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Les révolutions arabes confrontées à la réalité

Le 20 mars 2013 à 10h10

Modifié 10 avril 2021 à 4h02

BERLIN, 27 février 2013 - Deux ans après le début des soulèvements populaires qui ont secoué le Moyen-Orient, rares sont ceux qui parlent encore d'un « Printemps arabe ». Pensez à la guerre civile sanglante en Syrie, à la montée en puissance des forces islamistes lors des élections libres, aux crises politiques et économique de plus en plus graves en Égypte et en Tunisie, à l'instabilité croissante en Irak, à l'incertitude quant à l'avenir de la Jordanie et du Liban et là aux menaces de guerre qui pèsent sur le programme nucléaire iranien, l'espoir immense en un nouveau Moyen-Orient a disparu.

Ajoutez la région de l'Orient et ses périphéries occidentales (l'Afghanistan et l'Afrique du Nord, y compris le Sahel et le Sud du Soudan) et le tableau s'assombrit encore. En effet, la Libye est de plus en plus instable, Al-Qaïda est activement engagé au Sahel (comme le montrent les combats au Mali) et personne ne peut prévoir ce qui va se passer en Afghanistan après le retrait des Etats-Unis et de leurs alliés de l'OTAN en 2014.

Nous avons tous tendance à refaire continuellement la même erreur : nous pensons, au début d'une révolution, que la liberté et la justice ont vaincu la dictature et la cruauté. Mais l'histoire nous enseigne que ce qui suit n'augure en général rien de bon.

Une révolution détruit l'ordre ancien et ouvre la voie à une lutte sanglante

Une révolution non seulement renverse un régime répressif, mais elle détruit aussi l'ordre ancien, ouvrant la voie à une lutte brutale sinon sanglante pour le pouvoir, en vue d'établir un ordre nouveau - un processus qui affecte aussi bien la politique étrangère que nationale. Normalement les révolutions sont suivies de périodes dangereuses.

En effet, les exceptions à cette règle sont rares : l'Afrique du Sud en est une, grâce au génie d'un des hommes d'État les plus exceptionnels du siècle, Nelson Mandela. On peut observer la solution alternative au Zimbabwe.

L'Europe centrale et l'Europe de l'Est après 1989, bien qu'elles constituent un point de référence très intéressant pour des analystes des révolutions arabes, ne sont pas un point de référence approprié, parce que le nouvel ordre national et étranger de la région a résulté du changement des conditions externes provenant de l'effondrement du pouvoir soviétique. Intérieurement presque tous ces pays ont eu une idée très claire de ce qu'ils ont désiré : la démocratie, la liberté, l'économie de marché et la protection contre le retour de l'Empire russe. Ils ont désiré l'Occident et leur accession à l'OTAN et à l'Union européenne était logique.

Le chaos est désormais une menace constante au Moyen-Orient

Rien de tel ne s'applique à la ceinture de crise du Moyen-Orient. Aucune puissance nulle part, dans la région ou en dehors, n'est ni disposée ni capable de mettre en application la vision la plus élémentaire d'un nouvel ordre régional, ni même la vision d'un ordre pour certaines de ses parties. Le chaos est une menace constante, avec tous les risques et les menaces qui s'ensuivent pour la paix dans le monde.

En plus de la pauvreté, du sous-développement, de la répression, d'une forte croissance démographique, de la haine religieuse et ethnique et des peuples sans État (comme les Kurdes et les Palestiniens), la région a des frontières instables. Beaucoup ont été suscités par les puissances coloniales, la Grande-Bretagne et la France, après la Première Guerre mondiale et la plupart, à l'exception de l'Iran et de l'Égypte, ont peu de légitimité.

Comme si cela ne suffisait pas, certains pays (dont l'Iran, l'Arabie saoudite et même le minuscule mais très riche Etat du Qatar) ambitionnent de devenir des puissances régionales. Toute ceci aggrave une situation déjà tendue.

Toutes ces contradictions explosent actuellement en Syrie, où la population subit une catastrophe humaine, alors que le monde entier reste là à ne rien faire, jusque-là trop réticent pour intervenir. (Si des armes chimiques sont déployées, l'intervention sera inévitable.) Bien que l'intervention doive être provisoire et techniquement limitée, chacun semble l'éviter, parce que les enjeux sont très grands : non seulement une guerre civile dévastatrice et de grandes souffrances humaines, mais aussi un nouvel ordre pour l'ensemble du Moyen-Orient.

Les dangers de l'inaction et de l'action sont très grands

Toute intervention militaire entraînerait une confrontation non seulement avec les militaires syriens (soutenus par la Russie et la Chine), mais aussi avec l'Iran chiite et son fondé de pouvoir au Liban, le Hezbollah. En outre personne ne peut garantir qu'une intervention ne conduise pas rapidement à une nouvelle guerre avec Israël. Les dangers de l'action et de l'inaction sont très grands.

Le résultat le plus probable en Syrie est que la catastrophe humaine se poursuivra jusqu'à l'effondrement du régime du Président Bachar el-Assad, après quoi le pays se divisera très probablement selon des clivages ethniques et religieux. Et la désintégration de la Syrie pourrait en outre balkaniser le Moyen-Orient et déclencher de nouvelles violences. Les États limitrophes comme le Liban, l'Irak et la Jordanie ne parviendront pas à rester à l'écart d'une désintégration de la Syrie.

Que se passera-t-il pour les Kurdes de Syrie et pour les Palestiniens, ou pour les Chrétiens, les Druzes et les minorités musulmanes plus petites ? Et que dire des Alaouites (l'épine dorsale du régime d'Assad), qui pourraient faire face à un terrible destin, indépendamment de la scission éventuelle du pays ?

Les questions sans réponse ne manquent pas. Naturellement, même face à ce malheur, nous ne devrions pas perdre notre espoir dans les accords conclus par les moyens diplomatiques. Mais en restant réaliste, les chances semblent diminuer chaque jour.

L'ensemble du Moyen-Orient est en mouvement et un ordre nouveau et stable aura besoin de beaucoup de temps pour se mettre en place. Jusque-là, la région restera très dangereuse, pas seulement à l'interieur, mais aussi pour ses voisins (y compris en Europe) et dans le monde.

Traduit de l'anglais par Stéphan Garnier.

© Project Syndicate

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