Abdellah Chaqroun et Amina Rachid: Un couple mythique raconté par ses proches

Tous ceux qui ont côtoyé ce couple hors du commun le qualifient de mythique, tellement ils étaient subjugués par la grande complicité qui s'était établie au fil des années entre les deux époux. Et ce malgré une différence de caractère qui ne les empêchait pas de vivre en symbiose. Témoignages.   

Abdellah Chaqroun et Amina Rachid: Un couple mythique raconté par ses proches

Le 18 novembre 2017 à 10h42

Modifié 11 avril 2021 à 1h22

Tous ceux qui ont côtoyé ce couple hors du commun le qualifient de mythique, tellement ils étaient subjugués par la grande complicité qui s'était établie au fil des années entre les deux époux. Et ce malgré une différence de caractère qui ne les empêchait pas de vivre en symbiose. Témoignages.   

>Jamal Chaqroun, fils de Abdellah Chaqroun et Amina Rachid.   

"Un pygmalion, voilà ce qu’était mon père pour ma mère. Il a été d’ailleurs le pygmalion de toute la troupe qu’il a dirigée de longues années durant avant d’arrêter d’écrire des pièces de théâtre en 1967.

"En avril dernier, mes parents ont fêté 65 ans de mariage. Par la grâce de Dieu, ils sont restés en symbiose jusqu’au dernier souffle de mon père. Le soir de son départ, ils ont comme d’habitude dîné ensemble. Mais vers 23H, il  lui a demandé pardon puis lui a annoncé qu’il allait partir. Il s’est allongé tout de suite après, ils se sont donné le dos et prononcé la chahada ensemble avant que mon père ne quitte ce monde. 

"Ce n’est pas un couple fusionnel dans le sens moderne du mot. Mais dans le sens où au regard, ils se comprenaient. Ils n’ont pas été dépendants l’un de l’autre mais se sont construits ensemble, formant un couple très moderne, ouvert et progressiste, contrairement à l’image que s’est fait le public d’eux.  

"Quand ils se sont mariés, mon père avait 26 ans, ma mère en avait 16. C’est lui qui l’a initiée au théâtre. Et c’est lui qui lui a donné son nom de scène: Amina Rachid.

"Ma mère n’a pas la langue dans sa poche. Lui, homme intelligent a compris que c’est dans l’expression qu’elle allait s’épanouir, pas seulement sur le plan artistique, mais aussi dans vie de tous les jours en ayant le verbe libre.

"Il y avait un amour et un respect parfait entre eux et tous deux avaient une qualité extraordinaire: l’humour qu’ils cultivaient au quotidien. Elle parce que c’est une seconde nature chez elle et lui parce qu’il raisonne toujours au troisième degré.

"Cet humour nous a construits en tant qu’enfants. Le jour de sa mort, lui et moi avons déjeuné ensemble et passé trois heures à rire. Me dire que quelques heures avant sa mort, on riait tous les deux aux éclats me réconforte.

"Mon père était un homme aux multiples facettes. Les gens le connaissent en tant qu’écrivain et dramaturge, mais il a été également premier violon au conservatoire, érudit sur l’histoire du Maroc…  

"Il écrivait tous les jours. C’était sa passion. Il nous écrivait à nous aussi ses enfants.

"Il y a trois mois, il m’a écrit une lettre disant qu’il était au crépuscule de sa vie et qu’il voulait que je m’occupe de trois choses: ma mère, mon frère et ma sœur et ses livres. Les livres étaient son quatrième enfant.

>Nabil Benabdellah, SG du PPS et ancien ministre, ami proche de la famille.

"J’ai eu l’immense privilège de connaitre Si Abdellah Chaqroun et Khalti Jamila Benomar (NDLR: Amina Rachid est son nom de scène) et précisément comme l’appelait ma défunte mère Jamila Omara, son amie la plus intime depuis 70 ans.

"Leurs enfants, moi-même, mes frères et ma sœur fréquentions la même école primaire: Saint Exupéry, devenue depuis un collège de la mission française. Notre école se trouvait à mi-chemin entre la maison des Chaqroun et la nôtre dans la Cité administrative –Aviation-.

"Nous nous fréquentions à l’école, chez eux et chez nous. Il arrivait souvent que nos parents se rencontrent, beaucoup plus nos mères, les pères également à chaque fois que cela était possible. Les rencontres entre femmes étaient celles de femmes modernes. Elles sortaient avec leurs maris, allaient au restaurant, conduisaient même si Khalti Jamila ne l’a fait qu’un peu plus tard… 

"Les papas se retrouvaient plus sur des sujets littéraires, culturels, des discussions à bâtons rompus sur la chanson marocaine, le théâtre, la poésie, l’écriture…

"Il m’a été donné de constater combien ce couple était moderne et moderniste. Cela ne devait pas être évident à l’époque d’avoir une épouse qui était dans une troupe de théâtre dont le mari écrivait les pièces.

