Entretien (II). Mustapha Sehimi : les scénarios de l'après-élection

Analyses, pronostics, scénarios... C'est une lecture passionnante des lendemains du 8 septembre, que nous livre Mustapha Sehimi, pour cette deuxième partie de notre entretien avec lui.

Entretien (II). Mustapha Sehimi : les scénarios de l'après-élection

Le 27 août 2021 à 10h42

Modifié 27 août 2021 à 20h12

Analyses, pronostics, scénarios... C'est une lecture passionnante des lendemains du 8 septembre, que nous livre Mustapha Sehimi, pour cette deuxième partie de notre entretien avec lui.

Médias24: Avec le nouveau quotient, 3 à 4 partis devraient obtenir entre 60 et 85 sièges chacun. Donc, trois partis pourront constituer un gouvernement. S'achemine-t-on vers une mise à l'écart des petits partis ?

Mustapha Sehimi : Les simulations actuelles faites que ce soit par le ministère de l’Intérieur ou par les partis, donnent effectivement 3 à 4 partis en tête, qui auront entre 60 et 80 sièges. Ce sont principalement le PJD, le RNI, l’Istiqlal et le PAM. Cela donne la possibilité à trois partis seulement de former une majorité, voire quatre mais pas plus.

- Pourtant on s’attendait à ce que le quotient électoral désavantage les grands partis...

- Effectivement, c’est un paradoxe. Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura plus de petits partis représentés au gouvernement. Mais les vrais perdants pourraient être les partis dits “moyens”. Dans ce scénario, on assistera à un écrémage de la scène politique. En conséquence, la majorité gouvernementale serait plus homogène.

- Quels sont les trois partis qui seront sur le podium? dans quel ordre? Quel est le parti le mieux placé pour gagner selon vous ?

- Mon pronostic à moi, c’est que le PJD pourrait être en tête, d’une très courte avance sur ses concurrents.

- Vous ne pensez pas que l’usure du pouvoir va atteindre le PJD ? 

- Oui, les déçus de deux mandats du PJD sont nombreux. Mais c’est un parti qui a un électorat motivé. Il a surtout un large réseau, un tissu associatif, une organisation et un maillage territorial qui en font une vraie machine électorale.

- Dans cette compétition, on a l'impression que le PAM a un peu perdu pied, qu'il est distancé par les trois autres PI, RNI et PJD ?

- Les dissensions internes ont profondément affecté le PAM. Son responsable actuel est clivant, il n’est pas consensuel. On l’a constaté à Marrakech où le parti était bien implanté. Au Rif également, où les réseaux liés à Ilyas El Omari sont importants.

En plus, il n’est plus considéré par les milieux politiques comme un parti gagnant. Cela s'est traduit par le départ de nombreux candidats vers le RNI. Même dans la perception d’un certain électorat, voter PAM n’est plus considéré comme un vote utile.

- Quelles sont les coalitions possibles ?

-Au cas où le PJD est gagnant, le chef du gouvernement serait choisi de ses rangs pour former une majorité. Normalement, il n’aura que 15 jours pour le faire. Ce n’est pas inscrit dans la Constitution, mais on peut se référer à la nomination d’El Otmani par le Roi après l’échec de Benkirane, qui lui a donné ce délai de 15 jours pour former une coalition. On ne peut pas se permettre de revivre une situation telle que celle vécue après la nomination de Benkirane en 2016.

Mais mon pronostic, au vu de ses relations avec les autres partis, c’est qu’il ne réussira pas à former une majorité.

Dans ce cas là, le Roi pourrait choisir une personnalité consensuelle. L’actuel ministre des Finances est le mieux placé, à mon avis pour ce poste. Il ne faut pas oublier qu’il a un profil de technocrate et qu’il tient la machine du gouvernement, depuis la crise du covid. Je pense qu'il est le mieux armé pour cette mission, dans ce contexte.

- Cette décision serait-elle fondée au vu de la Constitution ?

-Absolument. La Constitution stipule que le Roi nomme un chef du gouvernement issu du parti arrivé premier. Ma lecture constitutionnelle est que “c’est à une seule cartouche”, c’est valable une seule fois.

Au cas où le président du gouvernement nommé échoue à former une coalition, le Roi reprend la main. L’article 42 de la constitution dit que le Roi est le garant de la pérennité et de la continuité de l’État et arbitre suprême entre ses institutions. Une telle décision ne serait donc pas inconstitutionnelle.

- On a vu une alliance remarquée RNI-Istiqlal qui a contrôlé la plupart des chambres professionnelles. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce qu’elle soit reconduite pour former la prochaine coalition gouvernementale ?

-On ne peut pas se baser mécaniquement sur les chambres professionnelles pour généraliser cette conclusion.

La culture politique au Maroc, c’est la culture du compromis, toutes les alliances restent possibles. On peut se disputer et faire monter la tension avant les élections, mais une fois que les résultats sont annoncés, place est faite aux négociations et on essaie de trouver des arrangements.

D'ailleurs, malgré la virulence du discours de l’Istiqlal contre le gouvernement, dont le RNI fait partie, l’entente s’est faite facilement au niveau des chambres professionnelles.

Néanmoins, l’Istiqlal et le RNI sont habitués à travailler ensemble. En 1977 déjà, 8 ministres Istiqlal participaient aux côtés de 15 ministres RNI au sein du gouvernement Osman. Ils se sont retrouvés dans le cabinet d’alternance d’El Youssoufi et cela s’est répété dans les gouvernements Jettou et Benkirane.

L’Istiqlal d’aujourd’hui a changé, il a gardé ses valeurs conservatrices, mais s’est tourné vers une social démocratie réformatrice. Le RNI, lui, est plus libéral, mais rien ne les empêche pour autant d’être au même gouvernement.

- Que fera le PJD s'il n'est pas en tête ? Opposition ou gouvernement ?

-Je pense que le PJD restera au gouvernement, quoi qu'il en soit. Même si les bases sont contre, les leaders vont les encadrer pour les convaincre. Ils sont maintenant habitués au pouvoir, aux avantages de la vie publique, ils ont des intérêts et des ambitions. Ce sera difficile pour eux de revenir à l’opposition.

- Avec l’implosion de la FGD, quelles sont les chances pour la gauche de maintenir ses 2 sièges au parlement ?

-Aujourd’hui l’identité socialiste est quasiment absente. L’USFP qui était le principal parti de gauche n’est plus audible. Le PPS s’est transformé au fil des années. Avec cette implosion de la  FGD, on assiste à un affaissement et une dilution de l’identité socialiste.

Le divorce a été consommé après que Nabila Mounib n’ait pas voulu suivre les deux autres composantes de la FGD dans leur volonté de boycotter les législatives.

Maintenant, le PSU fait cavalier seul mais il est tout de même probable qu’il bénéficie du quotient électoral et il pourrait bien rafler 5 à 6 sièges.

La première partie de l'entretien

Entretien (I). Mustapha Sehimi: Pour la première fois, une vraie campagne électorale 2.0

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