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Le leader dont la Banque mondiale a besoin

Le 18 janvier 2019 à 15h46

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

A une époque où les populistes et les nationalistes du monde entier contestent la légitimité des principales institutions multilatérales, le Groupe de la Banque mondiale doit choisir un nouveau président. Le candidat idéal devrait être quelqu'un qui renforcera la mission de la banque consistant à aider les pays en développement à faire face aux défis urgents.

ITHACA/WASHINGTON, DC – La démission soudaine de Jim Yong Kim en tant que président du Groupe de la Banque mondiale (GBM) offre l'occasion de réfléchir à la direction, la légitimité et l'efficacité de cette institution vieille de 75 ans.

Comme d’autres institutions multilatérales, la banque a été critiquée au cours des dernières années pour son élitisme et sa promotion de modèles démodés de mondialisation économique qui n’ont pas permis de générer des bénéfices largement partagés. Elle est également devenue une autre scène pour la rivalité géopolitique entre grandes puissances, jouée par les Etats-Unis et la Chine.

Reconnaissant cela, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales du G20 ont établi une commission en avril 2017 pour recommander des réformes de l'architecture financière mondiale et des institutions financières internationales. Lors d’une réunion du G20 en octobre 2018, cette commission a publié un rapport présentant des mesures "pour créer un ordre international coopératif dans un monde qui a changé de façon irréversible."

Le contexte mondial

La mission propre aux institutions financières pour le développement multilatérales est d'aider à résoudre des problèmes urgents et à grande échelle dans les pays en développement.

Par exemple, nous assistons actuellement à la plus grande expansion urbaine de l'histoire et, pour la gérer, il faudra un doublement du stock mondial d'infrastructures au cours des 15 prochaines années. Les institutions multilatérales ont également un rôle à jouer pour répondre à la grande expansion de la population de l'Afrique, ainsi que pour étrablir les bases d'une croissance économique durable et décarbonée à travers le monde en développement. A défaut, le monde devrait s’attendre à voir davantage de migration, de chômage, de frustration et de colère dans les années à venir.

Tel est le contexte dans lequel sera choisi le prochain président du GBM. Sans surprise, le conseil d'administration de l'organisation espère trouver un candidat qui soit capable de leadership et d’une gestion efficace, avec une vision convaincante, un engagement envers le multilatéralisme et des compétences de communication diplomatique (lire: "du bon sens politique"). Le candidat doit être prêt à mettre en œuvre des stratégies déjà convenues, contenues dans les rapports "Forward Look" et "Sustainable Financing" précédemment publiés par le GBM.

Comment choisir le nouveau président

Mais le critère le plus important, à notre avis, est que le candidat doit embrasser la mission du GBM dans toute son ambition et son ampleur, et donner suite aux recommandations contenues dans le rapport récent du G20. Le travail du président du GBM a été redéfini en 2017, avec l'introduction d'un directeur général. En vertu de ce nouvel accord, le président devrait être plus libre de se concentrer sur la stratégie (par exemple, la meilleure façon d’utiliser une récente augmentation de capital), les relations avec le conseil d'administration et les partenariats.

En l'absence d'un processus standard de sélection des dirigeants, les institutions multilatérales ont mis au point leurs propres méthodes au fil du temps.

Par exemple, la Banque interaméricaine de développement a un système de double majorité, dans lequel le candidat gagnant doit obtenir la majorité des voix des actionnaires, ainsi que la majorité absolue des voix des gouverneurs régionaux. Aux Nations Unies, l'Assemblée générale choisit le Secrétaire général sur la recommandation du Conseil de sécurité. A la nouvelle Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, le président doit recevoir 75% des voix.

Dans chaque cas, le processus est conçu pour donner un poids suffisamment conséquent aux grandes puissances mondiales, tout en empêchant qu’un seul pays puisse dominer complétement l'ordre du jour, afin de maintenir l'esprit du multilatéralisme.

Au GBM, cependant, le candidat gagnant doit simplement obtenir le plus de voix. En pratique, le président a toujours été un Américain, grâce à une négociation informelle entre les Etats-Unis et l’Europe, dans laquelle les Européens soutiennent le candidat des Etats-Unis pour le GBM alors que les Etats-Unis soutiennent un Européen pour diriger le Fonds monétaire international (qui a un système de vote à majorité simple similaire).

Certes, les Etats-Unis ne peuvent pas opposer leur veto à un candidat à la présidence du GBM (comme c’est le cas pour un candidat au poste de secrétaire général de l'ONU). Mais il serait très téméraire pour tout candidat de faire campagne sans au moins une approbation implicite des Etats-Unis.

Une femme présidente?

Cela laisse une gamme d'options pour choisir le prochain président du GBM. Les Etats-Unis pourraient choisir un Américain qui plait à d'autres pays: Kim, par exemple, avait usé de ses origines coréennes au cours de sa campagne pour le poste en 2012. Ils pourraient choisir un candidat avec une double nationalité ou un immigrant, comme l'ancien président du GBM James Wolfensohn, un Australien devenu citoyen américain. Ou ils pourraient soutenir un candidat non-américain d'un pays allié. Ce qui est important, c’est que le candidat jouisse de la confiance des Etats-Unis et de la plupart des autres pays, et puisse concilier les divers intérêts des pays dans un véritable esprit de multilatéralisme. Sa nationalité n’est pas, en soi, une condition préalable.

Cependant, obtenir le soutien des autres pays n’est qu’une seule des obligations. Le candidat retenu devrait également avoir le soutien d'autres parties prenantes. A l'ONU, les candidats publient des déclarations de vision et répondent aux questions d’organisations de la société civile. Ils participent aussi à une assemblée publique mondiale. Un candidat à la présidence du GBM devrait adopter cette transparence et l'étendre aux entreprises et aux milieux universitaires, conformément à l'engagement de l'institution envers l'empirisme et l’adoption de solutions fondées sur des faits.

Lorsque le conseil d'administration choisira le successeur de Kim en avril, nous espérons qu'il le fera d'une manière qui contribuera à la légitimité et l'efficacité de l'institution. Le GBM a besoin d'un leader de confiance qui comprenne l'urgence et la portée de la mission de l'organisation. En fait, le GBM n'a jamais eu de femme présidente. Il n'y a pas de meilleur moment que maintenant pour introduire un changement fondamental.

Traduit de l’anglais par Timothée Demont

© Project Syndicate 1995–2019

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