Crise politique en Tunisie: des milliers du principal parti dans la rue

(AFP)

Le 27 février 2021

Le principal parti au pouvoir en Tunisie, Ennahdha, a mobilisé des milliers de partisans samedi, une démonstration de force qui risque d'accentuer les tensions en plein bras de fer entre cette formation d'inspiration islamiste et le chef de l'Etat.

Cette manifestation, l'une de plus importantes de ces dernières années, intervient alors que la crise sociale accentuée par la pandémie de coronavirus se double de difficultés budgétaires grandissantes. Certaines entreprises publiques peinent à payer les salaires, et les bailleurs s'inquiètent de voir grimper la dette tunisienne.

Le Fonds monétaire international (FMI) a alerté dans un communiqué samedi sur l'urgence des réformes pour diminuer le déficit. Il a appelé à réduire la masse salariale publique et les subventions sur l'énergie, soulignant que "la dette publique deviendrait insoutenable à moins d'adopter un programme de réformes solide".

Le président Kais Saied, un conservateur indépendant qui jouit d'une importante popularité, a rejeté fin janvier un remaniement voulu par Ennahdha pour assurer au gouvernement le soutien de sa coalition parlementaire.

Les deux camps s'écharpent sur l'interprétation de la Constitution et des prérogatives de chacun dans ce système semi-parlementaire.

En l'absence d'une Cour constitutionnelle, le conflit s'éternise, paralysant le gouvernement depuis six semaines.

- Dialogue national -

"Le peuple veut l'unité nationale", ont scandé des partisans d'Ennahdha, agitant des drapeaux dans le centre de Tunis.

Le chef de file d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, a pris la parole pour appeler à un dialogue entre "toutes les forces politiques" et à défendre le Parlement et les institutions de la démocratie.

"Ce n'est pas au président de décider tout seul qui peut gouverner ou pas!", a déclaré à l'AFP Mohamed Khlif, venu de Sfax (est) en dépit des restrictions de déplacements en vigueur en raison de la pandémie.

Les manifestants sont venus de tout le pays, certains précisant être arrivés en voiture d'autres en bus, et plus d'une centaine de cars affrétés pour les transporter stationnaient aux abords du centre-ville.

Ennahdha --qui domine la scène politique depuis 2011 mais a vu son socle électoral s'éroder jusqu'à ne contrôler qu'un quart du Parlement--, "a montré qu'elle était toujours capable de mobiliser en nombre", estime le politologue Youssef Cherif.

Cette mobilisation "permet d'arriver à la table des négociations fort de ce soutien visible", mais elle risque de compliquer tout dialogue, ajoute-t-il. Les dirigeants du parti ont "gagné en assurance" face à un président hostile à tout compromis.

- "Luttes de pouvoir" -

Ennahdha s'est également réaffirmé face à une gauche affaiblie mais dont un parti a défilé samedi contre le gouvernement, et face aux anti-islamistes du Parti destourien libre (PDL). Cette formation qui gagne du terrain a orchestré un rassemblement populaire il y a une semaine à Sousse (est).

Mais cette démonstration de force reste controversée jusqu'au sein d'Ennahdha, d'autant que les luttes de pouvoir incessantes participent à discréditer la classe politique.

Le bras de fer risque de faire tomber le gouvernement de Hichem Mechichi, soulignent des responsables politiques, alors que le Premier ministre est laborieusement arrivé au pouvoir il y a 6 mois. Il a pris la suite d'un gouvernement qui n'avait tenu que quelques mois.

Les querelles politiques qui ont entravé les réformes de fond depuis la révolution de 2011 se sont accentuées depuis l'arrivée au pouvoir en 2019 d'un Parlement morcelé et profondément divisé.

Cet "affaiblissement de la gouvernance" a poussé l'agence de notation Moodys à dégrader cette semaine la note de la dette souveraine de la Tunisie, compliquant son accès à l'emprunt alors que le pays n'a pas bouclé son budget 2021.

M. Mechichi, qui avait limogé 11 ministres parmi lesquels celui de la Santé ou de l'Intérieur, a fini par confier ces ministères à d'autres membres du gouvernement déjà en place.

"Dans ces moments de crise, il faut un dialogue, et actuellement il n'y en a aucun, seulement des monologues interactifs", a estimé le député Ennahdha Samir Dilou. La Tunisie "n'a pas les moyens d'avoir à la fois une crise politique, une crise socio-économique et le risque d'une crise sécuritaire", a-t-il ajouté.

Le puissant syndicat UGTT a lui appelé à un dialogue national, un appel resté lettre morte jusque-là.

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Le 27 février 2021

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