« Voulez vous que la VO (version originale) ou la version sous-titrée ? »

C’est un Moulay Hafid Elalamy très en verve qui prend la parole au Forum du club des chefs d’entreprise France-Maroc, réuni jeudi 4 avril 2013 à Rabat. Le thème est le partenariat franco-marocain en Afrique et MHE, président du groupe Saham, intervient en tant que témoin. Saham en effet a acquis Colina (3^ème compagnie en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale et dans 15 pays) puis une compagnie angolaise de premier rang.

« J’avais commencé par m’intéresser au marché des RME. Comme tout le monde, j’ai regardé vers le Nord d’abord. J’ai demandé un agrément de compagnie en France, mais c’était trop compliqué », raconte MHE.

« J’ai ensuite trouvé une petite compagnie française à racheter et je voulais la positionner sur le marché des RME. Les autorités ont demandé des garanties. Nous avons donné la garantie de la société mère. Ils ont demandé la garantie de la grand-mère. J’ai accepté. On m’a alors demandé une garantie personnelle. »

« Nous  nous sommes tournés vers l’Afrique. Le Maroc est perçu en Afrique comme le grand frère, nous avons été reçus à bras ouverts, nous avons d’ailleurs rencontré des acteurs que l’on ne soupçonnait pas, l’Inde, la Chine, le Royaume Uni, achètent des terres à grande échelle au Congo, en Ethiopie, au Soudan, à Madagascar », raconte MHE qui explique que si l’on doit y aller, il faut le faire d’une manière pragmatique, et pas parce que l’on considère quelque part que les entreprises qui ne pensent pas à l’Afrique sont has been.

« L’Afrique n’est ni un continent mort, ni une opportunité exceptionnelle», raconte-t-il. En d’autres termes, «il y a des potentialités extraordinaires mais il y a des difficultés qu’il ne faut pas oublier, l’instabilité, le manque de transparence, l’infrastructure ».

Le Maroc, relève-t-il, était pour les subsahariens, une terre de transit vers la France, il est devenu pour eux une destination. Il est aujourd’hui une terre d’accueil pour l’émigration africaine et également pour les études.

L'Afrique, indispensable à la sécurité alimentaire mondiale

D’autres chefs d’entreprises marocains ou français (installés au Maroc) rapporteront pendant trois quarts d’heure, leurs expériences de terrain. Mostafa Terrab, président du groupe OCP est un excellent connaisseur de l’Afrique, un continent auquel il croit avec une sorte de ferveur depuis plusieurs années.

En 2007, OCP exportait 50.000 T d’engrais en Afrique subsaharienne. En 2012, 500.000 Tonnes. Il faut changer de perception de part et d’autre, « c’est ce que nous avons fait ». Ce n’est pas un problème de marché mais de perception. Mostafa Terrab évoque une question stratégique, celle de la sécurité alimentaire mondiale, inconcevable sur le moyen terme sans les engrais et les terres arables africaines ; car il y aura deux milliards de bouches supplémentaires à nourrir alors que le besoin en terres agricoles sera nettement supérieur aux disponibilités. « En matière de fertilisation, l’agriculteur africain n’utilise que le sixième des quantités d’engrais utilisées par l’agriculteur indien, lequel utilise le tiers par rapport au chinois ». C’est dire.

Une image forte surgit dans le propos de Mostafa Terrab : la Méditerranée est un espace qui nous unit, et pas un espace qui nous sépare, ont recommandé nos deux Chefs d’Etat. Par analogie, le Sahara n’est pas un espace qui sépare le nord et le sud de l’Afrique mais un espace qui les unit.

Mohamed Kettani, président d’Attijari, dirige un groupe pionnier qui est sorti très tôt des frontières: l’Afrique reprend confiance, les indicateurs sont éloquents, le taux de croissance est de 6%, le milliard d’habitants doublera d’ici 2030, cent milliards de dollars seront investis dans l’infrastructure dans les dix ans à venir,… Et Attijari, alors ? Le groupe a racheté 11 banques, dans 11 pays africains, qui représentent aujourd’hui 25% de son chiffre d’affaires consolidé et 15% du résultat net part de groupe.

Ali Fassi Fihri, DG de l’ONEE, exposera également une passionnante épopée africaine, qui contrairement au foot, est faite de souvenirs magnifiques, de générosité, de réalisations. «Nous sommes dans une relation affective, mais les affaires viennent peu à peu ». L’ONEE a commencé par l’assistance à plusieurs pays africains. « Avec les grands groupes européens, nous nous sommes un peu marché sur les pieds, lorsque nous avons commencé à remporter des contrats dans l’eau, l’assainissement et l’électricité ». L’ONEE aide aujourd’hui à améliorer les services publics dans plusieurs pays africains et le regard de son DG brille lorsqu’il évoque une prochaine interconnexion des réseaux avec la Mauritanie et le Sénégal, ce qui permettra à ces derniers de développer le solaire et l’éolien.

Nous apprenons aussi que plusieurs entreprises françaises ont déjà fait du Maroc une plateforme vers l’Afrique, on disait un hub jusque récemment, avant que ce terme ne passe de mode : Sofiprotéol, actionnaire de référence de Lesieur Cristal ; Accor à travers Risma ;  Sanofi à travers Maphar ; et bien sûr Vivendi qui n’aurait jamais eu cette réussite en Afrique sans Maroc Télécom… et qu’il s’apprête curieusement à céder.