L'Algérie devient premier acheteur d'armes en Afrique

Le budget algérien de la Défense est passé de 2,2 milliards de dollars en 2003 à 10,3 milliards de dollars en 2013. Les dépenses militaires du pays voisin représentent désormais 4,5% du PIB et plus de 19% des dépenses du budget général de l’Etat. Contre qui s'arme Alger?

Le chasseur Soukhoï Su-30 de l'Armée de l'air russe a montré de grosses lacunes, en étant notamment vulnérable aux missiles Manpads et étant sous-équipé.

L'Algérie devient premier acheteur d'armes en Afrique

Le 2 septembre 2013 à 16h05

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Le budget algérien de la Défense est passé de 2,2 milliards de dollars en 2003 à 10,3 milliards de dollars en 2013. Les dépenses militaires du pays voisin représentent désormais 4,5% du PIB et plus de 19% des dépenses du budget général de l’Etat. Contre qui s'arme Alger?

Elles devancent les budgets de chacun des autres ministères, faisant de ce pays le 1er en Afrique et le 7e au monde pour ce qui concerne les achats d’armements conventionnels.

Devant l’ampleur de ces dépenses et de ces acquisitions, il y a lieu de se demander : contre qui s’arme l’Algérie?

L’attaque terroriste de Aïn Amenas a montré récemment que l’armée algérienne avait besoin de réformes pour aller vers davantage d’efficacité.

Une étude qui vient d’être publiée en France nous éclaire sur le processus en cours et le pourquoi de ces dépenses militaires exponentielles. Selon cette étude, les objectifs affichés par l’Etat algérien en matière de politique de défense n’ont pas varié : pas d’intervention en dehors des frontières*; défense des frontières

Cette étude est publiée par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) qui est un think tank indépendant créé en 2000 et dirigé par Eric Denécé. L’étude est signée de Laurence Aïda Ammour, chercheure associée au Center for International Affairs de Barcelone (CIDOB) et consultante en sécurité internationale et défense pour les régions du Maghreb, du Sahel et d'Afrique de l'Ouest.?

Le «polisario» a été intégré par la chercheure dans l’inventaire qu’elle dresse de l’armée algérienne**.

Lutter contre le terrorisme, défendre les frontières, protéger le territoire national

Les missions et la doctrine militaire n’ont pas varié. On y a ajouté la protection des frontières contre les trafics en tous genres, dont le trafic de drogue et la contrebande d’armes et aussi la lutte anti terroriste, devenue l’une des missions les plus importantes de l’armée selon Laurence Aïda Ammour.

L’auteure relève que le contre-terrorisme relève désormais de l’armée qui coiffe toutes les structures chargées de cette mission. Elle précise également que le contrôle des frontières très étendues du pays va être appuyé par des systèmes de surveillance électronique actuellement en négociation et que la sécurisation des champs gaziers et pétroliers devient une priorité.

Hormis la frontière marocaine, la menace terroriste est désormais présente un peu partout, et même aux frontières de l’ex-paisible Tunisie, ceci en plus des frontières malienne, nigérienne et libyenne. Cette menace mobiliser en permanence un effectif de plusieurs dizaines de milliers de militaires, entre 60.000 et 100.000 selon les sources.

Sur le plan des dépenses, l’armée algérienne est devenue la plus gourmande du Maghreb (54% des dépenses des cinq pays) et le premier acheteur d’Afrique.

Dépenses militaires de l'Algérie, 2003-2012

 

 

Années

 

En dollars courants (millions)

En dollars constants (millions)

[2011 année de base]

 

Pourcentage du PIB

2003

2 206

3 152

3,3

2004

2 802

3 585

3,3

2005

2 925

3 753

2,8

2006

3 094

3 847

2,6

2007

3 946

4 514

2,9

2008

5 172

5 259

3

2009

5 281

5 712

3,8

2010

5 671

6 045

3,5

2011

8 652

8 652

4,4

2012

9 325

9 104

4,5

Source : SIPRI (cité par CF2R)

 

Evolution de la part allouée au poste Défense par rapport à d'autres postes budgétaires, 2010-2013 (%)

 

Postes budgétaires

Année fiscale 2010

Année fiscale 2011

Année fiscale 2012

Année fiscale 2013

Défense

14,8

15,04

15,69

19,04

Intérieur

13,6

12,21

13,5

13,06

Affaires étrangères

1

0,8

0,6

0,7

Education

13,7

16,5

11,81

14,49

Santé

6,8

6,63

8,71

7,07

Enseignement supérieur

6,11

6,19

6,01

6,1

Source : CF2R

 

Où va l’argent ? Essentiellement à la modernisation et à la professionnalisation des forces armées, selon l’étude. Il s’agit de remplacer des équipements russes devenus obsolètes et de mettre sur pied des programmes ciblés d’entraînement et de formation.

