électorales permettront au PPS de renforcer sa position aussi bien dans les communales que dans les législatives », précise-t-il.

Sortie du gouvernement : l’intelligence du bon timing

Mais tout cela n’aurait pas été gagné d’avance si le PPS était resté dans le gouvernement. La carte de l’opposition jouée par Nabil Benabdellah lui a balisé le terrain pour se mettre dans une bonne position pour regagner en crédibilité et renforcer son assise électorale.

« Le fait qu’on ait fait le choix de rejoindre l’opposition a contribué à clarifier notre identité. Nous étions dans deux gouvernements dirigés par le PJD. Dans la formule Benkirane, il y avait une part de combat démocratique et une volonté de réforme qui permettaient de justifier notre présence. Avec El Othmani, on s’est retrouvé dans un gouvernement désuni, sans projet de réformes. D’où notre sortie du gouvernement, qui nous a permis de réaffirmer notre identité de gauche, basée sur la démocratisation de la vie politique, la défense des droits et libertés des citoyens, la justice sociale et une économie souveraine, dont la crise du Covid-19 a montré l’importance », explique Nabil Benabdellah.

Et cette sortie du gouvernement, Benabdellah et ses camarades l’ont bien joué. Refroidis dès le début du mandat El Othmani par le petit nombre de portefeuilles ministériels qu’on leur a attribué (3 contre 5 sous Benkirane), le PPS a essuyé deux sérieux revers de suite : le limogeage de Nabil Benabdellah et de El Houssine El Ouardi du gouvernement, puis celui de Charafat Afilal un an plus tard. Un motif qui était largement suffisant pour claquer la porte au nez de la majorité. Mais les camarades de Nabil Benabdellah ont attendu le bon timing pour sortir…

« Beaucoup de membres du parti nous poussaient à sortir dès les premiers limogeages. Nous étions dès le départ en désaccord total avec El Othmani et convaincus que cette majorité désunie ne portait pas de projets ; mais nous avons attendu, car notre sortie pouvait être interprétée comme une réaction personnelle revancharde. Mais quand l’occasion du remaniement ministériel s’est présentée en 2019, nous avons discuté avec El Othmani du projet politique du gouvernement et nous sommes arrivés à la conviction que notre présence au sein de la majorité n’avait plus aucun sens. La décision a été soumise au conseil national du parti et a été approuvée par 95% de ses membres », nous raconte Nabil Benabdellah.

En choisissant le bon timing, deux ans avant les élections, et le bon argumentaire (faiblesse du gouvernement, division de la majorité, absence de projets de réformes …), le PPS a marqué des points en prenant ses distances et a habillé sa sortie du gouvernement par un prétexte politique tout à fait légitime.

Alliance avec le PJD coupée, le parti est allé rejoindre les rangs de l’opposition. Et là aussi, il a su se transformer vite en parti de l’opposition, en créant un bloc avec le PAM et l’Istiqlal, alors isolés.

« Quand on a rejoint l’opposition, il n'y avait aucune coordination entre le PAM et l’Istiqlal. Nous avons joué un rôle de médiateur pour les rapprocher et créer un front uni. Ce qui a permis à l’opposition d’être présente, de remplir un peu l’espace politique et médiatique face à une majorité totalement absente », nous dit le SG du PPS.

Benabdellah : « Le PPS va peser dans la constitution des futures alliances »

Et cette prise de distance avec le PJD et son gouvernement que Nabil Benabdellah a qualifié dans plusieurs de ses sorties médiatiques comme « le gouvernement le plus faible de l’histoire du Maroc » a permis, selon une source du parti, de « recréer des liens sains avec les partis avec lesquels on était en opposition en 2016, comme le RNI, le PAM, l’USFP… ». Mais aussi de « normaliser nos relations avec l’Administration ». Un point sur lequel Nabil Benabdellah ne veut pas s’exprimer, mais qu’un de ses camarades, sous le sceau de l’anonymat, a bien voulu nous en parler davantage.

« Je n’ai pas de détails à donner sur les relations avec l’Etat qui se sont détériorées depuis 2011, et surtout en 2016. Mais aujourd’hui, nous avons une position aux antipodes de 2016. Et tout ce que je peux vous dire, c’est que l’on sent que l’on est perçu comme un parti utile et comme l’un des rares partis qui ont une crédibilité auprès de l’opinion publique. On sent globalement qu’il y a une attitude positive à notre égard », nous dit notre source.

Prise de distance avec le PJD, choix du bon timing pour quitter le gouvernement, normalisation des relations avec l’administration, et nouvelle position d’opposant crédible… sont ainsi des facteurs qui selon le secrétaire général du parti feront que le PPS, malgré son score qui va certes s’améliorer mais restera limité, pèsera dans les futures alliances et négociations gouvernementales.  

« Le PPS a une particularité historique que n’ont pas d’autres partis : notre poids politique a toujours été plus important que notre poids électoral. C’est notre marque de fabrique. Et je pense que nous allons peser dans les futures alliances qui se dessinent. Nous pouvons même contribuer à proposer une alternative avec l’Istiqlal et le PAM pour amener un vent de renouveau aux affaires », affirme Nabil Benabdellah.

Et de son camarade au parti de nous dire que de toutes les façons, « avoir le PSS dans une majorité gouvernementale donne une certaine crédibilité à la majorité, car nous représentons aujourd’hui la seule voix progressiste crédible de la scène partisane. L’USFP a malheureusement perdu son identité, et l’extrême gauche n’est pas audible auprès de l’opinion publique. Un gouvernement avec le PPS, ça donne clairement plus de crédibilité à la majorité que d’avoir des partis sans idéologie, sans projets… »

Et si le PJD arrivait premier, le PPS acceptera-t-il de renouer avec l’ancien allié islamiste ?

