Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Taiwan prise en sandwich

Le 19 novembre 2021 à 11h08

Modifié 19 novembre 2021 à 11h08

Les présidents américain et chinois ont tenu le 16 novembre dernier, leur deuxième sommet en vidéoconférence depuis l’arrivée de Biden au pouvoir. Plusieurs dossiers ont été sur la table des deux dirigeants qui sont, plus que jamais, conscients que de leur entente ou de leur mésentente, dépend, dans une large mesure, la paix du monde.

Le président américain a évoqué plusieurs sujets et controverses entre les deux, dont les droits de l’homme au Xinjiang, au Tibet et à Hongkong. L’autre grand dossier, qui concentre tous les efforts américains pour contrer la Chine, reste Taïwan. Après avoir sécurisé l’indopacifique par l’accord AUKUS entre le Royaume-Uni l’Australie et les États-Unis, Washington cherche, par tous les moyens, à brider les prétentions chinoises sur Taïwan.

Cette île, qui fut découverte par les portugais au 16e siècle, a été baptisée Ilha Formosa, belle île, devenue après Formosa, puis Taïwan. Elle fut administrée par la Chine depuis le 17 siècle. En 1895 elle est annexée par le Japon jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale. L’alliance du Japon avec l’Allemagne nazie a aidé les nationalistes chinois, menés par Tchang Kai Chek, à la libérer et l’unir à la république de Chine.

"Entre deux États"

Après sa défaite face aux communistes, dirigés par Mao Tse Toung, Tchang Kai Chek se réfugie à Taïwan qui devient la République de Chine face à la République Populaire de Chine (RPC) reconnue principalement par les pays socialistes et certains des pays en développement. La communauté internationale se trouvait donc face à deux États, dont chacun se réclamait de la Chine.

Ce n’est qu’en 1971 que l’Assemblée Générale des Nations-Unies reconnaisse, par la résolution 2758, à Pékin le droit de représenter seule les intérêts de la Chine. Pour Pékin la réunification de Taïwan avec la Chine continentale est une affaire nationale qui finira par avoir lieu. Taïwan est considérée comme la 23e province du pays et, à ce titre, elle doit suivre le même destin que celui de Hongkong et Macao.

Juste après la seconde guerre mondiale, le président américain, Harry Truman, avait alerté, à son époque, l’opinion de son pays quant au sort qui sera réservé à l’île qu’il faudrait neutraliser pour éviter une troisième guerre mondiale. Il déclarait en juillet 1950 que la détermination du statut futur de Formosa doit attendre le rétablissement de la sécurité dans le pacifique, ou l’examen des Nations-Unies. Depuis, tous les présidents américains accordent un intérêt particulier à Taïwan dans le bras de fer permanent qu’ils mènent contre la Chine.

Pour Pékin, Taïwan intégrera la Chine par tous les moyens disponibles, y compris par la force si cela est nécessaire. C’est devenu un rituel qu’à chaque élection présidentielle sur l’île, les navires militaires chinois apparaissent et rôdent sur les mers avoisinantes. Depuis l’arrivée de XI Jinping à la tête de la Chine, cette ligne politique a été, à maintes reprises, rappelée. Lors d’un discours, le 2 janvier 2019, il déclarait que la Chine doit être réunifiée et elle le sera. L’indépendance de Taïwan est une entorse à l’histoire, et ne pourra conduire qu’à une impasse et un profond désastre.

De son côté, le 21 septembre dernier, à la tribune des Nation-Unies, Joe Biden déclarait, à l’intention de la Chine, que "nous défendons nos alliés et nos amis et nous nous opposerons aux tentatives des pays forts pour en dominer des plus faibles par des changements territoriaux obtenus de force, par la coercition économique ou par la désinformation". Avant d’ajouter : "nous ne cherchons pas une nouvelle guerre froide ou un monde divisé en blocs rigides".

Réduire l’influence chinoise

Comme face à l’Union-Soviétique hier, les États-Unis tentent de recréer les mêmes procédés d’endiguement qui ont abouti à l’effondrement du bloc de l’Est. Ils pensent qu’en créant la même stratégie, par l’instauration d’une série de coalition dans l’indopacifique, ils arriveraient à contenir les élans de la Chine. Or, à la différence de la Chine, l’URSS n’a jamais été un réel concurrent économique ou technologique à l’Occident ou aux États-Unis, comme l’est Pékin aujourd’hui.

C’est parce que les dangers sont aussi bien politiques qu’économiques, que Washington cherche par tous les moyens à conclure des partenariats stratégiques avec ses alliés dans la région, une sorte d'ébauche d’un OTAN asiatique. Pour réussir cette démarche, la défense de Taïwan devient la clef de voûte et l’avant-garde de cet arsenal d’endiguement.

Les Américains savent jouer avec les inquiétudes des pays voisins de la Chine pour nouer avec eux des alliances militaires et stratégique pour contrer Pékin. Cette politique ne devrait pas s’arrêter à l’Asie. Elle sera concentrique à travers le monde pour englober tous les continents et n’aura qu’un seul objectif : réduire, autant que faire se peut, l’influence chinoise. Mais est ce que tous les pays finiront par s’aligner sur Washington ? On peut-on douter.

Si on regarde l’Union Européenne, allié principal des États-Unis, ses membres ne perçoivent pas la Chine comme un ennemi car elle ne représente pas une menace militaire comme l’URSS hier. Certes, ils ne partagent pas avec elle les mêmes valeurs, et se permettent de la critiquer quant à sa gestion des droits humains. Cependant la Chine est, pour eux, un grand investisseur et un partenaire économique de choix avec qui ils partagent bien des intérêts. Elle peut être une rivale, mais elle n’est pas une ennemie.
C’est dans cette confrontation avec la Chine que Taïwan est devenue, malgré elle, l’épicentre d’un bras de fer entre les États-Unis et la Chine. Elle constitue un véritable thermomètre pour mesurer les rapports de force entre une puissance qui a régné sur le vingtième siècle, et l’autre qui prétend le devenir dans moins de dix ans.

Ce nouveau duel ne ressemble en rien à la guerre froide qui, jadis, opposait l’URSS aux États-Unis. Entre ces deux, le combat était idéologique et militaire avec, sur nos têtes, la menace nucléaire et des guerres par procuration aux quatre coins du monde. Ce n’est plus le cas maintenant avec la Chine, où le combat, entre ces deux géants, est d’abord économique et technologique pour la suprématie sur le monde.

Washington comme Pékin sont liés économiquement, et représentent l’un pour l’autre un grand marché. Pour cette raison, Il est peu probable qu’une confrontation militaire ait lieu entre les deux. Ces deux nations finiront par trouver un modus vivendi qui sera régi par les principes de la concurrence ouverte et le respect de valeurs humaines. Il en va de l’avenir de l’humanité qui fait face aux défis climatiques et à la pandémie Covid. Quant à Taïwan, le statuquo est pour le moment la meilleure option qui reste sur la table.

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