Qu’est ce qui est acheté ? Une lecture de cette étude, comme des revues spécialisées dans le domaine militaire, montre que l’Algérie achète de tout, et du plus performant quand c’est possible.

Sur le papier, les commandes concernent le nec plus ultra :

-auprès de la Russie : 44 avions de chasse Su-30MKA, 2 sous-marins Project-636, 3 S-300PMU-2 (SA-20B) systèmes de missiles surface-air de longue portée (SAM), 185 chars T-90S, ainsi que des systèmes de défense aérienne de type S-300 PMU2 ;

-pour la marine, frégates et corvettes chinoises, allemandes et russes ;

-une plateforme de débarquement naval pouvant faire office également porte hélicoptères ;

-Auprès des Américains,  8 avions de transport Lockheed C-130, et un système de contrôle    aérien de communication de chez Harris ainsi qu’un satellite d'observation militaire;

- avec l'Allemagne: deux frégates Thyssen Krupp Marine Systems, six hélicoptères anti-sous-marins Agusta Westland (mars 2012) et 54 véhicules militaires Fuchs. Le contrat comprend la formation des officiers algériens par la marine allemande (2013-2017), ainsi que la fourniture d'équipements électroniques aux gardes-côtes.

La liste en fait est très longue.

Un journal algérien a même laissé entendre la possibilité d’acquisition de chasseurs SU-35 qui selon lui, sont supérieurs au futur F-35 américain.

La diversification est frappante, mais le cœur du dispositif, de l’organisation et des méthodes des forces armées restent soviétiques.

Autre point important : la volonté de mettre en place une véritable industrie de l’armement.

L’étude fournit une évaluation de l’industrie de la défense algérienne : 9,4 milliards de dollars de production, valeur actuelle, car il ne s’agit que de licences pour fabriquer des armes légères russes ou chinoises, fusils d’assaut et lance roquettes. Selon la même source, elle atteindrait 13,6 milliards de dollars en 2017.

Les nouveaux projets, des joints venture avec divers pays, concernent la production de véhicules industriels, des véhicules de transport et des blindés.

A partir de là, deux questions sont posées par des experts que nous avons consultés dans différents forums et revues spécialisés :

-quelles sont les limites de cette expansion des dépenses et des équipements militaires algériens? On cite alors le transfert de technologie, le fait que l’industrie de l’armement soit très concurrentielle dans le monde et enfin, la capacité des forces algériennes, qui ont gardé le moule soviétique, à devenir plus souples, plus efficaces, en un mot plus performantes.

-la seconde question coule de source, mais elle n’est pas l’objet de cet article : quid du Maroc ?

L’armée algérienne, dotée de ce budget conséquent, est considérée comme la plus puissante du Maghreb sur les plans des capacités et des équipements. Mais c’est l’armée marocaine qui est considérée comme la meilleure sur le plan qualitatif et la plus opérationnelle, selon plusieurs sources professionnelles internationales.  L’effort d’armement marocain, plus discret, est plus technologique, et s’appuie fortement sur une organisation et des hommes compétents, sur bien formés, capables d’initiatives, de souplesse, d’efficacité et d’inventivité. L’histoire militaire en témoigne.

*Il y a eu le cas d’Amgala : 120 soldats algériens capturés par les FAR en plein Sahara marocain, à 266 km des frontières algériennes, en 1976. Ils n’y faisaient pas du tourisme.

**L’auteure s’en explique : «Si le Polisario figure dans cet inventaire, c'est parce qu'il fait partie des forces équipées et financées par l'Algérie. Malheureusement il est difficile d'en savoir plus sur les montants exacts alloués au Polisario, sujet pour le moins confidentiel.»

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