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Ce virus qui a changé le monde

Le 5 mai 2020 à 15h04

Modifié 11 avril 2021 à 2h46

BERLIN – Longtemps avant que les observateurs parlent du début de "l’Anthropocène", époque géologique caractérisée par l’impact de l’humanité sur la nature" le contrôle des économies développées et industrialisées sur le monde semblait déjà évident. Puis est apparu une organise microscopique, qui a provoqué un choc mondial. Malgré toutes nos connaissances scientifiques et capacités technologiques, le Covid-19 semble pour l’heure avoir le dessus.

Ajoutant à l’ironie, les pays les plus avancés et les plus puissants de la planète comptent parmi ceux qui étaient les moins préparés à la pandémie. Forts de leurs dépenses de plusieurs centaines de milliards de dollars en recherche et développement, ces pays disposent des technologies et des armées les plus puissantes, mais n’ont pas pris suffisamment au sérieux la menace majeure que la nature leur réservait. Nous savons désormais qu’il s’est agi d’une erreur aux proportions historiques. Ce qui apparaissait invraisemblable est arrivé; le cygne noir par excellence s’est posé au sol.

A première vue, on pourrait croire que la crise du Covid-19 renforce les institutions établies. Le traditionnel Etat-nation s’est immédiatement attelé à endiguer le virus et ses répercussions économiques, les institutions multilatérales d’après-guerre se contentant d’apporter leur aide. Dans l’Europe elle-même, ce sont les Etats-nations, et pas l’Union européenne, qui mènent la lutte contre la pandémie.

Mais à y regarder de plus près, cette conception semble de plus en plus erronée. Le système international se compose d’Etats très différents en taille, aux degrés de pouvoir variables, mais tous fondé sur le mythe ancestral de la souveraineté nationale. Ce système, tel que nous le connaissons, est né sur les cendres des guerres de religion en Europe au XVIIe siècle, se consolidant ensuite au travers du colonialisme puis de la décolonisation (réaction elle-même liée à l’apparition de nouveaux Etats-nations).

L'Etat-nation vs un monde interconnecté

Pendant la première moitié du XXe siècle, le traumatisme associé aux deux guerres mondiales et à l’avènement de l’ère nucléaire a démontré la nécessité d’une refonte radicale du système international. L’innovation majeure a ici résidé dans la création des Nations unies, en tant que contrepoids aux revendications des Etats-nations. Le transnationalisme est devenu la nouvelle philosophie: il est devenu attendu des Etats-nations qu’ils tempèrent leur égoïsme, qu’ils préservent la paix et la coopération via un cadre d’institutions mondiales.

Bien entendu, le pouvoir n’a jamais été réellement délégué à l’ONU. Il est resté dans les mains des superpuissances mondiales, à savoir pour l’essentiel les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est ainsi que le système international a reposé pendant des décennies sur un compromis implicite entre nationalisme et transnationalisme, dans lequel l’Amérique était à la fois gardienne et actrice du cadre multilatéral. Mais à partir de l’arrivée au pouvoir du président Donald Trump, les Etats-Unis ne se sont plus sentis investis de quelque devoir que ce soit.

De fait, c’est précisément dans l’après-guerre que le monde est entré dans l’Anthropocène, adhérant pleinement à l’idée d’un progrès matériel animé par l’humain au niveau mondial. Dans les décennies qui ont suivi, la population mondiale a considérablement augmenté, passant d’environ 2,5 milliards d’individus à près de huit milliards aujourd’hui.

Or, l’Anthropocène est également une période d’extinctions de masse. Et tandis que s’industrialisaient de plus en plus de régions du monde, la consommation de ressources naturelles a explosé. Conséquences parmi d’autres, le réchauffement planétaire anthropogénique a atteint un niveau critique avant même que nous commencions à élaborer une réponse appropriée.

Dans le même temps, nouvelles technologies de l’information et de la communication, changements dans la répartition du travail, et montée en puissance des chaînes de valeur mondiales ont tous accentué l’interdépendance. Maintenant que le virus conduit le monde entier dans l’impasse, nous réalisons qu’une économie mondialisée est comparable à une automobile de course: hautement efficiente, mais également hautement fragile.

Les intérêts nationaux devront passer au second plan

Pour ce qui est de l’avenir, le traditionnel Etat-nation, même aussi puissant que l’Amérique ou la Chine, ne sera pas en capacité de gérer un monde interconnecté de plus de huit milliards d’individus. L’horizon des intérêts de l’Etat-nation est tout simplement trop étroitement défini. L’Anthropocène placera inévitablement un accent croissant sur les intérêts communs de l’humanité, notamment sur la question de sa survie dans la durée. La pandémie de Covid-19, qui exigera tôt ou tard une coordination internationale, démontre combien les intérêts nationaux devront passer au second plan. La crise qu’engendrera bientôt le changement climatique s’annonce beaucoup plus grave encore, et ses conséquences irréversibles.

Même si les Etats-nations sont voués à demeurer indispensables dans l’assurance d’une bonne gouvernance et la contribution à des efforts mondiaux, le principe du nationalisme ne pourra qu’exacerber les futures crises systémiques. La pandémie devra être suivie par une nouvelle ère de coopération internationale et de renforcement des institutions multilatérales, une nécessité qui vaut en particulier pour l’Europe.

Aujourd’hui plus que jamais, nous devons retrouver l’esprit de 1945. Il s’agit pour les deux superpuissances du XXIe siècle, Amérique et Chine, de montrer l’exemple en enterrant leur rivalité, ainsi qu’en unissant l’humanité autour d’une réponse collective à la crise actuelle, et à celles qui nous attendent. Le Covid-19 nous enseigne combien l’ancien système international n’est plus en mesure d’assurer la sécurité de l’humanité. Nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer cette leçon, car elle ne nous sera pas enseignée deux fois.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

© Project Syndicate 1995–2020
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