Témoignages. Médecins et infirmiers racontent les premiers jours de la pandémie au Maroc

Des membres du personnel soignant racontent comment ils ont vécu les premières semaines de la pandémie de Covid-19 au Maroc, oscillant entre une méconnaissance totale du virus et la peur de le contracter.

Témoignages. Médecins et infirmiers racontent les premiers jours de la pandémie au Maroc

Le 17 mai 2021 à 17h13

Modifié 17 mai 2021 à 18h22

Des membres du personnel soignant racontent comment ils ont vécu les premières semaines de la pandémie de Covid-19 au Maroc, oscillant entre une méconnaissance totale du virus et la peur de le contracter.

Six mois après nous avoir raconté leur épuisement professionnel lié à la pandémie de Covid-19, des membres du personnel soignant disent aujourd’hui se souvenir de la désorganisation des structures hospitalières, prises de court par la soudaineté de la pandémie, le manque d’équipements de protection individuelle, les collègues infectés par le virus, la séparation avec la famille pendant de longs mois…

Ils en gardent un souvenir certes amer mais ne regrettent pas d’être allés « au front » dès les premières semaines de la pandémie de Covid-19 au Maroc.

Saïd Redouani, infirmier anesthésiste au service de réanimation Covid du centre hospitalier régional d’Agadir, affilié à la Fédération nationale de santé et à l’Union marocaine du travail:

"Le premier changement auquel il a fallu s’habituer, c’est le port des masques FFP2, beaucoup plus pénibles que les masques chirurgicaux, d’autant plus qu’on devait les porter toute la journée.

"Prendre l’habitude de porter ces masques toute la journée, du jour au lendemain, n’a pas été une mince affaire. Le fait de devoir se laver les mains toute la journée également…

"Bien sûr, étant souvent dans les blocs opératoires, j’avais l’habitude de me laver les mains régulièrement, mais lorsque la pandémie a démarré, il a fallu se les laver toutes les 30 minutes, 10 minutes… Ce « surlavage » des mains, auquel il a fallu ajouter le port continu du masque FFP2 et des blouses et surblouses, a alourdi notre façon de travailler. Il faut dire aussi qu’il n’y avait pas toujours de masques, de blouses et de surblouses, donc le risque de contracter le virus étant grand. Je ne l’ai pas eu jusqu’à présent, mais la peur d’être contaminé, et surtout de contaminer d’autres membres de ma famille, a été constante. C’est un virus dont nous ne savions quasiment rien, et cette grande inconnue a ajouté de la peur à la peur".

Soukaina Bedouil, infirmière aux urgences du CHU de Rabat:

"Je garde un souvenir plus ou moins mauvais des premiers jours de la pandémie. D’abord parce que j’ai dû me séparer de mon enfant de quatre ans. Je ne l’ai pas vu du tout pendant trois mois – 86 jours exactement. Ça a été extrêmement difficile.

"Certes, j’étais prête à exercer ma mission de soignante, à me mettre au service de la nation, mais la séparation avec mon enfant a été difficile ; plus encore parce qu’elle a été soudaine et inattendue. Ni lui ni moi n’avions été préparés à être séparés, pendant si longtemps. Il n’a pas pu voir non plus mon mari car il est également soignant.

"Même encore aujourd’hui, plus d’un an après le début de la pandémie, je ressens l’impact de cette séparation précoce et totalement inattendue. Ce sont des séquelles que seuls les parents soignants qui ont dû être séparés de leur famille, et surtout de leurs enfants, peuvent comprendre.

"Toujours est-il que j’ai décidé de remplacer des collègues, et je me suis ainsi retrouvée en première ligne dans la lutte contre le Covid-19. J’ai été séparée de mon enfant, mais disons qu’en échange, j’ai pu sauver des vies et participer à cet effort collectif qui nous liait, nous, les soignants.

"Je ne regrette pas ma décision de m’être portée volontaire dès le départ : si c’était à refaire, je le referais. Même si tout était nouveau… Personne ne connaissait le degré de gravité du virus, le degré de propagation… A chaque fois on découvrait de nouvelles définitions du virus, de nouveaux modes de propagation, de nouveaux protocoles thérapeutiques… Tout cela a été source de stress pour moi et mes collègues. Nous étions face à un virus inconnu – pas de distanciation sociale avec le virus pour nous".

Dr Hicham Charrat, responsable du SAMU 04 de Marrakech:

"Au départ, notre principal souci, c’était le manque d’informations sur cette maladie. On ne savait pas grand-chose sur le virus ; comment il se transmettait, comment s’en protéger, quels étaient les différents types de masques, comment et quand fallait-il les utiliser…

"C’était un peu la panique et il y a eu des excès, des mécontentements au sein du personnel soignant… Ce que je veux dire, c’est qu’au départ, nous ne savions pas si seul le personnel en contact avec les cas graves, dans les services de réanimation, devait porter les combinaisons intégrales, et que les autres membres du personnel pouvaient se permettre de ne porter qu’un simple masque.

"Tout cela, au départ, on ne le savait pas ; d’autant plus qu’il n’y avait pas de combinaisons pour tout le monde, donc cela a généré un stress supplémentaire.

"Le personnel soignant avait peur, et la peur a parfois entraîné des réactions un peu excessives, maladroites… On était surtout inquiets de contracter le virus et de le transmettre à nos familles. Lorsque les premiers cas ont été détectés au Maroc, le personnel a réellement pris la mesure de la chose, disons.

"Il y avait de la peur, et cette peur était involontairement transmise aux patients. Voir des infirmiers et médecins recouverts d’une blouse de la tête au pied, ça n’a rien d’habituel pour eux. Personne n’a été préparé ; tout le monde a été pris de court.

"Les premières semaines ont donc été difficiles car l’organisation au sein des hôpitaux n’était pas huilée. Cette désorganisation a créé de l’inquiétude et de l’angoisse, et a forcément impacté la qualité du travail entre soignants et avec les patients. Le milieu médical est déjà stressant en temps normal, mais l’émergence de la pandémie a considérablement décuplé le stress… Sans compter qu’il a été difficile de recruter du personnel pour les unités dédiées au Covid. La peur était tellement palpable".

Mustapha Jaa, cadre infirmier, coordinateur de soins à l’hôpital Mohammed V de Tanger et secrétaire général du Syndicat indépendant des infirmiers:

"Nous avions tous conscience qu’il s’agissait d’une maladie nouvelle, sans grande information scientifique, notamment sur les différents modes de transmission. Il y avait toujours des questions sans réponse, principalement sur les formes graves.

"En tant qu’infirmiers, nous sommes particulièrement proches, physiquement, des malades. Cette proximité a forcément généré un stress très important.

"Des collègues ont été infectés ; certains s’en sont remis sans difficulté, d’autres sont décédés – principalement des personnes d’un certain âge, à quelques années de la retraite, ou souffrant de comorbidités.

"Durant les trois premiers mois, les décès ont été très difficiles à encaisser. Très vite, les dégâts ont aussi été psychologiques: certains collègues infirmiers ont fait des dépressions, des burn-out, des attaques de panique. Nous constations une anxiété continue… Il faut bien comprendre que les dégâts du Covid n’ont pas seulement été physiques : ils ont aussi été psychologiques".

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