Témoignages : des opérateurs du tourisme atterrés après les dernières mesures du gouvernement

Les décisions gouvernementales de suspendre trois vols européens et d'annuler le sommet mondial du tourisme à Marrakech ont rendu furieuse toute la profession, qui les qualifie d’irréfléchies. Deux témoignages.

Témoignages : des opérateurs du tourisme atterrés après les dernières mesures du gouvernement

Le 25 octobre 2021 à 20h01

Modifié 25 octobre 2021 à 20h17

Les décisions gouvernementales de suspendre trois vols européens et d'annuler le sommet mondial du tourisme à Marrakech ont rendu furieuse toute la profession, qui les qualifie d’irréfléchies. Deux témoignages.

Depuis une semaine, les mauvaises nouvelles s'accumulent pour les professionnels du tourisme, alors que le début de la haute saison s'annonçait sous les meilleurs auspices en termes de réservations. En effet, le taux d’occupation oscillait entre 80% et 100% dans certains grands hôtels.

Confrontés à une série de décisions gouvernementales qui ont totalement changé la donne, deux grands opérateurs ont fait part à Médias24 de leur profond désarroi. L'annulation du sommet mondial du tourisme prévu à Marrakech, ne suscite qu'incompréhension et incrédulité. Jugez-en.

Succession de mauvaises nouvelles qui vont retarder la reprise

Ainsi, en quelques jours, les autorités marocaines ont non seulement annoncé la suspension de trois lignes aériennes avec l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, mais aussi l’annulation de l’organisation d’un sommet mondial du tourisme dans la ville ocre, pour raison sanitaire.

Des décisions qui ont suscité l’incompréhension, voire la colère de l’ensemble de la profession. Cette dernière soutient qu’il y avait des alternatives à ces mesures restrictives qui vont aggraver la situation d’un secteur déjà sinistré, et remettre la reprise aux calendes grecques.

« Le secteur est dans l’antichambre d’un cimetière »

C’est notamment le cas du président du seul tour-opérateur marocain, Othman Cherif Alami, qui se dit très inquiet pour son personnel qui voit s’assombrir de jour en jour toute perspective d’avenir.

"Aujourd’hui et sans exagération aucune, notre activité se trouve dans l’antichambre d’un cimetière. En effet, si nous adhérons à la stratégie du gouvernement pour combattre la pandémie, il y a aussi lieu de constater que les industries du tourisme et de l’artisanat sont malheureusement reléguées aux oubliettes, car il y avait plusieurs alternatives à ces décisions qui sont le meilleur moyen de nous achever."

« Des alternatives à la suspension des vols étaient possibles »

"Au lieu de suspendre les liaisons aériennes avec les trois marchés européens, il était possible d’imposer aux visiteurs anglais, hollandais et allemands la présentation à nos frontières d’un pass vaccinal, l’obligation d’un nouveau test PCR, voire même une radio laser à l’arrivée aux aéroports marocains.

"S’il est vrai que l’Angleterre a enregistré, ce week-end encore, des chiffres importants de contamination et de décès, il faut laisser les gens venir chez nous, car tous ces pays continuent à vivre quasi normalement."

Des prescripteurs étrangers de voyage menacent de ne plus travailler avec le Maroc

"La décision d’arrêter les liaisons directes avec ces trois marchés a fait perdre à la profession beaucoup d’argent, en particulier à Marrakech et Agadir, avec des touristes anglais bloqués sur place faute d’avion, et surtout pris de panique à l’idée de ne pas pouvoir rentrer chez eux dans les délais impartis.

"Sachant qu’ils ont revécu la même situation qu’en mars 2020, où les frontières avaient été fermées du jour au lendemain sans prévenir, les hôteliers ont été assaillis de plaintes de leurs partenaires furieux qui exigent des dédommagements financiers et, surtout, ne voudront plus retravailler avec eux à l’avenir."

« Des mesures restrictives qui auront de graves conséquences »

"Partant de là, il y a vraiment lieu de se demander ce que deviendra le magnifique contrat signé par l’ONMT avec la compagnie anglaise Ryanair pour développer une base aérienne à l’aéroport d’Agadir.

"Si, encore une fois, nous soutenons les efforts du Comité interministériel pour lutter contre une nouvelle propagation de la pandémie, il ne faut pas que ce soit au détriment de notre secteur.

"Qui payera les conséquences de cette suspension qui ne manquera pas, un jour ou l’autre, d’entraîner de nombreuses faillites d’opérateurs, mais aussi le chômage de milliers d’employés ?", s’interroge dubitatif le président du groupe Atlas Voyages.

« L’annulation du sommet de l’OMT à Marrakech est une erreur coûteuse »

Othman Cherif Alami exprime également son désarroi après l’annonce de l’annulation de la tenue à Marrakech de la 24e Assemblée générale de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), initialement prévue du 30 novembre au 3 décembre.

"Selon toute la profession, cette décision hâtive est totalement négative, car il s’agissait de recevoir les délégations des 43 pays membres de l’Organisation mondiale du tourisme, et pas des clients lambda.

