Vaccination: La désaffection actuelle était prévisible (Pr. Ibrahimi)

D’après Pr Azzedine Ibrahimi, directeur de Medbiotech, laboratoire de biotechnologie de la faculté de médecine et de pharmacie de l’université Mohammed V à Rabat, le processus de vie d'un vaccin passe par 5 étapes. Le Maroc en est actuellement à la troisième, qui se caractérise par une perte de confiance des citoyens, d’où les multiples protestations contre le pass vaccinal qui enflent actuellement sur les réseaux sociaux et dans les rues.

Vaccination: La désaffection actuelle était prévisible (Pr. Ibrahimi)

Le 8 novembre 2021 à 17h15

Modifié 8 novembre 2021 à 17h43

D’après Pr Azzedine Ibrahimi, directeur de Medbiotech, laboratoire de biotechnologie de la faculté de médecine et de pharmacie de l’université Mohammed V à Rabat, le processus de vie d'un vaccin passe par 5 étapes. Le Maroc en est actuellement à la troisième, qui se caractérise par une perte de confiance des citoyens, d’où les multiples protestations contre le pass vaccinal qui enflent actuellement sur les réseaux sociaux et dans les rues.

Dans une longue publication sur sa page Facebook, Pr Ibrahimi revient sur les cinq étapes qui caractérisent l’évolution d’un vaccin, et dans le contexte actuel marqué par la pandémie du Covid-19, les vaccins anti-Covid disponibles notamment au Maroc.

"Beaucoup de gens pensent que ce qui se passe actuellement au Maroc", notamment en ce qui concerne les manifestations contre le pass vaccinal, "est exceptionnel et non étudié scientifiquement. Mais il s’agit d’un phénomène scientifique bien connu", lit-on sur son post.

Et d’ajouter : "Personne ne peut nier que tous les médicaments et vaccins existants ont des effets secondaires. Il ne faut toutefois ni les exagérer, ni les limiter. Ces effets doivent au contraire être identifiés, et les personnes qui en développent, prises en charge, comme nous le faisons avec tous les médicaments et vaccins autorisés."

Les citoyens marocains dans une phase de perte de confiance

Pr Ibrahimi explique ainsi que "plus une campagne de vaccination est réussie, moins la maladie évitée sera visible pour le public. Étant donné que la maladie originale semble disparaître dans l’esprit du public, l’attention de la population peut se concentrer sur les événements indésirables du vaccin. Une perception erronée du risque des vaccins et la négligence de la menace beaucoup plus importante que représente la maladie originale, peuvent entraîner une baisse de l’acceptation du vaccin".

"Dans un article scientifique qui date de 1994, Chen R. T. a présenté les cinq étapes de l’évolution de la vaccination de masse et leurs relations avec l’apparition d’effets indésirables. Un processus qui ensuite été mis à jour par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)", et qui, à moindre échelle, peut être calqué sur l’épidémie actuelle de Covid-19". Ces étapes se présentent comme suit :

1- "La première, dite la phase "pré-vaccinale", est celle qui précède l’introduction ou le développement du vaccin. Elle se caractérise par des taux élevés de morbidité et de mortalité causées par la maladie infectieuse évitable. Et évidemment, puisque les vaccins ne sont ni disponibles ni utilisés, il n’y a pas d’évènements indésirables. Durant cette phase, les citoyens sont plutôt demandeurs du vaccin."

Au Maroc, cette première phase est intervenue en mars 2020, après l’apparition des premiers cas de Covid-19, et s’est poursuivie jusqu’en janvier 2021, un mois marqué par le lancement de la campagne de vaccination au Royaume.

2- "Dans la seconde phase, après l’introduction d’un vaccin efficace pour prévenir le Covid-19, une augmentation de la vaccination entraîne une baisse de l’incidence, mais parallèlement, les manifestations post-vaccinales indésirables, réelles ou perçues, commencent à apparaître et peuvent devenir un problème majeur. Paradoxalement, c’est justement lorsque les bénéfices du vaccin sont les plus évidents et la couverture vaccinale la plus élevée que les préoccupations concernant la sécurité des vaccins ont plus de risque d’augmenter chez le grand public."

3- "Dans la troisième phase, qui est la phase "de méfiance" dans laquelle nous vivons aujourd’hui, l’attention accrue sur les effets secondaires après la vaccination, qui est souvent intensifiée par la couverture médiatique d’un ou de plusieurs cas signalés, notamment sur les réseaux sociaux, entraîne une perte de confiance dans le vaccin et une baisse de la couverture médicale, ce qui peut conduire à une réapparition de la maladie à des niveaux supérieurs voire épidémiques."

