Les amendes de l'Europe contre Google dépassent la mesure

Le 5 septembre 2018 à 13h48

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

PARIS – Les instances réglementaires de l'Union européenne semblent être particulièrement hostiles envers Google. En juin 2017, le Commission européenne a adressé une amende de 2,42 milliards d'euros (2,75 milliards de dollars) à cette entreprise, pour avoir enfreint les règles anti-trust de l'UE, après avoir conclu que "Google a abusé de sa position dominante sur le marché en tant que moteur de recherche, en donnant un avantage illégal à un autre produit de Google, son service de comparaison d'achats."  

Suite à cela, le mois dernier, la Commission a à nouveau poursuivi Google, en lui infligeant une amende de 4,34 milliards d'euros (4,94 milliards de dollars) pour "pratiques illégales relatives aux dispositifs mobiles Androïd." Google avait passé des accords avec des fabricants de dispositifs mobiles et des exploitants de réseau pour "préinstaller l'appli de recherche Google et l'appli de navigateur (Chrome)." En outre, il semble que le Parlement européen et plusieurs Etats membres de l'UE veuillent démanteler Google en séparant son moteur de recherche d'autres sources possibles de revenus.

Il ne fait aucun doute que Google occupe une position unique sur internet. En terme d'activité de recherche, cette entreprise a contrôlé près de 90% du marché pendant plus d'une décennie, ce qui a conduit un grand nombre de "soi-disant" défenseurs de la concurrence à la dénoncer pour "abus" de sa "position dominante." Mais la plupart de ces attaques sont motivées par un mélange d'idées fausses et de revendications douteuses sur les dommages subis par les concurrents de Google.

Concurrence crédible ou monopole?

Les critiques de Google souhaitent définir un monopole comme une entreprise qui détient une part de marché de 100%, ou du moins une part assez grande pour faire que la concurrence crédible paraisse impossible. La théorie économique traditionnelle prétend qu'un monopole peut tirer profit des consommateurs en imposant des prix plus élevés que ceux autrement possibles dans des conditions "de concurrence pure et parfaite." Par ce raisonnement simple, les législateurs et les juges doivent refréner les "pillards" monopolistiques en leur infligeant de lourdes amendes, ou en les détruisant, comme cela s'est produit à maintes reprises au cours de l'histoire.

Mais si l'on persiste dans cette ligne de pensée, on ignore alors nécessairement une distinction fondamentale entre deux genres de monopoles: ceux qui émergent du fonctionnement libre du marché; et ceux qui sont le résultat d'une coercition de l'Etat. Traditionnellement, on emploie le terme de "concurrence pure et parfaite" pour signifier que de nombreuses entreprises produisent la même marchandise par les mêmes techniques. Mais cette définition adopte une approche statique, en mesurant des produits du marché à un moment donné, bien que l'économie elle-même soit dynamique.

Imaginez le cas d'une entreprise qui lance un produit innovant. Par définition, sa part de marché sera de 100%, au moins pendant un moment. La société doit sa "position dominante" au mérite et au fait que les consommateurs apprécient son produit.

Comme le démontre ce scénario, la concurrence ne doit pas être définie par un certain nombre arbitraire de producteurs, mais par le fait de savoir si d'autres entreprises sont libres d'accéder au marché. En fin de compte, l'entrée sur le marché est le principal prérequis de l'innovation. Si l'Etat impose des contraintes à cette liberté de façon à établir ou à maintenir la prédominance publique du marché par un seul producteur privé ou public, alors il a créé un monopole dangereux, qui limite sévèrement les opportunités d'innovation.

Dans le cas de Google, personne n'a empêché d'autres entreprises d'entrer sur le marché de la recherche sur internet. Google doit ainsi sa réputation dans ce secteur au talent et à l'ingéniosité. Quand cette entreprise est entrée sur le marché, elle n'était pas le premier moteur de recherche et n'importe quelle entreprise dans le monde était libre d'exploiter cette même opportunité. L'entreprise Google l'a emporté parce qu'elle a fourni un meilleur service que n'importe quel autre de ses concurrents - et parce qu'elle y est parvenue rapidement.

L'abus est commis par L'UE

Il ne faut pas punir Google pour cette réussite. En l'absence de coercition d'Etat, le mot "dominant" n'a aucun fondement et les plaintes des concurrents potentiels de Google n'ont aucune légitimité. Ils auraient dû agir quand ils en ont eu l'occasion. Aujourd'hui, Google rend disponibles gratuitement des services importants comme l'email, la traduction, l'hébergement vidéo, etc. Cette entreprise en est capable parce qu'elle fait des bénéfices sur d'autres activités, à savoir la publicité en ligne liée à son service de recherche. En démantelant Google, on risque de saper ses moyens de survie et d'imposer des coûts élevés aux consommateurs.

Revenons aux actions récentes de l'UE. La Commission a prélevé son amende de juin 2017 parce que Google a donné la priorité à son "service de comparaison d'achats" par rapport à ceux de ses concurrents. Mais pourtant, tous ceux qui utilisent Google et ses divers services le font librement, pas parce que Google les y force d'une manière ou d'une autre. Ils pourraient aussi bien utiliser d'autres services, donc leur décision d'utiliser Google doit signifier que Google leur fournit le service le plus utile.

De même, Google n'a pas employé la coercition dans l'affaire qui lui a valu une amende en juillet 2018. Elle a conclu des contrats volontaires avec des fabricants de dispositifs, qui ont accepté de préinstaller certains de ses services. Il n'y avait aucun "abus" de sa "position puissante sur le marché." Il y avait seulement une innovation dans le contexte de contrats libres et de marchés libres.

En fait, s'il y a eu un "abus de la position dominante de quelqu'un", cet abus a été commis par l'UE. Par la coercition, l'Etat contraint des individus et des entreprises à prendre leurs propres décisions sur le marché et des entreprises innovantes sont punies en conséquence.

© Project Syndicate 1995–2018

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