Taisez-vous! Taisez-vous!

Le 27 novembre 2017 à 16h35

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

Horreur et sidération… Il semblerait que des femmes aient décidé de parler, de «libérer leur parole», comme il est de bon ton de le dire aujourd’hui, de dénoncer des abus, violences, agressions voire des viols auxquels elles auraient été soumises par des hommes.

Considéré de prime abord comme un épiphénomène de l’affaire Weinstein, voilà que ce mouvement prend de plus en plus d’ampleur traversant toutes les frontières et touchant toutes les sphères politiques, économiques ou sociales. Et là, faites vos jeux, rien ne va plus…

#MyHarveyWeinstein, #balancetonporc ou #metoo

C’est sous ces hashtags que plusieurs femmes se sont exprimées sur les réseaux sociaux. Pour beaucoup d’entre elles, l’omerta a l’air se briser via ce moyen jugé plus accessible pour parler de faits datant parfois de plusieurs années.

Dénoncer des agressions sexuelles est vraisemblablement difficile que l’on habite New-York, Paris, Québec ou Casablanca.

Quelques données chiffrées parce qu’il parait que les faits sont têtus:

-       En France, selon une enquêteparue en 2016 et menée par les l’Institut National d’Etudes Démographiques, chaque année 580.000 femmes et 197.000 hommes sont victimes d’agressions sexuelles qui se dispachent ainsi:

* 11% des femmes et 7% des hommes pour des attouchements de sexe.

* 95% de femmes pour des attouchements de seins ou des fesses, des baisers imposés par la force ou du pelotage.

* 93% des hommes pour du pelotage.

- Toujours en France, chaque année, 62.000 femmes et 2.700 hommes sont victimes de viol ou de tentatives de viol. Il est estimé que seules 10% de ces femmes victimes de viols portent plainte et qu’uniquement 3% des viols débouchent sur un procès.

- L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) indique que 95%des femmes victimes de viols dans le cadre de leur environnement professionnel perdent leurs emplois quand elles dénoncent ces faits.

-Au Canada, sur 613.000 agressions sexuelles déclarées, uniquement 1814(soit 0,3%) ont mené à une condamnation.

- Selon une étudede l’Association des universités américaines (AAU), près de 25% des étudiantes d’universités américaines ont été victimes durant leur cursus d’un acte sexuel non désiré sous la menace ou sous la force.

- La dernière enquêtemenée par le Haut Commissariat du Plan (HCP) au Maroc, datant de 2009 (sic) révèle que 22,6% des femmes ont subi un acte de violence sexuelle à un moment ou un autre de leur vie; 2 fois plus en milieu urbain qu’en zone rurale!

 

Pourquoi cette série de statistiques? Pour se rappeler de quoi il s’agit.

N’en déplaise à celles et ceux qui semblent brusquement frappés d’une cécité sélective, il y a, dans le monde entier même si les proportions diffèrent, un réel souci de dénonciation des actes d’agressions sexuelles principalement envers les femmes (puisqu’elles représentent la majorité des victimes).

Sur les réseaux sociaux, j’ai été frappée par cette remarque qui suivait un #Metoo «hélas, comme toutes les femmes ou presque…». Ce qui est en soi révélateur d’une sorte de banalisation des agressions, petites ou grandes, subies par la gent féminine ici et ailleurs.

 

Mais voilà, après une sorte de délai de rigueur, de disons une 10aine de jours, où cette déferlante fût tolérée, un plus grand malaise (s’il est possible!) a commencé à pointer le bout de son nez; celui du «Oui, mais, il faut que cela cesse maintenant».

Autrement dit, si nous supprimons le vernis de bienséance: «TAISEZ-VOUS ! TAISEZ-VOUS !» à l’image du fameux cri d’Alain Finkielkraut lancé lors de son interventionà CSOJ en 2013.