"Abdellah Chaqroun était un homme qui croyait en le rôle de la femme dans la société, le développement de son pays. Avec un imaginaire extraordinaire, il a introduit ces valeurs dans ses textes.

"Il ne passait pas une journée où Abdellah Chaqroun n’écrivait pas. Il le faisait d’une manière traditionnelle: feuilles blanches, stylo et papiers calques. Il écrivait aussi bien des pièces de théâtre que des romans, poèmes, fictions, sujets extrêmement fouinées et techniques.

"Il écrivait en arabe mais maîtrisait parfaitement le français. Lorsqu’il voulait parler de choses sérieuses avec ses enfants, il leur écrivait. Il le faisait en français pour qu’ils en saisissent chaque mot, chaque message.  

"C’était un homme gentil, affable, courtois et d’une immense modestie, un puits de savoir aussi. Son savoir n’avait d’égal que son immense modestie et sa gentillesse. Je vous le dis avec beaucoup d’émotion.

"Quand mon père est décédé en 1990, il m’a choyé dans mon parcours, notamment politique. Lorsque j’ai été ministre de la communication, le couple était souvent aux petits soins. Même dans les épreuves les plus difficiles, ils ont été présents, protecteurs et bienveillants. C’est le cas avec tout leur entourage.

"Lui en particulier, Khalti Jamila est plus "brute de décoffrage". Elle est directe, théâtrale dans tout ce qu’elle fait, mais derrière tout cela, il y a beaucoup de bienveillance, d’amour et d’humour.

"Un couple fusionnel? Pas dans le sens qu’on lui donne aujourd’hui. Une grande complicité, je dirais. Le sens de la tradition et du respect, même si le couple était très moderne. Elle l’appelait toujours Si Abdellah. Dans le «Si»,  il ya tout ce qu’on met dedans en tant que Marocains. 

>Fikry Benabdellah, architecte, frère de Nabil Benabdellah.

"Quand on les a connus tous les deux, Si  Abdellah et Khalti Jamila, il était très difficile après de les dissocier. Ils formaient un tronc unique. Autant elle était dans le monde extérieur de par ses voyages, ses représentations, autant lui était reclus dans son bureau pendant des heures, mais dès qu’ils étaient invités, ils constituaient le centre du monde. A l’intérêt scientifique et historique des propos de Abdellah Chaqroun, ses phrases étaient émaillées de blagues, anecdotes et c’est ce qui faisait la force de son propos. C’était magique. 

"Si d’autres comme Taieb Seddiki ont à la fois été dans l’écriture et la démonstration, lui a été derrière beaucoup de talents qui ont éclos grâce à lui. Il ne s’est jamais départi de sa nature profondément artistique, humaine quel que soit le poste qu’il occupait.

"Mon frère Nabil se targue d’avoir eu une relation très proche avec lui. Mais j’ai eu aussi ma part de bonheur. En tant qu’architecte, il était intéressé par mon travail. Un coup de blues  ou une réflexion sur un fragment de projet… et me voilà qui quittais l’agence pour le rejoindre chez lui. Nous nous isolions dans le salon et parlions de choses et d’autres, de Rabat, Salé… étant d’une culture rayonnante, il aimait l’architecture.

"Le pays a perdu un grand homme et j’espère que les responsables, lui rendront l’hommage qu’il mérite.

>Latéfa Ahrrare, comédienne.

"Lors de leur passage dans l’émission Naghma w Atay, Abdellah Chaqroun et Amina Rachid m’ont choisie pour les interviewer.

"Abdellah Chaqroun aimait parler culture, s’intéressait beaucoup à la jeunesse marocaine. C’était l’un des pionniers de la radio, de la télé et de l’écriture dramatique. Il était très discret.

"Sa grandeur est d’avoir mis au devant de la scène une grande dame, son épouse, dans notre société où généralement les hommes sont jaloux du succès de leurs épouses.

"C’est lui qui lui a choisi son nom de scène. Un nom artistique facile à retenir à l’instar de ce qui se faisait en Egypte.

"Ils se sont retrouvés. Elle a une certaine légèreté qui ne l’empêchait pas d’avoir également beaucoup de profondeur. Elle s’appuyait sur lui, prenait conseil. Mais elle l’appuyait également.  

"Sa pensée écrite et son travail sont là. Je suis professeur à l’ISADAC, ses livres sont dans la bibliothèque de l’Institut.

"Je souhaite que son nom soit donné à un théâtre, l’un des studios de la SNRT, une avenue. Même ceux qui ne l’ont pas connu de son vivant auront ainsi l’occasion de connaitre ce grand homme".   

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