Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Algérie : On ne change pas une équipe qui perd

Le 29 juillet 2021 à 12h57

Modifié 29 juillet 2021 à 12h57

Il fut extrêmement pénible aux Algériens d’être les spectateurs des élections présidentielles en 2014 quand Abdelaziz Bouteflika se présenta sur un fauteuil roulant comme candidat pour un 4e mandat. Il le fut plus encore en 2019 quand on l’a fait présenter, peut-être à son insu, pour un 5e mandat alors qu’il est devenu invisible dans toutes les activités de l’État. C’en était trop pour les citoyens algériens qui, face au statuquo, ont lancé le mouvement de protestation Hirak à travers les grandes villes du pays.

Présenter un chef d’Etat quasi absent de la scène politique, était une forme de cécité politique, un paravent pour la caste qui l’entoure, pour cacher une réalité trop voyante dont on espérait voir les Algériens s’accommoder. On fait démissionner Bouteflika, et des élections présidentielles furent organisées la même année pour mettre Abdelmadjid Tebboune, homme du sérail, à la place du premier.

Face à une rue qui gronde, les militaires, véritables maîtres à bord, font semblant d’épouser les revendications populaires et, pour sortir du bourbier, s’attaquent vite aux hommes de l’ombre qui entouraient Bouteflika. Ces boucs émissaires seront vite emprisonnés sans que cela calme la rue qui demande, haut et fort, l’instauration d’un gouvernement civil et le retour des militaires à leurs casernes. Le président est donc élu, pour ne pas dire choisi, en la personne de Tebboune.

Représentant la vielle bureaucratie d’État, âgé de 74 ans, il est le témoin de l’élection présidentielle la plus boudée de l’histoire du pays. 77% des Algériens en âge de voter n’y ont pas participé, conscients qu’ils étaient que les résultats sont joués d’avance. Cet absentéisme était en soi un signal fort adressé à l’armée alertant que le pays est définitivement dans l’impasse politique.

En assumant cette charge, le nouveau président devait se rappeler l’affront subi en 2017 quand il était nommé Premier-ministre, puis démis brutalement de ses fonctions trois mois après, en raison de son style jugé autoritaire et musclé. Proche de l’armée, il attendait depuis son heure de revanche. La voilà arrivée. Mais le Hirak ne faiblit pourtant pas et les défis à relever se multiplient. Quelques personnalités de l’entourage de l’ancien président sont jetées à la vindicte populaire et poursuivies, pour réduire leur nuisance tout en calmant la rue, mais sans succès.

La croissance, moteur de l’économie, fonctionne au ralenti en raison de la pandémie Covid et la mévente du pétrole. Pour meubler et donner au peuple la sensation d’un changement, on concocte une nouvelle constitution qu’on fait voter en 2019. Celle-ci élargit plus les prérogatives des militaires que celles des autres institutions puisque, désormais, ils peuvent intervenir dans les conflits en dehors du pays.

Mais les tumultes continuent et s’enchaînent. Le ministre de l’intérieur Noureddine Bedoui devient Premier ministre et ministre des Finances de mars à décembre 2019. Il sera à son tour remplacé, de janvier à juin 2021, par Abdelaziz Djerad qui, lui aussi, cédera son fauteuil à Aimene Benaberrahmane actuel Premier ministre depuis juin dernier.

Technocrate, ancien gouverneur général de la Banque d’Algérie, Benabedrrahmane garde son portefeuille de ministre des Finances. Ces jeux de chaises musicales ne trompent personne. Ils sont la traduction du désarroi des militaires qui, derrière les rideaux, gouvernent réellement le pays, tout en pensant qu’en interchangeant des personnes on crée la dynamique. Or le système, comme l’appelle les Algériens, ne fait que reprendre les mêmes et recommence.

Les deux postes les plus stratégiques dans les gouvernements successifs algériens sont ce qu’on appelle les deux D, à savoir la défense et la diplomatie. Dans ce gouvernement, le premier est sous la houlette directe du président de la république qui assume aussi le poste de chef des armées. Quant à la diplomatie, elle est revenue à Ramdame Laamamra vieux routier de la diplomatie dont la carrière n’a pas toujours été un fleuve tranquille.

Lui aussi, après une carrière diplomatique riche au sein du ministère, puis comme ambassadeur à Vienne et New-York, il a présidé à deux reprises la Commission paix et sécurité de l’Union Africaine de 2008 à 2013. Au sein de l’organisation africaine, il a cultivé des relations avec plusieurs responsables africains qu’il a mis au service de l’Algérie quand il est devenu son ministre des Affairés étrangères en 2013.

Quand il quitte le gouvernement algérien en 2017, il devient membre du Haut comité consultatif de l’ONU, chargé de la médiation internationale. Avec le départ de Ghassan Salame qui supervisait pour l’ONU la crise libyenne, l’Algérie le cautionne pour prendre sa place à la tête de la Mission spéciale des Nations unies en Libye. Il essuie un échec cuisant car plusieurs capitales ne voyaient pas d’un bon œil sa nomination sur un dossier si sensible.

Laamamra était un proche de Bouteflika et on lui prédisait un bel avenir quand quelques mois avant la destitution du dernier, il fût nommé vice-premier ministre, tout en gardant son poste de ministre des Affaires étrangères. Il disparaît des radars durant la disgrâce pour revenir en force dans ce gouvernement. L’armée a fait appel à ses services pour redresser une machine diplomatique devenue inaudible dans le monde.

Depuis le coup d’état de Boumediene en 1965 à ce jour, la classe politique algérienne se recherche pour trouver la voie qui mène vers la stabilité et la prospérité. Avec la manne pétrolière, les gouvernements successifs ont pu mener une politique nonchalante aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Avec les années de vaches maigres et la gronde de la jeunesse, ils découvrent la réalité amère d’une économie où règnent des pénuries, et une jeunesse laissée à l’abandon.

Ce n’est pas en changeant de présidents et de ministres, qu’on peut rénover un système devenu archaïque et sclérosé. La grille de lecture rigide imposée par les militaires depuis l’indépendance empêche aussi bien la politique que l’économie de l’Algérie à s’adapter aux réalités d’un monde en perpétuel changement. Le premier pas dans ce long chemin commence par tendre les bras vers ses proches et ses voisins sans calculs ou arrière-pensées pour créer les conditions d’un véritable partenariat et une zone de prospérité partagée. Quand on reprend les mêmes et on recommence il faut s’armer surtout de...patience.

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