Ce même Finkielkraut qui a déclaré, lors d’une entrevueaccordée au Figaro Vox ce lundi 20 novembre, que «l’un des objectifs de la campagne #balancetonporc était de noyer le poisson de l’islam: oubliée Cologne, oubliée la Chapelle-Pajol, oubliés les cafés interdits aux femmes à Sevran ou Rillieux-la-Pape, on traquait le sexisme là où il était une survivance honnie et l’on couvrait du voile pudique de la lutte contre les discriminations les lieux où il façonnait encore les mœurs». Le journal Le Monde, à travers Les Décodeurs, décrypte icil’article en question et en pointe les incohérences en rappelant notamment la chronologie des faits.

Il fallait oser, Finkielkraut l’a fait! Aberrant peut-être mais, somme toute, assez révélateur de la réaction de plusieurs personnes. Il y a ceux qui:

- Crient aux complots (comme pour Tariq Ramadanou encore Saad Lamjarreddont les affaires sont en cours),

- Dénoncent une cabale contre «le mâle blanc» et qui trouvent que le problème serait plutôt dans ces «mâles venus d’ailleurs et qui viendraient imposer leur machisme constitutif» ; comprenez les immigrés, les réfugiés… ou, pour faire court, les arabes ou les musulmans.

- Disent qu’il y a viol et ‘viol tendre’puisque la victime, ne se débattant pas bec et ongles, serait consentante. La brutalité psychique paraît être étrangère aux défenseurs de cette thèse qui, visiblement, n’ont pas regardé assez d’épisodes de New-York Unité Spéciale. Ils sauraient que la peur, l’incompréhension ou l’hébètement peuvent être tout aussi paralysant qu’un coup de poing.

-       Evoquent l’existence d’une zone dite grise entre séduction et agression sexuelle ou injure publique. Cette caricature vidéo anglaise, expliquant le consentement sexuel à l’aide d’une tasse de thé, efface ce gris d’un coup de gomme!

- Ne sont pas à l’aise avec les mots ‘balance’ ou ‘porc’ comme Eric Zemmour qui y voit de la délation proche de ce qui se pratiquait à l’époque de la collaboration pendant la 2ème Guerre Mondiale. «Pourquoi pas ‘balance ton juif’» ? dit-il, atteignant ainsi le point Godwin en moins de 2 secondes. Un record !
Une précision, puisque les mots sont importants, délation et dénonciation ne sont pas équivalentes. La différence entre les deux tient justement à la morale et à l’éthique. Dénoncer un pervers/un violeur est-il de la délation? Vous avez 3 heures… ou 3 secondes pour y répondre!

- Craignent des dénonciations calomnieuses envers certains hommes.
Risquer de dénoncer des innocents existe. Et les ravages provoqués par le buzz immédiat et la mise à mort sur les réseaux sociaux sont grands. Mais est-il bon de rappeler qu’au niveau mondial, les fausses accusations de viol sont rares et oscillent entre 2 et 3% ? Est-il bon de rappeler que tous les hommes ne sont évidemment pas à mettre dans le même panier et que tout spécimen masculin n’est pas un prédateur en puissance; tout comme toute femme n’est pas une victime désignée? Est-il bon de rappeler que les voix de ces femmes dénoncent des faits qui devraient être, normalement, décriés par tous et par toutes au lieu de brandir tout de suite une fourberie féminine ou une mauvaise interprétation comme le démontre cet article? Il semble bien que oui…

 

TAISEZ-VOUS ! TAISEZ-VOUS !

Que nous révèlent toutes ces injonctions, voilées ou affichées, au silence?

Que «quand les femmes montrent le problème, les idiots débattent du hashtag», comme le dit si justement cet article.

Que la parole dérange car se taire, c’est accepter et se soumettre à une culture du viol qui est, à l’évidence, plus étendue que ce l’on voudrait bien croire.

Que si le mouvement répandu sur les réseaux sociaux même sans être représentatif, puisque ces réseaux-mêmes ne sont accessibles qu’à une certaine catégorie de la population, pourrait devenir une caisse de résonance et un relai afin de mieux adapter, par exemple, les recours judiciaires et/ou les méthodes de dénonciation des agressions sexuelles.

Qu’il s’agit moins de libérer la parole que de libérer les esprits de ce carcan déterministe qui ordonne que «si tu es une femme, belle ou pas, tais-toi». Pour ma part, ce n’est pas demain la veille que je m’y plierai!  

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