Bras de fer entre les établissements scolaires belges au Maroc et les parents d’élèves

Les parents d’élèves, notamment ceux de l’Ecole belge de Rabat, déplorent une hausse des frais de scolarité. Ils y voient un objectif « lucratif ». De son côté, l’école se défend d’augmenter « pour augmenter » et explique suivre la grille barémique en vigueur en Belgique, une échelle d’évolution des salaires des enseignants belges.

Bras de fer entre les établissements scolaires belges au Maroc et les parents d’élèves

Le 15 juin 2021 à 17h22

Modifié 16 juin 2021 à 13h05

Les parents d’élèves, notamment ceux de l’Ecole belge de Rabat, déplorent une hausse des frais de scolarité. Ils y voient un objectif « lucratif ». De son côté, l’école se défend d’augmenter « pour augmenter » et explique suivre la grille barémique en vigueur en Belgique, une échelle d’évolution des salaires des enseignants belges.

Les parents d’élèves des établissements belges au Maroc (EBM), implantés à Casablanca et Rabat, s’inquiètent d’une hausse des frais de scolarité lors de la prochaine rentrée.

Initialement, il s’agissait d’une hausse des frais d’inscription mais, face aux protestations des parents d’élèves, l’EBM a décidé de faire basculer cette hausse sur les frais de scolarité, en l’échelonnant sur les mensualités payées par les parents, aussi bien Marocains que Belgo-marocains (même si, comme dans les établissements scolaires français par exemple, les tarifs varient en fonction de la nationalité de l’élève).

Dans un communiqué adressé le 17 mars dernier aux parents d’élèves, consulté par Médias24, l’EBM indique en effet que « les ajustements (tarifaires, ndlr) prévus seront imputés au montant du minerval et non au montant du droit annuel d’inscription ». Dans le système éducatif belge, le minerval correspond tout simplement aux frais de scolarité payés par les parents. Cette nouvelle grille tarifaire entrera en vigueur en septembre prochain, lors de la rentrée 2021-2022.

Concrètement, pour les élèves marocains, l’augmentation du droit annuel d’inscription (DAI) est de 2.000 DH pour la maternelle (5.000 DH à 7.000 DH) ; 1.000 DH pour le primaire (6.000 DH à 7.000 DH) ; 3.000 DH pour le secondaire (7.000 à 10.000 DH), mais uniquement pour les niveaux S4, S5 et S6 – le montant du DAI pour les niveaux S1, S2 et S3 demeurant stable. Au total, pour les élèves marocains et autres nationalités, une année en maternelle coûtera 44.400 DH, 52.900 DH pour le primaire ; 61.700 DH pour le secondaire (niveaux S1, S2 et S3) et 64.700 DH pour les niveaux S4, S5 et S6.

Pour les élèves belgo-marocains, la hausse est de 3.500 DH pour la maternelle, le primaire et les niveaux S1, S2 et S3 du secondaire, et 5.000 DH pour les niveaux S4, S5 et S6 du secondaire. Au total, pour les élèves belgo-marocains, une année en maternelle coûtera 31.900 DH, contre 38.400 DH annuels pour le primaire ; 45.100 DH pour le secondaire (niveaux S1, S2 et S3) et 46.600 DH pour les niveaux S4, S5 et S6.

Manque d’effectifs, travaux inachevés, visées lucratives…

« Cette décision a été prise de façon unilatérale, sans aucune concertation avec les parents d’élèves, de surcroît en période de crise et donc de temps difficiles pour certains d’entre eux », réagissent plusieurs parents d’élèves de l’école belge de Rabat, contactés par Médias24. « La première formule proposée a été d’injecter cette augmentation dans les frais de réinscription annuels. Les parents se sont manifestés et le pouvoir organisateur a finalement décidé, dans un geste de « mansuétude », de fractionner ce montant sur les mensualités des frais de scolarité. Pour nous, cela revient au même ; ça ne change strictement rien. C’est peut-être même pire encore parce que cette augmentation ouvre désormais une brèche : ils se sont permis d’augmenter les frais de scolarité et peuvent le refaire ad vitam æternam », ajoutent-ils.

Pour information : dans le système éducatif belge, le pouvoir organisateur d’un établissement d’enseignement désigne la ou les personnes, physiques ou morales, publiques ou privées, qui en assument la responsabilité. Les parents d’élèves de l’école belge de Rabat estiment que l’investisseur belgo-marocain Saâd Berrada, à l’origine de la construction de l’établissement par le biais de sa société Palmeraie Holding, est « majoritairement représenté au sein de ce pouvoir organisateur ».

Ils estiment également que c’est lui qui est à l’origine de cette hausse des frais de scolarité, dans un but « lucratif », alors que les établissements scolaires belges de la Fédération Wallonie-Bruxelles au Maroc « sont gérés par une association à but non lucratif de droit marocain, créée à l’initiative de l’Association des écoles à programme belge à l'étranger (AEBE) ». C’est ce qu’indique l’accord entre le gouvernement du Royaume du Maroc et le gouvernement de la Communauté française de Belgique (Fédération Wallonie-Bruxelles) sur «le statut juridique des établissements scolaires belges à programme d’enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles au Maroc», que Médias24 a consulté.

