Espagne: Rodrigo Rato, victime expiatoire de la lutte contre la corruption

(AFP)

Le 17 avril 2015

Mise en scène en année électorale ? L'Espagne se demandait vendredi si l'ex-directeur du FMI Rodrigo Rato, arrêté la veille sous l'oeil des caméras, n'était pas le bouc émissaire de son parti conservateur dans la lutte contre la corruption.

"Victime expiatoire", l'expression était sur toutes les lèvres et dans tous les journaux où s'étale la photo de l'ancien ministre conservateur de l'Economie, emmené dans une voiture par des policiers.

Rodrigo Rato, longtemps présenté comme l'artisan du boom économique espagnol avant la crise, fait l'objet d'une nouvelle enquête pour "blanchiment, fraude et dissimulation d'actifs", ont indiqué des sources judiciaires.

Détenu pendant que les enquêteurs perquisitionnaient son domicile puis son bureau madrilènes, il a été laissé libre dans la nuit. Il est retourné à son bureau vendredi pour la poursuite des perquisitions.

Pour la majorité des commentateurs, l'ancien patron du FMI entre 2004 et 2007 est le bouc émissaire du Parti populaire (PP) du chef du gouvernement Mariano Rajoy, accusé de ne pas lutter efficacement contre la corruption qui indigne les Espagnols. D'autant que le parti conservateur est en perte de vitesse dans les sondages à l'approche d'élections régionales, le 24 mai et législatives en fin d'année.

- Humiliation publique -

L'humiliation publique de l'ancien ministre relève de la "justice spectacle", pour l'analyste Josep Ramoneda, qui souligne que le Conseil des ministres a adopté vendredi une réforme anti-fraude fiscale.

"Le PP constate que la corruption lui cause beaucoup plus de tort qu'il ne le croyait (...) et a vu dans Rato une opportunité à ne pas manquer", renchérit le politologue Anton Losada. "Ils ont décidé d'en faire un exemple."

Exclu des rangs du PP, l'ancien ministre est déjà inculpé pour escroquerie, détournements de fonds et falsification de comptes lors de l'introduction en bourse calamiteuse en 2011 d'une banque qu'il dirigeait, Bankia, qui a coûté une fortune au contribuable et ruiné des centaines de milliers de petits actionnaires. Il est également mis en examen dans une affaire d'utilisation frauduleuse de cartes bancaires.

Le PP se défend d'avoir sacrifié cet ancien vice-président du gouvernement de José Maria Aznar et ancien rival de Mariano Rajoy pour prendre la direction du parti. "Il serait extravagant de croire que cette affaire arrange le PP, cela lui cause un tort énorme", a déclaré le porte-parole du parti au Parlement européen, Esteban Gonzalez.

Pour le politologue Nacho Martin Blanco, le PP "n'avait aucun intérêt à ce que tout sorte". Mais l'enquête "montre que l'Etat de droit fonctionne mieux que ce que certains prétendent", estime-t-il.

- 'Affaire personnelle' -

L'enquête visant Rodrigo Rato et d'autres "est une affaire personnelle, qui n'a rien à voir avec des faits liés à ses fonctions publiques, qu'il n'a plus", a affirmé la porte-parole du gouvernement Soraya Saenz de Santamaria.

Soulignant également "l'indépendance et la fermeté" des services fiscaux et de la justice, le ministre des Finances Cristobal Montoro, ancien proche de Rodrigo Rato, a lui souligné que l'enquête était ouverte depuis "un certain temps déjà". "Depuis un an", selon une source proche du dossier.

Si sacrifice il y a eu, il n'a pas satisfait les partis d'opposition ni les mouvements citoyens.

"Nous sommes face à un gouvernement de la corruption, ce n'est pas moi qui le dis mais les juges", a déclaré le chef du parti anti-libéral Podemos, Pablo Iglesias. "Nous sommes entre les mains d'une mafia", a-t-il ajouté, reprenant le slogan des appels à manifester vendredi soir devant le siège du PP à Madrid.

"Démission", "Voleurs", ont crié environ 200 manifestants finalement mobilisés en début de soirée, brandissant des pancartes dénonçant la "corruption".

"Nous nous sentons impuissants", a confié Alberto Pajares, étudiant de 26 ans en désignant le siège du parti où "rien ne bouge". "Voir un vice-président dans une voiture de police a eu un fort impact et nous espérons que cela se reflétera dans les urnes".

Le porte-parole du PSOE, Antonio Hernando, a lui comparé le gouvernement et le PP "au Titanic qui fait naufrage".

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Le 17 avril 2015

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