Oops ! They did it again…

Le 21 décembre 2017 à 16h40

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

Omniprésents dans les médias, les «dérapages verbaux» semblent être devenus un élément de langage comme un autre, un instrument communicationnel voire même un outil politique manié avec plus ou moins d’habileté selon leur auteur.

Natura abhorret a vacuo, autrement dit la nature a horreur du vide!

Visiblement, certaines femmes et certains hommes aussi. C’est donc ‘tout naturellement’ que fleurissent depuis plusieurs années déjà les symptômes d’un syndrome, étrangement contagieux; celui du dérapage verbal.

Emmanuel Macron, bien que fraichement élu à la présidence de la république française, est déjà un récidiviste en termes de dérapages.

En octobre dernier, il déclarait à propos de manifestants en Corrèze: «Y en a certains, au lieu de foutre le bordel, il feraient mieux d’aller regarder s’ils peuvent pas avoir des postes là-bas, parce qu’ils ont des qualifications pour le faire. Et c’est pas loin de chez eux»en référence à une fonderie en mal d’employés.

Une déclaration pour le peu étonnante quand on sait qu’il était censé montrer son soutien aux plus défavorisés. Cette citation rejoint ses, déjà !, nombreuses sortiescomme «la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler», prononcée lors de la campagne présidentielle, ou encore «je serai d’une détermination absolue, je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes» en plein débat sur la réforme du Code du Travail.

Emmanuel Macron est loin d’être le seul.

Donald Trump, le tweeto obsessionnel, a fait aussi du dérapage verbal une arme de destruction massive. Le dernier en date est celui qui s’est déroulé en pleine cérémonie d’honneur aux Navajos enrôlés lors de la seconde guerre mondiale, le 27 novembre dernier.

Donald Trump a cru bon d’appeler la sénatrice démocrate Elizabeth Warren ‘Pocahontas’. The Donald, comme l’appellent certains américains, n’en est pas à son premier coup d’essai; entre qualifier le leader coréen Kim Jong-Un de ‘petit gros’ou son ‘elle est folle…elle a un petit Q.I’en parlant d’une journaliste, Mika Brzezinski, qui avait critiqué la gestion de son administration. Il y en a tellement qu’en faire le compte serait aussi fastidieux qu’inutile.

 

Au Maroc, la palme des dérapages verbaux pourrait être décernée à l’ancien chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. Dès 2014, c’est tout un florilègepartant d’une parabole, aussi hasardeuse que douteuse, comparant «les femmes à des lustres qui illuminent les foyers» ou encore d’une recommandation à ses pairs «de ne pas prendre de maitresses car ces dernières les pousseraient à la dépense, là où les épouses prendraient soin de leur portefeuille».

Mais peut-on réellement parler de dérapages dans ce cas-là?

Oops !

Si l’on revient au sens même du vocable déraper, celui-ci, selon Le Larousse, évoque le fait de s’écarter de ce qui est normal, attendu, prévu et contrôlé.

Or, y-a-t-il une quelconque perte de contrôle pour ces personnages politiques si rodés au discours, à la présence des médias, aux éléments de langage et au pouvoir de la communication, directe ou indirecte?

Arnaud Mercier, spécialiste de la communication politique, voit dans le ‘dernier bordel’ d’Emmanuel Macron «quelque chose de l’ordre du délibéré dans la volonté d’énerver, d’exciter un petit peu plus la gauche de la gauche et les Insoumis». Même si cet exercice est risqué puisqu’’il «pourrait alimenter aussi l’image… d’un président méprisant vis-à-vis des petites gens». Un risque somme toute assez mesuré et qui demeure en accord avec la posture jupitérienne du nouveau président; une posture en rupture avec celle de son prédécesseur.

Jupiter, pas moins ! Celui-là même qui «dans la mythologie n’est pas un simple Dieu, c’est le roi des dieux», insiste Marie Treps, sémiologue.

Docteur ès en sorties douteuses et étonnantes, Abdelilah Benkirane restera, dans la mémoire des Marocains et des Marocaines, un homme politique «à la parole franche et qui parle vrai loin de la langue de bois de ses pairs». Oubliées ses comparaisons foireuses, passées à la trappe ses citations fleurant bon le machisme et l’anti-féminisme primaire. D’ailleurs, nombreux sont celles et ceux qui reprochent au nouveau chef du gouvernement depuis le mois d’avril, Saâdeddine Elotmani, sa parole rare et ses sorties médiatiques ‘trop cadrées’.