4- "Ce qui se passe souvent dans la 4e phase, dite de "restauration de la confiance", c’est la réapparition de la maladie, ou la disponibilité d’une nouvelle génération de vaccins." Les citoyens acceptent de nouveau la vaccination, ce qui se traduit par des couvertures vaccinales de nouveau élevées, et donc une réduction de la maladie aux niveaux faibles précédents.

5- "Quant à la cinquième étape, et pour s’assurer que ce cycle ne se répète pas, une communication fluide et appropriée est nécessaire pour regagner et conserver la confiance des citoyens." En effet, toute question de sécurité des vaccins nécessitera une rapide détection et une évaluation, ainsi que des efforts d’intervention.

"Afin d’assurer la poursuite de l’acceptation des vaccins, l’apparition d’effets indésirables après la vaccination doit être surveillée et évaluée scientifiquement." Pr Azzedine insiste également sur la nécessité d’une "communication efficace sur les bénéfices et les risques de la vaccination auprès des patients et des parents", mais aussi sur l’importance "de cibler les groupes hésitants et refusant de se faire vacciner, en utilisant les moyens de communication adéquats. C’est ce que nous continuons de faire."

Par ailleurs, "malgré toute la confusion liée à l’adoption du pass vaccinal qui règne, la situation épidémiologique actuelle du Royaume reste prometteuse" par rapport à de nombreux pays étrangers, conclut-il, notant que "nous avons atteint un taux de vaccination de plus de 62% avec deux doses, et nous avons entamé un retour à une vie semi-normale, dans l’espoir de voir bientôt toutes les restrictions levées. Nous avons également un bon stock de vaccins, et nous allons bientôt commencer à produire le vaccin Sinopharm."

La prochaine vague concernera essentiellement des non-vaccinés

Joint par nos soins, Dr Tayeb Hamdi, médecin, chercheur en politiques et systèmes de santé, nous explique que "cette courbe décrit en effet la vie d’un vaccin et son évolution par rapport à la maladie et sa propagation. Elle peut apporter en partie une explication au déploiement des vaccins contre le Covid-19 actuellement".

"Cette courbe démontre que les gens recourent à la vaccination au début pour se protéger contre la maladie, et finissent par se relâcher et négliger la vaccination une fois que la maladie entre en déclin. Une flambée des cas est ainsi de nouveau enregistrée, incitant les gens à se faire vacciner."

"Cela se passe de la même manière que les vagues de l’épidémie elle-même : lorsque le premier cas est détecté, puis que les cas se multiplient, les gens respectent les mesures barrières et se confinent. Une fois que le nombre de cas commence à baisser, les gens ressortent de chez eux et reprennent leurs habitudes, ce qui induit une reprise de l’épidémie."

"Il s’agit donc du parcours de vie d’un vaccin, qui s’étale sur des dizaines d’années. Sauf que la vaccination contre le Covid-19 présente certaines particularités" relatives à la rapidité et au nombre de personnes. "Nous devons vacciner le plus rapidement possible le plus grand nombre de personnes. Si on attend de vacciner les gens sur plusieurs années, le risque d’apparition de nouveaux variants reste présent."

"De plus, nous sommes dans une ère de réseaux sociaux. Nous avons vacciné les personnes consentantes, qui s’élèvent à plus de 24 millions pour la première dose et plus de 22 millions pour la seconde, mais nous arrivons à une catégorie plus dure à convaincre des bienfaits de la vaccination. Il s’agit certes d’une minorité des antivax et des complotistes, mais essentiellement des gens qui sont hésitants de nature, et qui ont peur, ce qui est compréhensible, même si leurs craintes sont infondées. L’hésitation et la peur de cette dernière catégorie sont alimentées et entretenues par les antivax et les complotistes."

"Pour les atteindre, il fallait annoncer l’administration de la troisième dose bien en avance, pour leur donner le temps d’assimiler l’information. Malgré une annonce tardive, nous sommes déjà à plus de 1,5 million de personnes vaccinées par la 3e dose. Il fallait également les préparer à l’adoption du pass vaccinal."

"A présent, il faut être pédagogique, et non leur faire peur. Il faut leur expliquer que le gouvernement ne peut pas les attendre pour reprendre une vie normale, conditionnée par un pass vaccinal dans un premier temps, pour assurer une certaine protection et éviter que le système de santé ne soit débordé."

Dr Tayeb alerte par ailleurs sur la dangerosité d'une nouvelle vague sur cette catégorie. "Lors de la prochaine vague, ce sont les non vaccinés et les personnes âgées, atteintes de maladies chroniques, et n’ayant pas effectué la dose de rappel six mois après leur deuxième dose, qui seront atteints. Ce sera alors une vague des non vaccinés en premier lieu et des personnes incomplètement vaccinées, ayant raté la troisième dose, pour certains groupes à risque".

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