Une stratégie commerciale africaine sur le modèle d’Amazon

Le 8 mai 2018 à 14h29

Modifié 11 avril 2021 à 2h46

ACCRA– Lors d’un récent sommet organisé à Kigali, au Rwanda, 44 chefs d’Etat africains ont conclu un nouvel accord de libre-échange visant à transformer le fonctionnement des affaires commerciales dans la région. Si tous les Etats de l’Union africaine rejoignaient la zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA), le marché unique qui en résulterait constituerait l’un des plus étendus de la planète– couvrant 54 pays pour environ 4 000 milliards de dépenses combinées.

Sa pleine mise en œuvre demeure toutefois incertaine. Dix Etats ont en effet refusé de signer l’accord, parmi lesquels le Nigeria, l’une des plus grandes économies et l’un des pays les plus peuplés du continent africain. Si l’AfCFTA entend séduire les protectionnistes récalcitrants, il va lui falloir se structurer d’une manière qui bénéficie à tous les participants. Pour ce faire, le bloc aurait tout intérêt à s’inspirer d’Amazon, le géant du e-commerce.

Depuis sa création en 1994, Amazon a révolutionné la manière dont interagissent producteurs et consommateurs. Via la "stratégie de plateforme" qu’il applique à la vente au détail, le géant du e-commerce connecte les entreprises aux clients de manière mutuellement bénéfique. Les acheteurs peuvent facilement accéder aux produits et services, tandis que les entreprises peuvent s’adresser à davantage de clients, à moindre coût. En supprimant les barrières à l’accès, l’écosystème de plateforme d’Amazon a même donné naissance à de nouvelles entreprises et nouveaux services.

L’Afrique a besoin de sa propre stratégie de plateforme, et le nouveau marché unique peut répondre à ce besoin. Mais cinq changements clés devront d’abord s’opérer.

Pour commencer, les entreprises du continent doivent intégrer à leurs opérations des outils de type mégadonnées, algorithmes et cloud computing. Ces technologies ont permis à Amazon de bâtir une attrayante plateforme à la portée mondiale. Les entreprises d’Afrique doivent elles aussi s’engager en faveur de l’innovation, si elles entendent rester mutuellement connectées, et demeurer compétitive dans l’économie mondiale.

Deuxièmement, l’Afrique a besoin d’un meilleur accès aux marché de capitaux, pour soutenir l’innovation en matière infrastructurelle et technologique. Or, l’investissement se trouve ralenti par un manque de données économiques. Pour attirer les financements africains et étrangers, les gouvernements, entreprises et secteurs du continent doivent s’engager à améliorer les informations statistiques, et à les rendre plus accessibles dans tous les secteurs, de sorte que les investisseurs puissent évaluer les conditions du marché avec un degré satisfaisant de confiance.

Troisièmement, il est nécessaire que les économies d’Afrique s’engagent à étendre les avantages du commerce au-delà des enclaves technologiques urbaines. Pour que le nouveau système commercial soit pleinement adopté, un Cap Verdien doit pouvoir acheter des roses d’Éthiopie ou du Kenya, et un Swazilandais avoir le choix de manger du fufu ou de l’attiéké à base de manioc ghanéen ou ivoirien. Or, pour atteindre un tel niveau d’intégration, il est indispensable que les chaînes d’approvisionnement régionales et continentales soient soutenues par des infrastructures de transport et de communication fiables.

Quatrièmement, et à l’instar d’Amazon lors de son lancement il y a un quart de siècle, l’Afrique doit se concentrer sur ce qu’elle fait de mieux. Dans la mesure où de nombreuses entreprises africaines sont liées à l’agriculture, ce secteur doit servir de colonne vertébrale à tout système commercial étendu. Si les petits exploitants agricoles d’Afrique bénéficiaient d’un meilleur accès aux marchés, la croissance économique s’accélérerait naturellement, suivie tôt ou tard par l’industrialisation.

Enfin, à l’heure où les parlementaires africains affinent les détails du cadre régissant le marché unique, les négociateurs doivent constamment garder à l’esprit les besoins et intérêts des consommateurs et producteurs. Ceci implique de placer avant tout l’accent sur les petites et moyennes entreprises, qui représentent 80% des sociétés africaines. Comme l’ont démontré d’autres pays, l’amélioration de l’accès au marché pour les petites entreprises favorise la stabilité économique à long terme. Aux Etats-Unis, par exemple, les PME comptent environ deux-tiers des nouveaux emplois du secteur privé, de même qu’elles représentent en Chine près de 60% du PIB.

S’agissant des consommateurs, le marché unique africain ne décollera que s’il prend en considération la démographie. Ceci implique une interaction avec les jeunes femmes et hommes du continent, pour beaucoup sans emploi. Pour que l’AfCFTA soit largement accepté, les biens et services doivent atteindre cette catégorie d’individus, et les jeunes du continent bénéficier de meilleures opportunités d’emploi.

Parmi les plus grands défis auxquels les économies d’Afrique ont toujours été confrontées, intervient la nécessité de surmonter des volumes exceptionnellement faibles d’échanges commerciaux intracontinentaux de produits à valeur ajoutée. L’AfCFTA peut permettre d’appréhender cet impératif. En ouvrant ces économies à la libre circulation des personnes, des biens et des services, l’AfCFTA peut contribuer à dynamiser la croissance future de l’Afrique. L’accomplissement de cet objectif exigera d’adopter une approche des affaires inspirée du modèle de "plateforme" d’Amazon, et de reconnaître qu’après plusieurs décennies de protectionnisme au niveau sous-régional, l’avenir du continent sera plus prospère s’il tend vers l’ouverture commune.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

© Project Syndicate 1995–2018
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