Elections 2021 : Le RNI réussira-t-il à séduire les masses ? Avis de David Goeury

Se lançant en campagne dès son élection en 2016 à la tête du RNI, Aziz Akhannouch a tout fait pour mobiliser un nouveau réseau militant autour du parti. Objectif : arriver à créer une véritable machine électorale à même de lui donner une position confortable lors des prochaines législatives. Réussira-t-il à transformer l’essai ? L’avis de l’analyste politique David Goeury.

Elections 2021 : Le RNI réussira-t-il à séduire les masses ? Avis de David Goeury

Le 8 avril 2021 à 19h15

Modifié 11 avril 2021 à 2h51

Se lançant en campagne dès son élection en 2016 à la tête du RNI, Aziz Akhannouch a tout fait pour mobiliser un nouveau réseau militant autour du parti. Objectif : arriver à créer une véritable machine électorale à même de lui donner une position confortable lors des prochaines législatives. Réussira-t-il à transformer l’essai ? L’avis de l’analyste politique David Goeury.

Le RNI est l’une des rares formations politiques qui n’a pas attendu 2021 pour se lancer en campagne. Dès son élection à la présidence du parti, après la démission de Salaheddine Mezouar, Aziz Akhannouch s’est lancé dans une véritable course contre le temps pour créer une nouvelle dynamique autour du RNI. Tournées régionales, meetings, recrutements en masse, édition d’un référentiel programmatique dès 2018 (La Voie de la Confiance), création d’organisations parallèles, 100 villes/100 jours… Akhannouch a sillonné en quatre années le Maroc pour faire du RNI un véritable parti politique, mobiliser de nouveaux militants et casser l’image du parti des notables et des riches…

Aujourd’hui, à part l’Istiqlal, le RNI est le seul parti qui dispose d’un programme clair centré autour de trois priorités : l’emploi, l’éducation et la santé. Un programme, comme nous le dit un membre du parti, qui est né des attentes des citoyens, « qui nous disaient lors de nos tournées régionales qu’ils avaient besoin de plus d’Etat, d’un service public de qualité, notamment dans l’éducation et la santé ».

Des thèmes qui correspondent à l’ère du temps, où tout le monde a compris, qu’après 20 ans d’investissement massif dans les infrastructures, il était temps de miser désormais sur le capital humain.

Mais au-delà du discours, du programme, le RNI d’Aziz Akhannouch arrivera-t-il après tous ces efforts à s’assurer le leadership du champ partisan, comme affiché clairement dans les ambitions des cadres du parti ? ou du moins à améliorer son score et peser lourd dans les prochaines alliances ?

Fin observateur du champ politique marocain, David Goeury, également membre de Tafra, pense que la tâche sera on ne peut plus compliquée pour les indépendants.

Les partielles, la démonstration de force de Aziz Akhannouch

Notre chercheur commence son analyse par cette campagne lancée très tôt. Un fait assez nouveau dans le paysage politique marocain.

« Ce qui est intéressant avec le RNI, c’est qu’il est parti très tôt en campagne. En 2015, aux élections locales, il a eu un score intéressant mobilisant plus de 880 000 électeurs. Ainsi, il a pu négocier la présidence de deux régions : Souss-Massa et Guelmim-Oued Noun. Mais en 2016, il perd 37% de son électorat. Un recul sévère reconnu comme une défaite par Mezouar qui a démissionné de son poste de président. L’Istiqlal a vécu le même phénomène avec une perte de 38% de ses électeurs entre les deux scrutins. Les deux partis ont vécu une sorte de crise de leadership entre les élections locales et les législatives. Mezouar n’a pas réussi à maintenir les forces du parti et a souffert du départ de plusieurs élus qui se sont engagés pour le PAM. En plus, avec les responsabilités qu’il avait (COP22, Affaires étrangères), c’était physiquement impossible pour Mezouar de faire campagne. Quand il est arrivé à la tête du parti, Aziz Akhannouch savait dès le départ qu’il partait de loin. Dès 2017, il a misé sur les élections législatives partielles, pour mettre le parti en ordre de bataille et partir en campagne », explique notre chercheur.

Pour lui, ces élections partielles, qui étaient nombreuses en 2017 et 2018, ont été l’occasion pour le RNI d’apparaître comme un parti qui compte, en effaçant la contre-performance de 2016. « Grâce aux négociations qu’il a menées face au PJD, il était le deuxième parti au sein du gouvernement. Il a réussi à remporter 3 sièges supplémentaires et surtout il a montré sa capacité à tenir la majorité. Aziz Akhannouch a fait battre l'Usfpiste Mohamed Belfkih à Sidi Ifni, fin décembre 2017, mais il a permis l'élection de deux députés USFP à Nador et Guercif, dès janvier 2018, pour s'assurer que ce parti conserve son groupe parlementaire et la présidence de la Chambre des représentants. Il continue alors sur cette lancée en essayant de reconstituer des réseaux militants notamment en ciblant la jeunesse urbaine », souligne David Goeury.