Quant à Donald Trump, malgré ses 1.318 contre-vérités, ses 2.467 tweets, ses 3 proches inculpés dans la désormais célèbre affaire russe d’ingérence de Moscou dans l’élection présidentielle américaine, sa côte de popularité oscille entre 33 et 38%. Avant lui, seul le guignolesque Georges W. Bush (2001 – 2009) avait été aussi impopulaire lors de son 2ème mandat.

Malgré cela, rien ne semble arrêter la politique du dérapage de Trump ; bien au contraire, il est plus que jamais prompt aux réactions les plus imprévisiblement scandaleuses.

Dans ses Odes, Horace dit «c’est quand Jupiter fait gronder la foudre que nous croyons qu’il règne dans les cieux» ; les pseudo-dérapages verbaux ne seraient in fine qu’une manière de faire gronder la foudre, d’alimenter les débats sur les médias, toujours avides du bon mot, de la phrase choc qui va, à coup de clics et de ‘retours sur’, animer le vide sidéral dans lequel se complait le monde politique.

They did it again and again and again…

Visiblement, ce modèle fait des émules. C’est ainsi qu’en toute simplicité, Karl Lagerfeld, troque son costume de couturier, pour donner son avissur la politique migratoire d’Angela Merkel lors d’une émission télé diffusée le samedi 11 novembre: «On ne peut pas, même s'il y a des décennies entre, tuer des millions de juifs pour faire venir des millions de leurs pires ennemis après».

Une phrase qui fera le tour d’Internet, qui aura ses ‘pour’ et ses ‘contre’ et qui restera longtemps, trop longtemps!, au sommet des news de l’actualité.

Le conseiller Vert suisse Jonas Fricker, méconnu avant ces faits en septembre dernier, a choisi de comparer les transports de porcs aux trains plombés d’Auschwitz dans le film La Liste de Schindler: «les gens qui étaient déporté là-bas avaient au moins une chance de survivre. Les cochons, eux, sont conduits irrémédiablement à la mort».

Par la suite, ‘conscient d’avoir dérapé’, il a exprimé ses regrets au conseil national et présenté ses excuses à la Fédération Suisse des Communautés Israélites (FSCI).

Alain Finkierlkraut, encore lui !, a jugé bon de déclarer, dans son hommage radiophonique à Johnny Halliday le samedi 09 décembre, que «le petit peuple blanc est descendu dans la rue pour dire adieu à Johnny. Il était nombreux et seul. Les non-souchiens brillaient par leur absence».

Personnellement, je trouve qu’il a manqué une occasion de suivre l’un de ses propres conseils, celui de se taire! Mais le déferlement médiatique qui a suivi, la reprise de ces propos, la défense des uns et la dénonciation des autres de cette phrase qui utilise une terminologie volontairement d’extrême-droite, n’en déplaise aux ‘gnagnagnas’ de son auteur, prouvent bien qu’il y a beaucoup trop de contrôle dans ce dérapage (comme dans beaucoup d’autres), bien trop de prévisibilité dans ce type de saillies, bien trop de normalité dans ce qui se veut anormal…

Bienvenue dans l’ère des dérapages contrôlés; un oxymore qui aura la vie dure si l’on en croit les Top Tweets, les partages et re-partages sur les réseaux sociaux ou encore les 1ères  listes de recherche Google Actualités.

Une stratégie de communication comme une autre qui semble s’adapter à la culture, voire le culte, du buzz et de la surenchère et qui génère, en contrepartie, une espèce de traque obsessionnelle des médias de tout ce qui pourrait alimenter la bête. «L’imitation et le mimétisme étant au cœur des dynamiques sociales, l’écho excessif donné au moindre dérapage participe involontairement au développement du phénomène qu’il prétend dénoncer», souligne justement cet article.

Dans le cas contraire, l’on pourra toujours s’exclamer, à la Britney (comprendre d’un air faussement ingénu), «Oops !… I dit it again»!

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