Smala & Co, première plateforme de crowfunding destinée au Maroc

La première plateforme d’appel public aux dons ciblera les startups et les entrepreneurs culturels. Elle va être binationale, maroco-française, les fonds étant destinés au Maroc, comme "subventions à l’investissement". Dans les pays industrialisés, cette pratique devient populaire.  

Smala & Co, première plateforme de crowfunding destinée au Maroc

Le 24 avril 2014 à 11h11

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

La première plateforme d’appel public aux dons ciblera les startups et les entrepreneurs culturels. Elle va être binationale, maroco-française, les fonds étant destinés au Maroc, comme "subventions à l’investissement". Dans les pays industrialisés, cette pratique devient populaire.  

Né lors du déclenchement de la dernière crise financière, l’appel public aux donations est devenu populaire et a séduit particuliers, ONG et entreprises dans les pays développés. Aujourd’hui, il se fraie, tant bien que mal, un chemin dans les pays en voie de développement.

La tradition ancestrale consistant-pour les besoins d’un projet ou pour affronter une difficulté- à collecter des dons entre familles, entourage proche ou travailleurs d’entreprises semble être devenue un modèle parfaitement soluble dans le système financier international. En 2009, cette pratique a été un amortisseur du choc de la crise et ses conséquences sur l’accès aux crédits ou aux subventions publiques.

Face au durcissement des conditions d’octroi des crédits, des coupes dans le budget d’un hôpital ou d’une université, entreprises, chercheurs, créateurs, artistes et scientifiques ont eu recours aux plateformes d’appel public à la générosité dont le point fort est l’atomisation des pourvoyeurs de fonds et, par conséquent, celle du risque dans le cas d’un placement. 

Le crowdfundig est devenu un  métier: des plateformes ont pullulé sur la toile ces 5 dernières années: 314 aux Etats-Unis et 150 en Europe. En 2013, ce mode de financement a totalisé quelque 4 milliards de dollars. Dans une étude publiée début 2013, la Banque mondiale projette son potentiel à 300 milliards USD dans le moyen terme.  

Selon l’institution de Breton Woods, les opportunités de développement du crowdfunding dans les pays en voie de développement, région Mena en tête, sont importantes, et la réforme des législations dans ce sens est nécessaire. Elle précise par ailleurs que le taux de fraude dans ce secteur reste très bas quand des réformes sont opérées afin d’éviter les contournements des dispositions en vigueur.

Maroc. Opportunités et freins

Le Maroc, dont le système financier souffre d’un assèchement de liquidités et d’un accès de plus en plus difficile aux financements, accuse un grand retard par rapport à d’autres pays de la région Mena, où 7 plateformes de crowdfunding ont vu le jour, dont une basée sur les principes de la finance islamique.

Selon l’économètre Zouhair Aït Benhammou, “cette nouvelle forme d’investissement, basée sur l’utilisation intensive d’internet comme outil de promotion et d’attraction d’investisseurs ou de donateurs potentiels permet non seulement le financement de projets dont le profil serait rejeté par le circuit de financement bancaire classique, mais aussi de fournir à des communautés enclavées des moyens de financement leur permettant de réaliser des projets d’utilité publique propres à améliorer leurs conditions de vie”.

Aït Benhammou qui anime le blog spécialisé The Moorish Wanderer, a publié une simulation basée sur une hypothèse d’injection de 10 milliards de DH dans le circuit économique marocain via crowdfunding : ” Par exemple, un crowdfunding capable de mobiliser 10 Milliards de DH génèrera directement 26 milliards de biens et services produits en plus de la croissance tendancielle du PIB, sur les 5 prochaines années si la législation du Crowdfunding est présentée cette année”.

Cette année? Pas sûr, l’optimisme de Zouhair Aït Benhammou n’a d’égal que l’immobilisme des autorités.

L’insensibilité des membres de l’appareil législatif risque de creuser le manque à gagner pour le Maroc, en atteste le jeune parlementaire PAM, Mehdi Bensaid: “j’essaie d’ouvrir une discussion sur la base de demandes et de concertations préalables avec des membres de la société civile, mais peu de députés semblent mesurer l’importance d’une telle mise à niveau législative”.

On en est là, et la lourdeur des procédures administratives est telle qu’il est impossible de prendre une initiative similaire à celles lancées dans d’autres pays et qui ont donné lieu à des projets à la fois innovants et présentant moins de risques pour ceux qui les financent.

Par exemple, la loi régissant le recours des associations aux appels aux dons, stipule que l’association doit présenter une demande au gouverneur ou au wali 15 jours avant pour un appel local à la générosité, et carrément au Secrétaire général du gouvernement, si la sollicitation couvre tout le territoire national. Ce n’est pas tout: “Ladite demande qui doit préciser la nature de la manifestation, la destination des fonds à collecter, ainsi que la date et le lieu de son déroulement est transmise par le wali de la région ou le gouverneur concerné au secrétaire général du gouvernement(...) Après examen de la demande(..), le secrétaire général du gouvernement décide, le cas échéant, l'octroi de l'autorisation d'appel à la générosité publique. Cette décision est notifiée aux autorités gouvernementales chargées respectivement de l'intérieur, des finances et de la communication” précise la loi 004 –71 adoptée en 1971.

Outre l’autre frein légal lié aux fonds provenant de l’étranger, par lequel il est formellement interdit de financer les associations et les médias, le crowdfunding rend la frontière très floue entre appel public aux dons et appel public à l’épargne, dans le sens où le financement non-philanthropique domine de plus en plus ce mode de financement, invitant inévitablement l’autorité des marchés financier à intervenir.

Une tentative

Et pourtant, malgré la lourdeur des dispositifs juridiques, il y en a qui sont assez fous pour plonger la tête la première dans l’aventure du crowdfunding en territoire marocain.

Arnaud Pinier, consultant en management et entrepreneur culturel revient de France pour s’installer à Rabat et y lancer, avec un associé, la première plateforme crowdfunding au Maroc.

Baptisée Smala & co, celle-ci sera binationale, et le gros du travail se fera en France; une antenne marocaine se chargera de redistribuer les fonds récoltés aux porteurs de projet.

Dans un premier temps, les paiements se feront par comptes en devises, Pinier cible les Marocains résidents à l’étranger mais aussi ceux disposant d’une carte de paiement en Dirhams convertibles.

Il cible dans un premier temps les startups et les entrepreneurs culturels, les fonds récoltés seront distribués comme “subventions à l’investissement”.

“Notre modèle est prêt, malgré toutes les dispositions légales au Maroc, il y a moyen de s’organiser” affirme-t-il dans des déclarations à Médias 24. “Nous avons vérifié auprès du fisc, ces subventions seront exonérées de TVA” poursuit-il.

Arnaud Pinier connaît le grand défaut que présentera son activité, une fois lancée : “le fait que nous soyons basés à l'étranger fera que sur chaque collecte, nous prélèverons un taux global (frais monétiques et frais de change / transfert de fonds et commissions) autour de 10% mais notre ambition à terme, est de forcer, comme cela a été le cas en France, les autorités à légiférer sur le sujet et nous installer au Maroc pour diminuer le taux global et le ramener sur des standards de place autour de 7-8%”.

Smala & Co sera lancé, si tout va bien, le 1er juin prochain. En attendant, les Marocains ne se privent pas non plus de profiter du crowdfunding. Plusieurs porteurs de projets nationaux ont lancé des campagnes dans des plateformes internationales, dont plusieurs artistes, en espérant que la pression que mettra la multiplication du recours à la générosité étrangère accélèrera une prise de décision afin de réformer les lois.

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