« Ce sera une autre paire de manches », nous répond Benabdellah. « On réfléchira bien à la question. On a été refroidi par l’expérience El Othmani. Si c’est pour rentrer dans la même formule, où il n’y pas de projet, avec une majorité désunie, il n’y a pas de raison qu’on participe », nous dit-il.  

Pour Sehimi, le PPS sera empêché de participer au prochain gouvernement

Ce scénario globalement positif dressé par le SG du parti et Omar Cherkaoui ne fait pas toutefois l’unanimité. Le professeur Mustapha Sehimi a, lui, un autre avis sur la question, le positionnement du parti et sa capacité de peser dans les prochaines négociations.

S’il pense que le PPS progressera en nombre de sièges pour arriver à au moins 20 députés, M. Sehimi avance des raisons autres que celles des choix politiques ou de la stratégie jouée par Nabil Benabdellah.

Le PPS a, selon lui, toujours eu un nombre de sièges limité. Il est passé dans les années 1970 et 1980, nous raconte M. Sehimi, d’un seul siège avec Ali Yata, à 2 (Ali Yata et Moulay Ismail Alaoui), puis à 10 en 1993, 17 en 2007, 18 en 2011 et 12 en 2016.

Tout cela pour nous dire « qu’il y a une sorte de plafond électoral que le PPS n’a jamais pu dépasser. Un plafond qui représente en tout et pour tout un socle de 250 000 voix au maximum ».

« Historiquement, le PPS est un parti qui ne récolte pas de grands scores électoraux, mais il a toujours eu un grand poids politique. Je me rappelle l’époque où Ali Yata était le seul représentant du PPS au Parlement. Il avait en face de lui 15 députés de l’USFP et 140 du RNI. Mais à lui seul, il représentait tout un courant et animait la scène parlementaire et politique… Peut-il progresser en 2021 ? Je ne le crois pas », nous dit M. Sehimi.

Une conviction qui s’appuie selon lui sur trois facteurs :

1- « L’argent joue beaucoup dans les élections. Et le PPS n’a pas d’argent. Il attire des notables certes mais ça reste limité. Les notables préféreront toujours aller au RNI ou au PAM qu’au PPS, car ils auront des avantages et un statut dans ces partis qu’ils n’auront jamais au PPS ».

2- « Le PPS ne bénéficie pas de l’intervention de l’administration. Celle-ci peut aider le RNI, le PAM, l’USFP, mais pas le PPS. Au mieux, si elle ne lui met pas les bâtons dans les roues comme en 2016, l’administration joue une neutralité passive qui laisse faire les autres sans réagir… ».

3- « Les rapports de Nabil Benabdellah avec l’Etat se sont compliqués ces dernières années. Il lui est reproché d’avoir été plus qu’un allié de Benkirane, mais son conseiller au quotidien. Il était activiste, des fois plus Benkiraniste que Benkirane. Il en a bénéficié au gouvernement Benkirane avec une surreprésentation en termes de portefeuilles ministériels, mais il en a payé le prix en 2016 aux élections, mais aussi lors de la constitution du gouvernement El Othmani puisqu’il n’a eu que trois portefeuilles, avant qu’il ne soit renvoyé avec El Ouardi et Charafat Afilal. Cette proximité de Benkirane et cet activisme lui a valu d’ailleurs, dans une première, un communiqué du cabinet royal. C’est inédit, on n’a jamais vu ça. Il a certes mis, depuis, de l’eau dans son vin en changeant de discours, mais il continue en remettant en cause à chaque sortie médiatique l’autonomie des partis. C’est un discours qui ne plaît pas là où vous savez… »

Ces constats que dresse Mustapha Sehimi ne l’empêchent pas d’exprimer tout le bien qu’il pense du PPS et de son secrétaire général.

« Nabil Benabdellah, qu’on l’aime ou pas, a apporté une réelle valeur ajoutée au PPS. Par ses talents de communicant, sa réactivité et le fonctionnement normal des institutions de son parti. C’est d’ailleurs l’un des rares partis qui réunit toutes les semaines son bureau politique, avec à la clé des communiqués bien faits, au contenu politique fort, où il fait ce qu’on appelle dans le foot, le marquage à la culotte au gouvernement El Othmani », nous dit M. Sehimi.

Pour toutes ces raisons, insiste-t-il, le PPS va améliorer son score en arrivant à au moins 20 sièges du fait mécanique du changement du quotient électoral. Mais son sentiment est que le parti ne fera pas partie de l’équation politique pour la constitution de la prochaine majorité.

« Je le dis et je pèse mes mots, je pense qu’on ne va pas faciliter la tâche au PSS pour qu’il fasse partie du prochain gouvernement. Car on préférera toujours l’USFP comme représentant du camp progressiste au PPS. L’USFP est plus maîtrisable. Si c’est le PJD qui arrive premier, avec El Othmani comme chef de gouvernement, il ne lui accordera pas de place. Et même si le Roi désigne une autre personnalité du PJD, celle-ci préférera dealer avec l’USFP plutôt que le PPS », tranche le professeur Sehimi, qui pense que malgré tout cela, « le PPS est un parti qui a sa place sur l’échiquier politique, car il est porteur d’idées, de projets et a une vraie élite qui travaille, contrairement à l’USFP qui a vu toute son élite intellectuelle déserter ». 

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