Les élections façon Trump: un cadeau à la Chine?

Le 2 novembre 2020 à 13h59

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

CLAREMONT, CALIFORNIE – Certes, Trump a porté au président chinois Xi Jinping des coups douloureux. Ses guerres menées sur les fronts des échanges et de la technologie démolissent les relations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, et le soutien apporté à Taïwan par son administration mettent en rage les dirigeants chinois. Mais alors que les électeurs américains affluent vers les urnes ou s’apprêtent à le faire pour les élections du 3 novembre, Trump semble vouloir faire un cadeau supplémentaire à Xi: un naufrage de la consultation.

A l’approche de ce qui constitue un référendum sur sa présidence, Trump refuse obstinément de s’engager sans ambages à en admettre le résultat. Il a joué de son influence de président pour jeter le discrédit sur le vote par correspondance, et même insinué que la Cour suprême, où les conservateurs disposent désormais d’une majorité de 6 contre 3, suite à la confirmation par le Sénat, le 26 octobre, de la juge Amy Coney Barrett, pourrait intervenir dans le processus et probablement lui apporter son second mandat.

Les derniers sondages d’opinion indiquent la possibilité d’une nette victoire de son opposant démocrate, l’ancien vice-président Joe Biden. Mais l’écart dans les intentions de vote va probablement se resserrer, et les résultats dans les Etats clés, qui détermineront le vainqueur au sein du collège électoral, pourraient être trop indécis, même si Biden l’emporte sur Trump à l’échelle du pays, pour déclarer un vainqueur au terme de la soirée électorale. Cela offrirait à Trump, et au parti républicain, l’occasion de faire jouer en sa faveur les nombreux leviers du pouvoir qu’il détient, afin de faire tomber dans son escarcelle la Maison blanche.   

Une crise politique américaine

Si les scénarios cauchemardesques d’une interminable bataille post-électorale varient, tous infligeraient à la démocratie américaine des dommages irréparables, pour la plus grande joie du parti communiste chinois.

D’un point de vue idéologique, un naufrage des élections américaines avec son lot de batailles politiques et de procédures judiciaires sans fin, serait une aubaine pour la propagande du PCC. Les dirigeants chinois auraient beau jeu de désigner la crise politique en Amérique comme le symptôme d’un incurable déclin. L’incompétence montrée par Trump dans sa gestion de la pandémie fait déjà de l’Amérique un objet de commisération pour le monde. S’il persiste dans ses menaces de défier la volonté des électeurs américains, la séduction qu’exerce la démocratie américaine sur les populations subissant la dictature, y compris en Chine, aura vécu. Si les milices lourdement armées de l’extrême-droite se lancent à grande échelle dans des tentatives d’intimidation des électeurs et si les Etats-Unis sont le théâtre d’affrontements mortels le 3 novembre, les médias chinois contrôlés par le pouvoir ne se priveront pas d’en diffuser les images apocalyptiques dans chaque foyer chinois.

Une élection contestée dont Trump finirait par sortir vainqueur profiterait encore plus à la Chine, et elle n’a rien d’improbable, si l’on considère l’archaïsme et la complexité de la procédure électorale ou le rôle éventuellement décisif que pourrait jouer la Cour suprême.

Un second mandat renforcerait la pression militaire et technologique sur la Chine, mais le maintien de Trump à la présidence n’en offrirait pas moins une opportunité au régime de Xi. Tout d’abord, une majorité d’Américains considéreraient Trump comme un président illégitime s’il perd le "vote populaire" [c’est-à-dire s’il n’obtient pas la majorité des voix au niveau fédéral], comme cela semble aujourd’hui à peu près certain. Pire encore, si c’est au prix de radiations massives des listes électorales, de manœuvres politiques douteuses des législatures contrôlées par le parti républicain dans les Etats clés comme la Pennsylvanie, le Wisconsin et la Floride, d’arrêts partisans rendus par les juges des cours fédérales et de la Cour suprême nommés par lui et d’abus flagrants d’autorité de la part du pouvoir exécutif que le président sortant assure sa réélection, le pays pourrait plonger dans une guerre civile politique. Pour ne citer qu’un exemple récent des tentatives d’interférences, Trump ne cesse de demander au ministère de la Justice d’enquêter sur Biden et son fils, Hunter, après que le New York Post s’est fait l’écho de rumeurs infondées sur les relations d’affaires d’Hunter Biden.

Les répercussions d'un nouveau mandat de Trump 

Si démocrates et républicains voient les uns comme les autres la Chine comme la menace la plus sérieuse envers l’Amérique, on peut se demander où les Etats-Unis trouveraient les moyens de s’engager dans une nouvelle guerre froide avec Pékin s’ils sont embourbés dans une guerre civile politique et si le chef du pouvoir exécutif est considéré comme illégitime par la moitié de l’électorat. Enfin, l’intensification d’une polarisation politique déjà extrême rendrait à l’Amérique la tâche impossible chez elle, alors qu’elle doit rattraper ses retards d’investissements dans les soins de santé, dans l’éducation, la recherche scientifique, l’énergie propre et les infrastructures, tous domaines vitaux pour le maintien d’un avantage compétitif sur la Chine. 

Sur le plan international, un second mandat d’une administration Trump obtenu par des moyens non démocratiques creuserait le fossé entre les Etats-Unis et leurs traditionnels alliés démocratiques libéraux. La poursuite de la politique étrangère de "l’Amérique d’abord!", telle qu’elle est menée par Trump rendrait plus difficile la constitution d’une vaste coalition contre la Chine. La fragilisation de la démocratie américaine que précipiterait probablement un second mandat de Trump créerait aux diplomates américains des difficultés à persuader d’autres dirigeants occidentaux de rejoindre l’homme fort installé en autocrate à la tête de leur pays dans sa croisade idéologique contre l’homme fort installé en autocrate à Pékin.

Il est généralement admis que les dirigeants chinois préféreraient une victoire de Biden. Si la Chine aurait alors en face d’elle un Occident plus unifié, une administration Biden serait aussi plus prévisible et ouverte à la coopération dans les domaines du changement climatique et de la santé publique mondiale. Mais la perspective d’une Amérique paralysée chez elle par une crise de légitimité politique et écartée à l’extérieur de ses alliés est peut-être plus séduisante encore pour le PCC.

Traduit de l’anglais par François Boisivon

© Project Syndicate 1995–2020

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