Des transferts en argent liquide pour prévenir les tragédies du confinement

Le 7 septembre 2020 à 15h00

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

ISLAMABAD – La pandémie de Covid-19 ne détruit peut-être pas la planète, mais elle met assurément à rude épreuve nos institutions publiques ou privées. Outre ses terribles conséquences sur la santé des gens, la pandémie met en péril leur gagne-pain dans le monde entier, pressurant les classes moyennes et précipitant les ménages dont les revenus sont faibles dans l’extrême pauvreté.

Au Pakistan, cinquième pays le plus peuplé du monde, 24 millions de personnes font vivre leur famille avec leur paie quotidienne ou sont autoentrepreneurs dans l’économie informelle. Avec l’application du confinement, au mois de mars, la vie s’est pour eux mise à l’arrêt, ce qui a occasionné une perte de revenus importante et déclenché des troubles et des émeutes.

Pour atténuer les ravages socio-économiques de la pandémie, le gouvernement pakistanais a mis en place le programme de distribution d’urgence d’argent liquide Ehsaas, la plus vaste initiative de protection sociale de toute l’histoire du pays. Lancée dix jours après le début du confinement, elle a délivré des aides, versées en argent liquide et en une seule fois, totalisant plus de 1,2 milliard de dollars, à 16,9 millions de ménages, regroupant environ 109 millions de personnes, soit presque la moitié de la population du pays. Les familles bénéficiaires ont reçu chacune 12.000 roupies pakistanaises (75 dollars) pour couvrir leurs besoins immédiats de subsistance.

Un système de protection sociale à la demande

Avant les remises d’argent liquide au titre de l’Ehsaas, j’ai été témoin des souffrances indicibles de personnes de multiples conditions. Il y avait parmi elles des travailleurs journaliers et des colporteurs, des employés de la restauration ou de l’hôtellerie, des domestiques à domicile, des agents de sécurité, des chauffeurs; il y avait aussi des employés des transports publics au chômage technique, des pêcheurs et des mineurs, des esthéticiennes et des coiffeurs, et des millions de petits commerçants, toutes et tous à la limite de la faim, ayant épuisé leur épargne. Et tout comme les enseignants des écoles privées, les électriciens, les soudeurs, les peintres en bâtiment, les menuisiers et les charpentiers, les plombiers, les garagistes, les chauffeurs de taxi, les travailleurs du bâtiment, ils ne savaient pas comment se procurer leur prochain repas.

Toutes les activités et toutes les régions étaient frappées, et même ceux qui gagnaient décemment leur vie se demandaient soudain si leur budget pourrait jamais se rétablir. Mais les aides financières ont stabilisé la situation de millions de familles et leur ont apporté du réconfort, et le pays tout entier voyait que d’innombrables tragédies étaient évitées.

Au-delà de la réalité immédiate de la crise, l’allocation d’une aide d’urgence en argent liquide fournit au Pakistan et aux autres pays à faible et moyen revenu l’expérience inestimable de la mise en place rapide au niveau national d’un programme d’aide massif dans un environnement complexe et incertain. Afin d’en partager les enseignements, le gouvernement pakistanais a récemment publié un rapport qui fait le point sur le savoir-faire que nous avons acquis dans la conception et la réalisation de ce programme, tout comme sur les difficultés opérationnelles que nous avons rencontrées et la façon dont elles ont été surmontées.

La démarche, de bout en bout numérique, conçue dans une volonté de totale transparence, offre un bon exemple de la façon dont il est possible de mettre à profit les registres d’identité. En combinant les numéros de téléphone, les liaisons internet et le fichier de l’identité nationale, nous avons pu construire un système de protection sociale à la demande (diEhassgital), permettant à ceux qui sont en situation de détresse de chercher secours en temps de crise. L’initiative montre aussi comment des transferts d’argent liquide peuvent être mis en œuvre afin de remédier aux conséquences socio-économiques de chocs externes, comme le Covid-19.

Transformation de la façon de concevoir les politiques publiques 

Ce fut pour le Pakistan et le fonctionnement de son gouvernement un moment charnière. La crise a pressé les pouvoirs publics de s’adapter, d’exploiter les données, de se montrer à la fois pragmatiques et ambitieux. Des procédures numérisées, capables de réduire les coûts, de nouvelles pratiques de coordinations des multiples parties prenantes et une approche intégrée au sein de la puissance publique ont été institutionnalisées. Ces mesures transformeront la façon de concevoir les politiques publiques dans le monde d’après le Covid-19.

Enfin, les retombées du programme vont au-delà d’un secours à court terme. Des objectifs de long terme ont été intégrés à sa conception, afin de renforcer la protection sociale et l’inclusion financière, qui toutes deux amèneront aux bénéficiaires et au Pakistan tout entier des bienfaits durables. Cela représente en même temps un engagement de transparence et de responsabilité, motivation profonde ayant décidé la publication du rapport. Pour que les démocraties puissent garantir le progrès, une culture d’intégrité et d’ouverture doit s’enraciner dans les institutions et les procédures publiques.

L’histoire montre que les catastrophes et leurs tragiques conséquences peuvent fournit un catalyseur à des changements sociaux de grande ampleur. Le Covid-19 constitue pour le Pakistan un défi impérieux et sans précédent, qui ne peut être relevé que par une initiative de l’ambition et de l’envergure du programme de distribution d’urgence d’argent liquide Ehass.

Au lendemain de la pandémie, nous devrons saisir la chance, telle qu’elle ne s’offre qu’une fois par génération, de nous inspirer à l’échelle mondiale de cette ambition et de construire un monde plus juste qui vienne à bout de la pauvreté, des inégalités et de la crise climatique, la protection sociale constituant l’un des piliers de cet effort.

Nul défi ne fut plus ardu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais dans les heures les plus sombres, nous pouvons trouver un chemin, en décidant ensemble d’avancer vers un monde plus juste, plus respectueux de son environnement et plus durable pour tous.

Traduit de l’anglais par François Boisivon

© Project Syndicate 1995–2020

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