Analyse du discours officiel

Suite à l’annonce du gel de 15 milliards de dépenses d’investissement, plusieurs membres du gouvernement sont montés au créneau pour tenter de le justifier. Un décryptage des raisons avancées est donc nécessaire pour éclairer le débat.  

Analyse du discours officiel

Le 18 avril 2013 à 6h55

Modifié 18 avril 2013 à 6h55

Suite à l’annonce du gel de 15 milliards de dépenses d’investissement, plusieurs membres du gouvernement sont montés au créneau pour tenter de le justifier. Un décryptage des raisons avancées est donc nécessaire pour éclairer le débat.  

S’il est vrai que la réduction des dépenses d’investissement, toutes choses égales par ailleurs, réduit de fait mécaniquement les dépenses totales et donc le montant du déficit à financer, cette analyse « à la hussarde » est bien réductrice.

Réduire des dépenses d’investissement maintient le déficit public à un niveau finançable

L’impact sur l’économie n’est pas le même selon que le déficit sert à financer des dépenses courantes – c’est-à-dire le fonctionnement de l’Etat – ou des dépenses d’investissement, qui sont moteur de croissance. Selon les modèles de croissance endogène récents, ce sont les dépenses publiques d’investissement en infrastructure qui ont un impact positif sur la croissance en stimulant la productivité du secteur privé. Ce gel, qui représente tout de même un quart des dépenses prévues, ne risque-t-il donc pas d’hypothéquer la croissance des années à venir en retardant des investissements nécessaires ? Si la situation économique exige que l’Etat se serre la ceinture, ne serait-il pas préférable que l’effort porte aussi, pour ne pas dire surtout, sur les dépenses de fonctionnement ?

Un gel pour consacrer les principes de bonne gestion des finances publiques

Selon la formule d’Emile de Girardin, « gouverner c’est prévoir » et a fortiori dans le domaine des finances publiques. Les budgets publics annuels, et particulièrement les budgets d’investissement, s’inscrivent dans le cadre de programmes pluriannuels de moyen terme (plus connus dans le jargon des économistes sous le nom de CDMT, cadre de dépenses à moyen terme). Ces programmes reposent sur des stratégies sectorielles déterminant des objectifs à atteindre à moyen terme et les efforts à fournir annuellement, en matière d’investissement notamment, pour y parvenir. Venir nous dire tout juste trois mois après le commencement de l’exécution du budget que le gel d’un quart des investissements annuels prévus est une mesure de bonne gestion des finances publiques est une pilule difficile à avaler. Dès lors, de deux choses l’une, soit les budgets annuels d’investissement ne sont pas liés aux stratégies sectorielles de moyen terme – et dans ce cas le capitaine du navire n’a pas de cap précis, mais navigue à vue – soit les stratégies définies sont trop ambitieuses au regard de la capacité d’investissement du pays. Dans ce second cas, il convient de les redéfinir. Mais cela doit se faire dans le cadre concerté de la loi de finance et non dans un décret d’application, quand bien même ladite loi permet le gel des investissements par décret. Il en va de la bonne gestion des finances publiques.

Surseoir à l’exécution des dépenses pour en améliorer la programmation

Le gel des 15 milliards d’investissement serait indolore dans la mesure où il serait de toute façon inférieur aux crédits reportés de l’exercice fiscal 2012 (qui s’élèveraient à 21 milliards). En réduisant ainsi les investissements on en fluidifierait l’exécution, tout en améliorant la programmation. La problématique liée à la programmation a déjà été développée dans le point précédent. Quant à la fluidification de l’exécution des dépenses elle est davantage liée aux procédures régissant le circuit de la dépense qu’au montant de cette dépense. Et l’argument est d’autant moins pertinent pour l’exercice fiscal en cours que, selon le bulletin mensuel de statistiques des finances publiques publié par le Ministère des Finances, le taux d’engagement des dépenses d’investissement était de 18% à la fin février, avec un taux d’émission sur engagement de 95%. Ce qui après 2 mois seulement d’exercice budgétaire est honorable.

Mais au-delà des aspects économiques, la vraie question posée par cette décision est la suivante : peut-on aujourd’hui en démocratie légiférer par décret pour une question aussi importante qu’une réduction de 25% des dépenses d’investissement ? N’est-ce pas pour reprendre l’expression d’un humoriste célèbre « la porte ouverte à toutes les fenêtres » ?


 

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