Les parents d’élèves se disent d’autant plus surpris par cette augmentation que le bâtiment censé accueillir, en septembre prochain, les locaux des niveaux secondaires, est toujours en travaux. « La moitié du bâtiment de Rabat n’est pas terminée. Les enfants sont obligés de passer juste à proximité pour se rendre au self et au gymnase. L’endroit n’est pas sécurisé », nous disent-ils.

Ils déplorent aussi le « manque d’effectifs des professeurs de langue ». Selon eux, l’ensemble de l’établissement ne compte que deux professeurs d’arabe et deux professeurs d’anglais « pour cinq niveaux composés chacun deux ou trois classes, voire quatre ».

Enfin, dernier objet de leurs doléances : au moment de l’ouverture de l’école belge à Rabat, en septembre 2018, la direction leur aurait fait « la promesse orale » que les frais de scolarité n’augmenteraient pas « durant la totalité du parcours scolaire de leurs enfants, de la maternelle jusqu’au baccalauréat ». « Il n’y avait rien de contractuel ; cette annonce avait seulement été faite oralement, devant un parterre de parents d’élèves », reconnaissent-ils.

Les réponses de l’école belge de Rabat

Jointe par Médias24, la direction, ainsi que le département communication de l’école belge de Rabat, ont répondu point par point aux éléments soulevés par les parents d’élèves.

> Sur la hausse des frais de scolarité d’abord, Fairouz Hamoutahar, coordinatrice de la communication, nous a transmis la longue explication que voici :

« Les écoles belges implantées au Maroc sont autofinancées puisqu’elles ne sont pas subventionnées. Cet autofinancement nous impose un niveau d’exigence très élevé, dans le sens où il faut absolument que la gestion financière de ces écoles soit saine et qu’elle permette de respecter nos promesses et engagements à l’égard des parents, à savoir l’intérêt des élèves et l’excellence pédagogique.

« En 2014, au moment de l’ouverture du premier établissement scolaire belge au Maroc, nous avions clairement expliqué aux parents que 80% de nos charges sont relatives au personnel. Nous sommes tenus de ne recruter que des enseignants ayant les titres requis belges. Dans la pratique, tous nos enseignants, membres de la direction et conseillers pédagogiques, ont les titres belges et sont de fait des expatriés. Les seuls enseignants locaux sont les enseignants de langue arabe.

« A partir de là, étant donné que nos enseignants sont expatriés, ils sont rémunérés sur la base de la grille barémique de la Belgique (NDLR : en Belgique, le salaire des personnels de l’enseignement évolue en fonction d’une échelle barémique). Il est donc normal que lorsque les coûts augmentent, et dans le but de maintenir une gestion saine, il faille réviser les tarifs. Entre 2014 et 2021, nous avons veillé à préserver la stabilité des coûts, jusqu’au moment où une révision s’est imposée afin de se conformer à l’évolution de la grille barémique.»

Et d’ajouter : « Nous avons toujours dit qu’il n’y avait pas de volonté d’augmenter les tarifs juste pour les augmenter, mais qu’ils évoluent en réalité en fonction du coût de la vie, c’est-à-dire de l’inflation. A l’issue des sept années qui se sont écoulées entre 2014 et 2021, et compte tenu de l’évolution de la grille barémique des salaires des enseignants belges, qui s’est appréciée de 15% sur cette période, nous avons décidé d’augmenter les frais de scolarité. Que vous soyez en Belgique ou au Maroc, aucun salarié ne stagne pendant sept ans. Il est normal d’intégrer l’inflation. »

Ensuite, concernant le manque de professeurs d’anglais et d’arabe, Axel Bex, chef d’établissement, répond que « tous nos postes sont pourvus, aussi bien pour les cours d’arabe que pour les cours d’anglais ». « Nous avons bien plus que deux professeurs d’arabe ; nous en avons quatre. Quant aux professeurs d’anglais, nous en avons effectivement deux, mais ils suffisent à assurer les cours. Il n’y a pas de manque d’enseignants. »

Sur le non-achèvement des travaux et, selon les parents, le manque de dispositifs de sécurité, Axel Bex explique qu’« un bâtiment est en travaux pour accueillir en septembre prochain les niveaux du secondaire. Nous sommes en train d’en aménager le rez-de-chaussée prévu pour le secondaire ». « Le chantier est tout à fait en sécurité. Il y a des coordinateurs sécurité en permanence », assure-t-il. « Aucune personne ne passe par le chantier. Il y a justement des passerelles pour accéder aux différents locaux en toute sécurité », complète Fairouz Hamoutahar.

Enfin, la « promesse orale » concernant la non-augmentation des frais de scolarité est fermement réfutée par Fairouz Hamoutahar. « C’est impensable. C’est ce que les parents d’élèves ont voulu entendre ou veulent entendre aujourd’hui parce que les frais augmentent. Nous n’augmentons pas pour augmenter. Nous avons un modèle structuré de telle façon à préserver un certain équilibre durant toute la durée de vie des écoles. Peut-être que ces parents ne l’ont pas entendu à l’époque ; peut-être qu’aujourd’hui, ils ne veulent pas l’entendre. »

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