Joe Biden, une vie en politique à l'épreuve des urnes

(AFP)

Le 29 octobre 2020

C’est le verdict ultime sur une vie entière en politique que Joe Biden affrontera mardi.

Après les tragédies familiales, deux premières tentatives présidentielles ratées et une campagne bouleversée par la pandémie, le vétéran de la politique espère avoir convaincu, à 77 ans, les Américains de le voir en rassembleur face à un Donald Trump qui divise.

"Nous pouvons tourner la page de la politique sombre et colérique des quatre dernières années", promet l'ancien vice-président des Etats-Unis. "Il est temps de rassembler le pays, de se retrouver en tant que nation. Mais je ne peux pas le faire sans vous."

Dans un de ces moments candides qui le caractérisent, Joe Biden l'avait récemment déclaré: une défaite face au milliardaire républicain, impopulaire, voudrait dire qu'il a été "un candidat pitoyable".

Ce serait surtout le couperet final d'une carrière nationale démarrée à 29 ans, dans un brusque passage du triomphe à la douleur.

C'est un jeune sénateur-élu de son Etat du Delaware, fringant et entouré de sa famille radieuse, qui avait fêté la victoire en novembre 1972. Un mois plus tard, son épouse et sa fille d'un an étaient tuées dans un accident de voiture, ses deux fils blessés.

Ce drame, puis la perte de son fils aîné en 2015, nourrissent l'empathie qu'il offre aux électeurs. La compassion, Joe Biden en a fait l'un de ses plus célèbres traits de caractère politique.

En 2020, le port altier de ses débuts est toujours là et les grandes envolées passionnées, aussi.

Mais le vieux lion de la politique ne remplit plus ses costumes bien taillés comme à ses grandes heures de vice-président de Barack Obama.

Debout, ses jambes semblent désormais fragiles. Et sa fine chevelure blanche cache mal son crâne.

Certains, même parmi ses soutiens, craignaient que Joe Biden, enclin aux gaffes et dérapages, ne trébuche, voire s'effondre, lors de sa longue bataille contre Donald Trump, tribun de 74 ans au style plus agressif.

La pandémie de Covid-19, qui a brusquement paralysé la campagne en mars, l'a privé pendant des mois de l'un de ses atouts: le contact direct avec les électeurs.

S'il a repris fin août un rythme plus soutenu de voyages, son respect strict des consignes sanitaires a bridé sa présence sur le terrain. Et, selon ses critiques, lui a permis de mener campagne loin des électeurs, en évitant souvent la presse.

Donald Trump, qui le surnomme "Joe l'endormi", raille les questions "faites pour un enfant" que les journalistes lui posent, et ne manque pas de l'attaquer sur sa forme.

Les bredouillements et égarements de Joe Biden, bègue dans son enfance, tournent en boucle sur les comptes Twitter "trumpistes".

Et l'équipe de campagne du milliardaire décrit carrément le démocrate comme un vieillard sénile.

- Vote-face historique -

L'ex-bras droit de Barack Obama peut leur opposer sa victoire triomphante à la primaire démocrate, après un revirement historique en politique américaine.

Jugé par certains trop vieux, trop centriste, Joe Biden avait encaissé trois premiers échecs cuisants, avant de remporter une large majorité en Caroline du Sud grâce aux suffrages des électeurs afro-américains, pierre angulaire pour tout démocrate briguant la Maison Blanche.

Fort de cette victoire, le candidat avait rallié rapidement les soutiens des autres modérés, puis battu son grand rival Bernie Sanders.

Contrairement à l'âpre et longue bataille de 2016 entre ce socialiste autoproclamé et Hillary Clinton, Joe Biden avait réussi à vite rassembler l'aile gauche du parti, animée par un même objectif: battre Donald Trump.

Reste à voir si le "rassembleur" modéré parviendra à tenir ses troupes en cas de victoire le 3 novembre.

Même si Joe Biden se présente, selon les mots de Barack Obama, avec le "programme le plus progressiste" de l'histoire des présidentielles américaines, certains à gauche le trouvent encore trop tiède. Et grincent quand il parle de reprendre le dialogue avec les républicains.

- "Pas rancunier" -

La troisième tentative fut en tout cas la bonne pour cette figure de l'establishment, après l'échec aux primaires démocrates de 1988 et 2008.

Lors de son premier essai, il avait dû rapidement jeter l'éponge après avoir grandement plagié un discours.

Sénateur pendant plus de 35 ans (1973-2009) puis vice-président de 2009 à 2017, le septuagénaire a arpenté pendant des décennies les couloirs du pouvoir à Washington.

Une longue vie politique jalonnée d'épisodes controversés, mais aussi de réussites qu'il brandit aujourd'hui.

Dans les années 1970, en pleine dé-ségrégation, il s'oppose à la politique dite du "busing", visant à transporter en car des enfants noirs dans des écoles à majorité blanche pour favoriser la mixité.

Cette position satisfait alors des électeurs blancs du Delaware mais reviendra le hanter des décennies plus tard, lorsque la sénatrice noire Kamala Harris, alors sa rivale pour la primaire démocrate, la lui reproche en plein débat télévisé.

