Expulsions: la France met la pression sur le Maghreb

(AFP)

Le 29 septembre 2021

La France a tapé du poing sur la table face au Maghreb en annonçant mardi la réduction du nombre de visas accordés, donnant des gages à la droite et l'extrême droite sur l'immigration à moins de sept mois de la présidentielle, et en plein regain de nervosité des relations avec ces pays.

L'octroi de visas sera durci d'ici quelques semaines pour les ressortissants du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie, qui "refusent" de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France, a annoncé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur Europe 1.

La décision, "drastique", "inédite", est "rendue nécessaire par le fait que ces pays n'acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France", a-t-il justifié, confirmant une baisse à venir de 50% du nombre de visas délivrés pour les ressortissants du Maroc et de l'Algérie et de 33% pour ceux de Tunisie.

Paris assure avoir fait preuve de patience depuis les premières négociations en 2018 sur ce sujet. Accusé par la droite et l'extrême droite de ne pas expulser assez, elle pointe du doigt la responsabilité des trois pays. "Il y a eu un dialogue, ensuite il y a eu des menaces. Aujourd'hui on met cette menace à exécution", a insisté M. Attal.

- Référendum sur l'immigration -

Le Maroc a pris acte d'une décision qu'il qualifie d'"injustifiée" et qui "ne reflète pas la réalité", via son ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita.

Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur communiqués mardi à l'AFP, l'Algérie a délivré entre janvier et juillet 2021 un total de 31 laissez-passer consulaires pour 7.731 obligations de quitter la France (OQTF) prononcées, et 22 expulsions réalisées, soit un taux d'exécution de 0,2%. Ce taux est de 2,4% au Maroc et 4% en Tunisie.

Emmanuel Macron, qui avait promis en début de quinquennat un taux d'exécution des reconduites à la frontière de 100% tous pays confondus, avait réclamé en juin à son gouvernement des mesures "très rapidement". Priorité: les expulsions des étrangers irréguliers auteurs d'actes de terrorisme ou fichés pour radicalisation, et de ceux ayant commis des crimes et délits et autres infractions graves.

L'annonce intervient le jour de la présentation par la candidate de l'extrême droite à la présidentielle Marine Le Pen de son projet de référendum sur l'immigration. "Depuis janvier, 99,8% des expulsions prononcées vers l'Algérie ne sont pas effectuées. Le gouvernement aura attendu septembre pour sévir sur l'octroi des visas", a critiqué cette dernière sur Twitter.

La question migratoire truste la pré-campagne présidentielle, notamment avec l'arrivée sur le devant de la scène du polémiste Eric Zemmour, qui ressasse le thème du "grand remplacement" de la population européenne par une population immigrée.

"On est en campagne électorale. Il y a une course à la droite", estime Béatrice Hibou, directrice de recherche au CNRS et spécialiste du Maroc. "Des tensions autour des politiques migratoires, il y en a toujours eu. Mais elles se gèrent diplomatiquement, sans grande publicité", poursuit-elle, qualifiant l'annonce de "choquante" et d'"électoralisante".

- "Stabilité" du Maghreb -

Elle intervient en outre dans un contexte diplomatique tendu, que les déclarations "outrancières" ne vont pas aider, observe Vincent Geisser, chercheur au CNRS, spécialiste du monde arabe et musulman.

"Ces propos très durs vont provoquer énormément de désapprobation au Maghreb" alors qu'il y avait jusque là une "bonne entente" sur les questions migratoires et terroristes, que le gouvernement français estime liées, poursuit-il.

Les relations entre Paris et Rabat sont parasitées par l'affaire Pegasus, du nom d'un logiciel d'espionnage auquel le Maroc a été accusé d'avoir eu recours, ce que Rabat a démenti.

Les relations avec l'Algérie restent, elles, compliquées notamment par la question mémorielle. Le président algérien Albdemadjid Tebboune a de nouveau réclamé en juin une reconnaissance des faits survenus pendant la colonisation (1830-1962). Emmanuel Macron a engagé ces derniers mois une série d'actes symboliques, dont début septembre sa demande de "pardon" aux harkis, auxiliaires musulmans ayant combattu aux côtés de l'armée française durant la Guerre d'Algérie (1954-1962).

Le contexte est encore compliqué par la rupture par l'Algérie de ses relations avec le Maroc, dossier dans lequel Paris plaide le "dialogue" dans l'intérêt de la "stabilité" au Maghreb.

Quant à la Tunisie, la France a jusque là souligné "la nécessité de préserver le calme et l'Etat de droit" après le coup de force du président Kais Saied, qui s'est octroyé le pouvoir exécutif qu'il vient encore de renforcer au détriment du gouvernement et du Parlement.

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Le 29 septembre 2021

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