Au Brésil, inflation et faim vont de pair

(AFP)

Le 29 septembre 2021

"Moins de viande, plus de légumes et beaucoup de créativité": c'est avec ce mantra en tête que la Brésilienne Marli Fumagalli fait son marché à Sao Paulo, obligée de changer ses habitudes alimentaires par la hausse des prix.

L'inflation galopante se reflète dans les assiettes, dans un pays de 213 millions d'habitants, soit 13% de la population, vit sous le seuil de pauvreté, avec des inégalités béantes encore creusées par la crise du coronavirus.

"Je suis toujours dans le rouge. Pour la viande, j'ai juste les moyens d'acheter des abats, que je mélange avec des légumes ou des pommes de terre", explique Mme Fumagalli, 69 ans, qui doit nourrir sa mère et ses deux filles avec sa modeste retraite.

En août, l'inflation sur un an a atteint 9,68%. Mais les prix des aliments ont augmenté de 14%.

"Cette inflation au-dessus de la moyenne pour les aliments a plombé le budget des familles les plus pauvres depuis 2020, et ça continue cette année", explique Joelson Sampaio, économiste de la Fondation Getulio Vargas (FGV).

Selon une étude de la FGV publiée en avril, 27,7 millions de Brésiliens vivent sous le seuil de pauvreté, soit 12,98% de la population, qui gagne moins de 261 réais (41 euros) par mois. En 2019, le pourcentage s'élevait à 10,97%, avec 23,1 millions de personnes vivant dans la misère.

- Le boeuf, un luxe -

Au marché où Mme Fumagalli fait ses courses, le boucher José Guerreiro ne propose presque plus de viande de boeuf, mais davantage de volaille.

"J'essaie de varier les fournisseurs pour trouver les meilleurs prix, mais ça monte sans arrêt, il y a un effet boule de neige", déplore-t-il.

Le prix du boeuf a augmenté de 30,7% en un an, soit trois fois plus que l'inflation. Une situation paradoxale pour un pays au cheptel gigantesque, premier exportateur mondial de viande bovine.

D'après un sondage récent de l'institut Datafolha, 85% des Brésiliens ont réduit leur consommation d'au moins un type d'aliment cette année, et 67% ont mangé moins de viande rouge.

Autre donnée encore plus préoccupante: 35% des sondés disent également consommer moins de riz et de haricots noirs, les aliments de base des familles brésiliennes.

"Le premier réflexe des consommateurs est de remplacer certains aliments par d'autres, puis de réduire les portions et enfin de se priver de certaines denrées", explique Joelson Sampaio.

Selon un rapport de l'association PENSSAN, plus de 19 millions de Brésiliens souffrent de la faim.

Et 116,8 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, vit en situation d'"insécurité alimentaire", n'ayant pas "pleinement accès aux aliments de façon permanente".

L'inflation a aggravé la situation des familles pauvres, dans un pays qui compte plus de 14 millions de chômeurs.

"Les aliments consommés par une grande partie de la population ne contiennent pas les éléments nutritifs suffisants, ce qui peut entraîner de nombreuses maladies chroniques comme le diabète ou des problèmes cardiaques", déplore Glaucia Pastore, spécialiste en ingénierie alimentaire de l'Université de Campinas.

- "Bolsocaro" -

L'opposition attribue l'inflation aux politiques économiques du gouvernement du président d'extrême droite Jair Bolsonaro, surnommé "Bolsocaro" (jeu de mots avec "caro", qui signifie cher en portugais).

Mais le gouvernement estime pour sa part que la hausse des prix est due au contexte international.

"Les aliments dont le prix augmente le plus sont des denrées exportées massivement par le Brésil et cotées en dollar sur le marché international", explique le consultant en agronégoce Carlos Cogo.

Comme le réal brésilien s'est fortement déprécié face au dollar ces derniers mois, "la hausse des prix des aliments finit par être plus importante que la moyenne mondiale", précise-t-il.

Sans compter la hausse vertigineuse du prix des carburants (+41,3% sur un an) et la sécheresse historique qui affecte certaines récoltes, comme le maïs, et entraîne une augmentation de la facture énergétique.

Selon Carlos Cogo, les prix des aliments devraient rester élevés au moins jusqu'en 2023, au risque de voir de plus en plus de familles brésiliennes souffrir de la faim.

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Le 29 septembre 2021

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