Affichant qu'il n'était "pas rancunier", Joe Biden la choisit malgré tout comme colistière, première candidate noire et d'origine indienne à briguer la vice-présidence des Etats-Unis.

Populaire chez les Afro-Américains, Joe Biden avait aussi, à ses débuts comme élu local à Wilmington, prôné le développement des logements sociaux, au grand dam des habitants blancs. Et il raconte souvent comment son expérience de maître nageur dans un quartier majoritairement noir a fondé son engagement politique.

D'autres épisodes sont revenus plomber sa campagne pour la Maison Blanche: son vote pour la guerre en Irak de 2003 ou l'audition houleuse au Sénat en 1991, sous sa houlette, d'Anita Hill qui accusait le candidat à la Cour suprême Clarence Thomas de harcèlement sexuel.

Et son soutien appuyé à une "loi sur la criminalité" de 1994, jugée responsable de l'explosion du nombre de détenus, dont une grande proportion d'Afro-Américains.

"Une erreur", reconnaît aujourd'hui Joe Biden, qui insiste lui sur un autre pan de cette vaste réforme: une loi contre les violences faites aux femmes, dont il se dit "le plus fier".

Dès son arrivée à la Maison Blanche auprès de Barack Obama, en pleine crise financière, l'ex-sénateur oeuvre à l'adoption par le Congrès d'un immense plan de relance de 800 milliards de dollars.

Un bilan qu'il rappelle à l'envi pour montrer qu'il peut à nouveau relancer l'économie, plombée par la pandémie.

- Trop "tactile" -

"Il est en politique depuis 47 ans. Il n'a jamais rien fait sauf en 1994, quand il a fait tellement de mal à la communauté noire": Donald Trump cherche à le présenter en créature de ce "marigot" politicien qu'il dénonce sans cesse.

Joe Biden rétorque que cette élection marque un choix entre les classes ouvrière et moyenne, qu'il défend, et "Park Avenue", la clinquante rue new-yorkaise symbole du riche héritier.

Et souligne fièrement ses origines modestes.

Joseph Robinette Biden Jr. est né le 20 novembre 1942 à Scranton, en Pennsylvanie.

Dans les années 1950, la ville, minière et industrielle, traverse une passe difficile. Son père cherche du travail dans l'Etat voisin du Delaware puis, après des aller-retour, installe toute la famille à Wilmington. Joe Biden a dix ans. Il en fera son fief.

"Mon père disait toujours: +champion, on prend la mesure d'un homme non pas selon le nombre de fois qu'il est mis à terre, mais d'après le temps qu'il met à se relever+", rappelle-t-il sans relâche.

Ses manières très tactiles ont été dénoncées par des femmes qui trouvaient ces gestes déplacés.

Promettant de faire désormais attention à "l'espace personnel" des autres, le démocrate s'était excusé en avril 2019.

Lui-même accusé d'agression sexuelle ou harcèlement par plus d'une dizaine de femmes, Donald Trump n'a que peu commenté les graves accusations d'une femme, Tara Reade, qui affirme que Joe Biden l'a agressée dans les années 1990. Ce qu'il rejette catégoriquement.

Faisant campagne pour lui aux quatre coins du pays, son épouse Jill Biden, 69 ans, est restée discrète face à cette accusation.

Enseignante dynamique, elle est l'un de ses meilleurs atouts de campagne. Le couple s'est marié en 1977 et a une fille, Ashley.

Encore petits, ses deux fils survivants, Beau et Hunter, lui avaient eux-mêmes suggéré d'épouser Jill, a raconté Joe Biden dans des mémoires, où il affirmait: "Elle m'a redonné la vie."

- "Fier de moi?" -

"Cela ne disparaît jamais": très proche de sa famille, il évoque souvent la douleur qui l'habite encore depuis le décès en 2015 de son aîné, Beau Biden, d'un cancer du cerveau. Une perte qui l'avait retenu de se lancer dans la présidentielle de 2016.

Veuf après l'accident de voiture tragique, Joe Biden avait pris, en janvier 1973, ses fonctions de sénateur au chevet du lit d'hôpital de ses fils blessés.

Encore aujourd'hui, il s'arrête souvent saluer des pompiers en rappelant que c'est eux qui ont "sauvé la vie" de ses garçons. Et la sienne.

En 1988, les pompiers l'avaient transporté en urgence à l'hôpital après une rupture d'anévrisme. Son état avait été jugé si grave qu'un prêtre avait été appelé pour lui donner les derniers sacrements.

Catholique fier de ses origines irlandaises, Joe Biden se rend tous les dimanche, ou presque, à la petite église St. Joseph on the Brandywine dans son quartier cossu de Wilmington.

C'est là, dans le cimetière, que reposent ses parents, sa première épouse Neilia et sa fillette Naomi ainsi que, plus loin sous une pierre tombale décorée de petits drapeaux américains, Beau.

En janvier, Joe Biden avait confié à propos de son fils: "Tous les matins je me lève et (...) me demande: +Est-il fier de moi?+".

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Le 29 octobre 2020

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