Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Allemagne: L’après Merkel, vers une refonte de notre coopération bilatérale?

Le 16 septembre 2021 à 12h37

Modifié 16 septembre 2021 à 12h37

Les élections fédérales allemandes qui auront lieu le 26 septembre se déroulent dans un contexte bien particulier. Le départ annoncé d’Angela Merkel a ouvert la voie à une succession interne tumultueuse qui a permis au modéré Armin Laschet de prendre difficilement la relève face au libéral Friedrich Merz à la tête des chrétiens démocrates (CDU).

Ce dernier parti constitue sa majorité avec le parti des chrétiens sociaux (CSU), présent seulement en Bavière. Ensemble, ils représentent la droite libérale du pays, face à l’autre parti de gauche, les sociaux-démocrates, communément appelé (SPD). D’autres formations existent dans l’échiquier politique allemand, comme le parti libéral (FDP), ou le mouvement nationaliste et eurosceptique (AfD).

Le nouveau candidat de la CDU aux élections, Armin Laschet, compte s’inscrire dans la continuité de la chancelière Merkel. Mais il lui faudra du temps pour marquer de ses empreintes la politique du pays, tant l’héritage est lourd pour l’égaler. Il suivra sans doute ses pas en matière d’orthodoxie budgétaire, et s’opposera à l’introduction d’impôt sur la fortune, comme le souhaitent les partis de gauche.

Lors de sa campagne électorale, il a proposé de supprimer la taxe de solidarité et réduire l’imposition sur les bénéfices pour les entreprises. Ces initiatives trouvent écho chez le patronat et la bourgeoisie du pays, mais déplaisent aux couches sociales moyennes et à la gauche. En raison des scandales révélés par la presse de versements des pots de vin, à leurs députés, notamment par des fabricants de masques, la victoire n’est pas totalement garantie.

Les sociaux-démocrates SPD favoris dans les sondages

Selon les derniers sondages, les intentions de vote des allemands vont d’abord vers les sociaux-démocrates SPD, accrédités de 26%, CDU vient après avec 21%, 16% pour le parti des verts, et 12% pour le FDP. La CDU, parti de Merkel n’est pas le favori dans les sondages. L’on se rappelle que lors des élections régionales en 2018, et celles européennes en 2019, la CDU a enregistré ses plus mauvais scores jamais obtenus lors de tels scrutins.

Les élections du 26 septembre ouvriront la voie au 20e législative du Bundestag, le parlement allemand. Celui-ci est composé de 598 sièges, dont 299 sont élus au scrutin uninominal majoritaire. Le reste des sièges concernent les députés fédéraux. Le mandat dure quatre ans, et seul le président de la république, élu pour cinq ans, est habilité à dissoudre le parlement.

C’est au sein du parlement où, après l’annonce des résultats des élections, se dérouleront les tractations pour faire émerger la majorité gouvernementale, ainsi que le nom du prochain chancelier. Le choix ne sera pas si évident cette fois-ci tant Merkel a marqué le pays durant son règne qui a duré seize ans, quatre mandats au total.

Les allemands auront du mal à tourner cette page de leur histoire, généralement mouvementée, pour se projeter dans l’avenir. Sous la houlette de la sobre et travailleuse Merkel, venue de l’Allemagne de l’est autrefois communiste, les allemands ont eu de la stabilité et de la prospérité face à de graves crises, comme celles relatives à la migration, ou face à la pandémie Covid.

Si la majorité sortante CDU CSU est reconduite, peu de changements affectera la politique intérieure et extérieure du pays. Par contre, si le SPD des sociaux-démocrates l’emporte, des réformes seront menées notamment au niveau économique. Une coalition avec les verts mènera inéluctablement à l’adoption d’une politique sociale basée sur l’instauration de nouvelles taxes et des prélèvements sur les plus riches. Le SPD peut également procéder à une hausse des salaires, au plafonnement des loyers pour servir la classe moyenne, et à des investissements ambitieux en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Les récentes et graves inondations qui ont ravagé récemment le pays poussent vers cette perspective. De même, la coalition gauche est adepte d’apaiser les tensions avec la Russie et la Chine, et renforcer l’état de l’Union européenne.

Impérialisme économique

En partageant sans réserve les valeurs démocratiques occidentales, l’Allemagne est toujours tiraillée entre le désir de répondre aux exigences du peuple allemand en termes de prospérité et de paix, et de l’autre répondre aux inquiétudes de ses voisins face à son impérialisme économique. Tant que les autres membres de l’Union bénéficient des largesses allemandes, ils sont moins regardants. Dès que Berlin est réticent à une réforme les concernant, comme lors de la crise financière en Grèce, les allemands sont vite montrés du doigt.

Cette méfiance à l’égard de l’Allemagne remonte loin dans l’histoire. On peut à ce propos se contenter de rappeler que la guerre franco-allemande de 1870 a vu la naissance de l’empire allemand proclamé au cœur même de la France au château de Versailles. Suite à leur défaite à la première guerre mondiale, et comble de l’humiliation, la France ne trouve rien de mieux que de faire signer l’armistice à l’Allemagne au sein du même château.

Cet accord que l’Allemagne n’a pas négocié, mais l’a signé comme on le lui a présenté, a comporté des clauses financières difficiles auxquelles Berlin ne pouvait répondre. Inéluctablement, cette vision à court terme a préparé le lit à la seconde guerre mondiale, où les allemands ont payé aussi un lourd tribut dont la division de leur pays entre l’Allemagne de l’Est et la république fédérale à l’Ouest.

L’heureuse réunification des deux Allemagnes en 1990, ne pouvait que faire peur aux Européens, échaudés qu’ils sont par les comportements germaniques à travers l’histoire. Ce sont les assurances données par les Américains, ainsi que les garanties des autorités allemandes à leurs voisins de préserver la paix et de construire l’union européenne au profit de tous, qui ont permis la réunification.

Dans ses relations avec l’UE, Washington a toujours plus privilégié ses relations avec Berlin qu’avec Paris, aussi bien politiquement qu’économiquement. L’Allemagne est l’allié sur lequel les Américains savent compter. De par leur histoire, les différentes coalitions politiques allemandes cherchent à ne jamais afficher leur crispation isolationniste qui les caractérise et qui, pensent-ils, peut mener vers une dérive nationaliste.

La prochaine coalition allemande, qui sortira des urnes le 26 septembre, devra aussi se pencher sur ses relations avec notre pays. Eux qui ont réunifié le leur avec l’aide des Américains, devraient aisément comprendre qu’avec les mêmes alliés nous cherchons, légitimement, nous aussi, à consolider notre intégrité territoriale. Il faut qu’ils sachent que, loin des recommandations de certains think-tanks, notre partenariat a devant lui d’immenses opportunités pour se donner en exemple.

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