"Au lieu de transférer sa tenue à Madrid qui s’est fait un plaisir de prendre le relais, juste un mois avant, il aurait été tellement plus simple d’exiger des participants qu’ils soient vaccinés avec une 3e dose, ou qu’ils se soumettent à plusieurs tests PCR au départ de leur pays et à l’arrivée dans le pays hôte."

« Un manque à gagner énorme en termes d’image et financiers »

"Pour résumer, c’est un énorme gâchis, sachant que cet événement aurait fait un gros coup de publicité gratuit en plus, pour Marrakech et toutes les destinations touristiques du Royaume. C’était l’occasion de nouer des partenariats pour le tourisme marocain, mais aussi africain.

"Le manque à gagner en termes publicitaires de cette annulation sera énorme, sans parler des pertes financières de l’organisateur, qui avait déjà commencé à monter les chapiteaux de l’événement et engagé de nombreux frais qui ne lui seront certainement pas remboursés", dénonce Cherif Alami. Ce dernier voit s’éloigner de plus en plus toute perspective de reprise des marchés étrangers.

« Le Maroc, un des derniers pays fermés au tourisme international »

« Ce qui est extraordinaire dans ce rebondissement, c’est qu’on a l’impression que l’Espagne, via Madrid qui va organiser cette assemblée générale, n’a, contrairement au Maroc, pas peur de la pandémie.

"En suspendant les vols avec certains pays et en annulant la tenue d’événements mondiaux sur son sol, le Maroc est, avec la Thaïlande et la Corée du Nord qui sont toujours fermées à l’international, le seul pays de la planète à avoir adopté des mesures aussi rigoureuses, alors qu’il y a d’autres solutions", constate le président d'Atlas Voyages, pour qui il ne faut pas oublier le secteur de l’artisanat sinistré, car étroitement lié au tourisme.

"Reste à espérer que nos doléances finiront par trouver une oreille compatissante, car malgré tous nos messages d’alerte, notre situation ne cesse de s’aggraver avec de nouvelles mesures restrictives prises sans aucune concertation préalable avec la profession sur leurs conséquences", conclut Cherif Alami. Il s'inquiète pour l’avenir du secteur en l'absence d'une réaction rapide des autorités marocaines.

« Une série de décisions publiques préjudiciables aux intérêts du secteur »

Tout aussi pessimiste, le président d’un grand groupe hôtelier, requérant l’anonymat pour "être le plus honnête possible au risque de déplaire aux acteurs publics", qualifie l’annulation à la dernière minute du sommet de l’OMT à Marrakech de "véritable catastrophe pour la ville ocre, mais aussi pour tout le Maroc".

"Au moment où tous les experts mondiaux annoncent que les pays ont appris à gérer la pandémie et que la France, l’Égypte, la Grèce, la Turquie, le Portugal… cartonnent, notre pays a pris une décision plus que préjudiciable aux intérêts de notre secteur", explique l’opérateur. Il prédit qu’en persistant sur cette voie, il y aura plus d’avis de décès d’entreprises touristiques que de vies humaines.

« Notre pays serait-il le seul de la planète à se soucier de la santé de ses citoyens ? »

« Pensez-vous sérieusement que tous ces pays n’aiment pas leurs citoyens et les mettent délibérément en danger pour des considérations purement mercantiles ? Est-ce que nos autorités sont les seules de la planète à se soucier de la santé des Marocains ? Et ce ne serait-ce pas le cas de celles de la France...

"Pour faire court, cette décision est totalement incompréhensible, car elle aurait pu prendre une autre forme en prévenant à l’avance pour éviter les scènes auxquelles on a assisté à Marrakech... comme des familles anglaises avec des bébés, complètement paniquées à l’idée d’être bloqués au Maroc.

"Furieux, les tour-opérateurs étrangers nous ont dit qu’ils aimaient beaucoup le Maroc, mais qu’on ne les reverrait plus jamais, car la suspension au dernier moment des liaisons aériennes leur avait prouvé que notre pays était bien plus intéressé par leur argent que par leur bien-être."

« La haute saison d’automne est d’ores et déjà compromise »

« Comment rivaliser avec Dubaï, Istanbul, Paris, Le Caire et tant d’autres destinations qui leur déroulent le tapis rouge, alors que de notre côté, nous leur imposons de nouvelles restrictions de circulation ?

"Alors qu’il y avait un frémissement très positif qui augurait un très bon démarrage de la haute saison d’automne avec les vacances de la Toussaint, tous les hôteliers reçoivent chaque jour des annulations du marché français, et la haute saison d’automne est d’ores et déjà complètement compromise.

"Le vrai drame est que les désistements des Français sont en train de faire boule de neige avec un impact négatif sur l’ensemble des marchés étrangers", conclut l’hôtelier pour qui il n’y avait aucune urgence sanitaire pour adopter de telles mesures qui vont faire fuir toute la clientèle internationale

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