L'exil forcé, la punition infligée par Cuba aux opposants politiques

(AFP)

Le 4 novembre 2021

Un mois après avoir été condamné à quitter son pays pour ses idées politiques, l'artiste cubain Hamlet Lavastida en est persuadé: si le gouvernement punit ainsi ses opposants, c'est parce qu'il a "peur" avant un nouvel appel à manifester le 15 novembre.

"Les artistes sont les meilleurs ambassadeurs des droits civils, des droits culturels, de la liberté d'expression", ce qui fait "peur" au gouvernement, affirme-t-il à l'AFP à Berlin.

"Quand ils t'envoient en exil (...), ils pensent qu'au final, tu vas oublier tout ça", mais "ce n'est pas le cas", ajoute l'artiste de 38 ans.

Accusé d'"incitation à la délinquance", Hamlet a été arrêté à Cuba en juin, au retour d'un résidence artistique en Allemagne.

Son ticket de sortie, trois mois plus tard? Accepter l'exil avec sa compagne, la poétesse et militante Katherine Bisquet, membre du mouvement contestataire San Isidro.

"J'ai des cauchemars qui reviennent sans cesse sur la prison", confie Hamlet, traumatisé par ses "interrogatoires répétés" au quartier général de la police politique à La Havane.

Menacé de "15 à 18 ans" de prison, il s'est résigné à quitter son île natale pour la Pologne, d'où il s'est ensuite rendu en Allemagne.

L'artiste avait "appelé à commettre des actions de désobéissance civile sur la voie publique, en utilisant les réseaux sociaux", assure le site officiel Razones de Cuba.

Le gouvernement juge illégale toute opposition, l'accusant de faire partie d'un plan ourdi par Washington pour provoquer un changement de régime.

Le président Miguel Diaz-Canel a d'ailleurs accusé l'ambassade américaine à La Havane de "repérer et promouvoir des meneurs, surtout parmi les jeunes", et de "les préparer à l'étranger" avec cet objectif.

Les autorités "ont du mal à croire qu'il y a une jeunesse (...) qui a tellement soif de liberté", soupire Hamlet Lavastida.

- "La pression monte" -

Forcer les opposants à l'exil est une stratégie classique du gouvernement communiste depuis la révolution de 1959.

"Aujourd'hui elle revient en force alors que la pression monte et le mécontentement s'étend à tous les secteurs de la société", estime l'opposant Manuel Cuesta Morua, 59 ans.

Ce mécontentement a éclaté au grand jour le 11 juillet, lors de manifestations historiques qui ont fait un mort et des dizaines de blessés, plus de 500 participants étant toujours détenus.

Un nouvel appel à manifester "pour le changement et la liberté" a été déposé pour le 15 novembre, malgré l'interdiction des autorités.

Selon l'opposition, ces derniers mois, des dizaines d'activistes ont reçu la "proposition" de s'exiler, dont l'artiste dissident Luis Manuel Otero Alcantara, arrêté le 11 juillet, et Maykel Osorbo, coauteur de la chanson polémique "Patria y Vida", détenu depuis mai.

La Youtubeuse Ruhama Fernandez est elle arrivée récemment à Miami. "Je n'ai pas abandonné ma terre, ils m'ont obligée à partir", a-t-elle expliqué sur Twitter, affirmant avoir été "escortée jusqu'à l'avion".

José Daniel Ferrer, 51 ans, un leader de l'opposition, "s'est vu très souvent proposer de partir", raconte sa femme, Nelva Ortega.

Emprisonné depuis le 11 juillet, Ferrer faisait partie des 75 prisonniers politiques du Printemps noir de 2003. La majorité avait été libérée en 2010 en échange d'un exil vers l'Espagne, lui seulement en 2011 car il refusait de partir.

- "Fuir le problème" -

L'artiste dissidente Tania Bruguera, 53 ans, a accepté en octobre de partir temporairement, après avoir été "assignée à domicile pendant 10 mois", autre châtiment classique contre les opposants.

"Il faut que les personnes, même si elles pensent différemment, puissent entrer et sortir normalement du pays, c'est notre droit", explique l'artiste, désormais professeure à Harvard.

Camila Acosta, 28 ans, correspondante à Cuba du journal conservateur espagnol ABC, refuse elle de s'exiler. "Ce serait fuir le problème", dit-elle, racontant être soumise depuis plus de 100 jours à "une assignation à résidence et une surveillance constante".

D'autres se voient refuser le retour au pays.

En septembre, Ernesto Soberon, responsable des questions consulaires au ministère des Affaires étrangères, a reconnu qu'un nombre "minime" de Cubains est empêché de rentrer sur l'île, une mesure liée à la "sécurité nationale".

C'est ce qui est arrivé en mars à la journaliste Karla Pérez, 23 ans, qui rentrait du Costa Rica où elle a fait ses études après avoir été expulsée d'une université cubaine pour ses liens avec l'opposition en exil.

"C'est la réponse face à nos dénonciations constantes des violations des droits de l'homme", assure-t-elle, confiant que "le plus dur" est de ne pas avoir vu sa famille depuis près de cinq ans. Désormais elle écrit pour le média d'opposition ADN.

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Le 4 novembre 2021

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