Renforcer la résilience climatique de l'Afrique

Le 6 décembre 2018 à 11h55

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

CAPE TOWN — La lutte contre le changement climatique pourrait être remaniée au cours du dernier mois de l'année, avec le sommet du G-20 en Argentine qui vient de se clôturer et qui sera suivi cette semaine et la semaine prochaine par la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (COP24) à Katowice en Pologne.  

Mais les dirigeants vont-ils faire preuve d'assez d'audace pour promouvoir des politiques destinées à maintenir la hausse de la température mondiale "bien en deçà" de 2° Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, l'objectif fixé par l'Accord sur le climat de Paris de 2015, ou bien vont-ils répondre d'un haussement d'épaules?

Quelle que soit la réponse, les conséquences se feront sentir plus particulièrement en Afrique. Cela signifie que les Africains doivent se préparer à chacune de ces issues.

En octobre, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a publié un rapport complet démontrant que l'activité humaine a réchauffé la planète de 1°C depuis l'ère préindustrielle et que chaque fraction de degré supplémentaire impose des coûts élevés.

Par exemple, en 2020, l'Afrique va dépenser entre 7 et 15 milliards de dollars par an pour s'adapter au changement climatique et même si le réchauffement se maintient sous le seuil de 2°C, la facture pourrait atteindre 50 milliards de dollars en 2050. Les pays du Sahel risquent également de subir des baisses du PIB allant jusqu'à 6 % dans les décennies à venir en raison du stress hydrique lié au climat.

En d'autres termes, le monde doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre et l'Afrique doit s'adapter aux perturbations climatiques déjà en cours. Heureusement, des politiques et des investissements volontaristes en matière de développement durable pourraient déclencher une vague d'opportunités économiques, ce qui pourrait rendre l'adaptation plus facile à gérer.

Un rapport publié en août par la Commission mondiale sur l'économie et le climat, dont je suis membre, a constaté que si le monde se dirigeait vers une économie à faibles émissions de carbone - par exemple, par l'élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles, l'arrêt du déboisement et en mettant davantage de véhicules électriques sur la route - 26.000 milliards de dollars pourraient être ajoutés à l'économie mondiale en 2030. Une action climatique ambitieuse pourrait également créer plus de 65 millions de nouveaux emplois à faible émission de carbone, éviter 700.000 décès dus à la pollution atmosphérique chaque année et conduire à une plus forte participation des femmes à la main-d'œuvre.

Avec plus de 450 millions de travailleurs prêts à entrer sur le marché du travail en 2035, la plupart des pays d'Afrique auront besoin d'innover pour rester forts : l'une des meilleures façons d'y parvenir consiste à profiter d'une croissance "plus verte". Cela est vrai même - ou surtout - pour une industrie traditionnelle comme l'agriculture, qui représente jusqu'à 60% des emplois du continent mais qui est particulièrement vulnérable aux sécheresses et à d'autres chocs climatiques.

Certaines collectivités ont déjà prouvé qu'il est possible de s'adapter au changement climatique et de produire des revenus à cette occasion. En Ouganda, par exemple, 270 petits agriculteurs utilisent des drones afin de distribuer avec une plus grande précision l'eau, les engrais et les pesticides.

Le projet pilote, lancé en 2015 avec l'appui de TechnoServe et de la Fondation Bill & Melinda Gates, a conduit à une baisse de 60 % de l'utilisation des pesticides et à une augmentation de 100 % des rendements. Le revenu agricole annuel est en moyenne de 2 150 $, ce qui prouve que stimuler la productivité et conserver les ressources peut renforcer la résilience agricole, même dans les conditions les plus extrêmes.

L'innovation sera également nécessaire dans les villes africaines: en 2050, la population urbaine de l'Afrique aura plus que doublé, à 2,4 milliards de personnes - et isoler ces communautés contre les perturbations climatiques ne sera pas une tâche aisée. Mais, parce qu'une grande partie de l'infrastructure qui permettra de soutenir cette croissance n'est pas encore construite, nous avons encore le temps de nous assurer que nos zones urbaines sont résistantes au climat et orientées vers un développement faible en carbone.

Ici aussi, il faut s'inspirer de quelques exemples prometteurs. En 2008, Lagos est devenue la première ville africaine à construire un système de transport en commun rapide par autobus. Ce réseau rationalisé et efficace coûte 1,7 million de dollars par kilomètre, un prix relativement bas qui a permis à la ville de faire son retour sur ses investissements en seulement 18 mois.

En plus de réduire ses émissions de dioxyde de carbone et d'améliorer la qualité de l'air, le nouveau système de transport en commun de la ville a également réduit la durée des transports en moyenne de 30%, ce qui a par la même occasion réduit les coûts de transport pour les ménages à faibles revenus de près de 31%.

Après des décennies de recherche, le monde comprend mieux quels sont les avantages économiques d'un développement faible en carbone. Nous comprenons également mieux les coûts d'une mauvaise réponse aux défis du changement climatique. Avec des nouvelles technologies moins chères, les gouvernements ont les outils nécessaires pour construire des économies plus durables.

Ce qui a souvent fait défaut, c'est le leadership: un vide qui peut être comblé dans les semaines à venir. Les responsables doivent s'engager de nouveau à poursuivre la croissance verte et à canaliser les investissements dans des projets résistants au changement climatique.

Les entrepreneurs de l'Afrique et les autorités locales ont déjà démontré leur détermination en ce sens: il leur faut à présent des dirigeants mondiaux dotés de la volonté de les rejoindre.

© Project Syndicate 1995–2018

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