La difficile mobilisation de l’électorat urbain

« Le parti a aujourd’hui un programme qui est né de toutes les tournées régionales qu’il a effectuées et qui ont été parachevées par la stratégie 100 villes/100 jours. Ces tournées ont eu pour objectif de mobiliser un nouvel électorat urbain, mais il est difficile d'en évaluer l'impact », tranche David Goeury.

Et ce, pour deux raisons, nous explique-t-il :

- « L'électorat urbain est massivement abstentionniste. Il se mobilise beaucoup plus sur les réseaux sociaux ou lors d'actions politiques d'un nouveau genre comme on l’a vu avec la campagne de boycott. Il reste très hostile aux mouvements partisans ».

- « La personnalité de Aziz Akhannouch est clivante. Il a certes un fan club de jeunes entrepreneurs mais surtout dans les campagnes, du fait des opportunités créées par le Plan Maroc Vert. C’est moins le cas dans les villes où il reste une cible continue des attaques des autres partis et d’une bonne partie des citoyens ».

« Il est en réalité assez difficile de recréer du militantisme partisan dans les villes marocaines. L’expérience du RNI est en cela très intéressante, parce qu’elle va nous montrer si on peut réellement recréer du militantisme partisan dans les villes autour d'une idéologie libérale et légitimiste », souligne David Goeury.

En plus de la mobilisation d’un nouvel électorat, le RNI mise surtout sur la récupération des élus partis qui avaient rejoint le PAM lors des législatives de 2016, mais aussi sur l'accueil d'élus déçus des autres partis.

Selon David Goeury, le RNI cible même des élus PJD et a annoncé dernièrement des ralliements. Mais là encore, rien n’assure que la stratégie du débauchage dans les rangs du PJD va permettre au RNI d'accroître son audience électorale : « Ce sera un phénomène assez intéressant à observer, puisqu’on saura si le fait de débaucher un élu PJD permet d’apporter des voix ou non à l'autre parti. Le PJD est un parti de militants, il faut donc que les élus débauchés disposent d'un prestige personnel et soient à même de mobiliser sur leur nom et non celui du PJD ».

Malgré tous les efforts déployés par Aziz Akhannouch, il semble donc selon notre chercheur que la partie ne sera pas gagnée d’avance. Et cela en raison de l’ADN même du parti, qui séduit certes une certaine élite urbaine, mais pas les masses populaires.

"Le sentiment d'injustice sociale dans les villes n'est pas favorable au RNI"

« Le RNI s’appuie sur des figures historiques qui ont une vraie légitimité. Historiquement, on voit bien qu’il y a un mouvement militant derrière le parti - qui a commencé par un réseau de notabilités rurales devenues des entrepreneurs urbains ou des cadres de l'Etat - et qui correspond à une forme de politique légitimiste. Ce sont des gens qui sont dans la défense des institutions, mais qui ne sont pas pour autant conservateurs. Ils incarnent une certaine réalité marocaine : des citoyens inscrits dans une démarche historique, mais qui sont progressistes, ouverts, libéraux… C’est le même axe qu’occupent le PAM et l’UC. Il correspond à un horizon d’attente d’une catégorie de la population marocaine. Mais est-ce que ce discours arrivera à mobiliser l’électorat urbain ? Oui, mais vraisemblablement une petite minorité », explique David Goeury.

L'image assez clivante du RNI et de son président actuel apparaît comme un handicap de taille dans les zones urbaines pour rivaliser avec le PJD. D’autant plus que les candidats RNI devront se démarquer de ceux du PAM et de l'UC, qui seront aussi très présents dans les grandes villes marocaines.

Par ailleurs, « Le sentiment d’injustice dans les villes est très élevé, ce qui n'est pas un contexte favorable pour un parti comme le RNI. Même si ce dernier résiste mieux que les partis de gauche qui sont actuellement fortement discrédités, il lui est très difficile d'élargir son audience électorale», précise notre chercheur, qui note que malgré les efforts fournis par Akhannouch, « on ne ressent pas un mouvement urbain pro-RNI massif ». Le score du RNI dans les villes marocaines sera donc très intéressant à analyser et figurera, selon lui, parmi les grandes leçons des élections de 2021.

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