Crises et contraception

Le 5 décembre 2020 à 14h10

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

MAPUTO – Pendant que les organisations internationales à vocation humanitaire conjuguent leurs efforts pour assurer à la population une alimentation adéquate, de l’eau potable et des habitats décents en pleine pandémie, rien de moins, la distribution de préservatifs et d’autres moyens de contraception pourrait sembler superflue. La crise n’est pas seulement aggravée aujourd’hui par une accessibilité réduite aux outils de planification familiale; elle empêchera le Mozambique d’atteindre son potentiel demain.

Déjà avant la crise actuelle, les femmes et adolescentes de Cabo Delgado étaient très vulnérables, en raison de facteurs allant de la pauvreté à des us et coutumes de la structure patriarcale. Ces coutumes, et les violences sexistes qu’elles facilitent, restreignent leur capacité d’exercer leur libre arbitre et leurs droits et peuvent directement compromettre l’accès et le recours aux moyens de contraception.

En 2015, le taux de prévalence des moyens de contraception au Cabo Delgado ne dépassait pas 20%, l’un des plus bas au Mozambique. Sans trop de surprise, cette région présente le plus haut taux de grossesse parmi les adolescentes âgées de 15 à 19 ans (24%).

A l’heure actuelle, l’insécurité grandissante dans les districts du nord provoque la fermeture de certains centres médicaux qui assurent des services-conseils en santé sexuelle et génésique, tandis que d’autres établissements subissent des pénuries en matériel, en fournitures et en effectifs essentiels. Pour les 125.000 femmes et adolescentes chassées de leur foyer au Cabo Delgado, le danger est particulièrement redoutable. Certaines innovations importantes ont été mises en œuvre pour pouvoir le surmonter: par exemple, des équipes volantes de santé ont assuré des services d’urgence en planification familiale et en santé génésique à environ 60.000 femmes et adolescentes dans plusieurs provinces, notamment dans les régions les plus éloignées du Cabo Delgado. Mais bon nombre de femmes et d’adolescentes chassées de leur foyer sont encore laissées pour compte.

Le manque d’accès à des établissements de santé dotés de matériel médical, et, donc, de moyens de planification familiale, augmente les risques de conditions dangereuses, entraînant des complications obstétricales potentiellement mortelles. Pour sauver leur vie, les survivantes de violences sexistes ont besoin de soins, d’informations et d’assistance, comme des lieux sûrs réservés aux femmes, de l’assistance téléphonique de conseillers qualifiés, ou des centres à guichet unique intégrant services sanitaires, sociaux, policiers et juridiques, ce qu’elles ne reçoivent pas.

Taux de fertilité et croissance du PIB

Pour protéger les droits de la personne, faciliter le progrès sur l’égalité des sexes et donner les moyens aux femmes de s’émanciper et briser le cycle de pauvreté, il est évidemment essentiel d’assurer l’accès à des services de planification familiale sûrs et efficaces. C’est également le domaine le plus judicieux et le plus productif où investir dans un pays en développement.

La Banque mondiale estime qu’au Mozambique la réduction du taux de fertilité d’un seul enfant par femme en âge de procréer pourrait entraîner une hausse de 31% de la croissance du PIB par habitant d’ici 2050. On pourrait y parvenir simplement en comblant le besoin de planification volontaire des naissances. Selon la plus récente Enquête démographique et sanitaire, les Mozambicaines mentionnent que le nombre idéal d’enfants seraient, en moyenne, inférieur d’un enfant par rapport au taux actuel de fertilité.

Mais la croissance du PIB n’est pas le seul élément à considérer. Le dernier registre des risques écologiques de l’Institute for Economics & Peace évalue le Mozambique comme étant le pays avec la deuxième plus haute exposition à cette catégorie de dangers. La démographie galopante du pays contribue à cette deuxième place au classement: sur sa trajectoire actuelle, la population du Mozambique devrait doubler, de 30 millions aujourd’hui à 60 millions en 2050.

Le Mozambique détient cependant des atouts importants. La province de Cabo Delgado à elle seule pourrait receler l’un des plus importants projets d’extraction de gaz naturel en Afrique, dont la valeur pourrait dépasser 50 milliards de dollars. Ceci constitue une filière de croissance des plus porteuses.

Le droit de décider pour une femme 

Or, pour réaliser le plein potentiel du pays, tout en assurant la protection des adolescentes et des femmes, la réduction de la pauvreté et bien d’autres objectifs louables, il est indispensable de renforcer et de soutenir son capital humain. Il faut pour cela investir dans l’éducation, la formation et la santé, mais aussi dans l’accès sûr et fiable aux moyens de planification des naissances.

Le Fonds des Nations unies pour la population estime que les investissements totaux nécessaires pour combler les besoins en planification familiale dans le monde jusqu’en 2030 sont d’environ 68,5 milliards de dollars. Le montant est considérable, mais il devrait être inférieur à ce qu’il faudrait débourser en soins de santé maternels et infantiles et en autres services sociaux pour les femmes et adolescentes qui n’ont jamais désiré leur grossesse.

Le financement de la planification familiale produit de vastes effets multiplicateurs positifs sur les collectivités et les sociétés, particulièrement en cas de crises humanitaires, encore plus en donnant les moyens aux femmes et aux adolescentes d’exercer leur droit de décider d’avoir un enfant ou non, à quel moment de leur vie et avec quel partenaire. Un tel libre arbitre, à la portée de tous et toutes, forme le fondement d’une société équitable et productive. Les habitants de Cabo Delgado et du Mozambique le méritent tout autant.

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier

© Project Syndicate 1995–2020
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