Migration: Comment le Maroc doit gérer la libre circulation des personnes en cas d'adhésion à la Cedeao(IRES)

Le Maroc a fait sa demande d’adhésion à la CEDEAO en février 2017. L’entrée en vigueur de l’admission nécessitera beaucoup de temps, de négociations et de préparation. Dans un nouveau rapport sur la migration africaine, l’Institut royal des études stratégiques se penche sur les enjeux de la libre circulation des personnes au sein de la Cedeao et les moyens pour le Maroc de la réguler et d’en tirer bénéfice.

Migration: Comment le Maroc doit gérer la libre circulation des personnes en cas d'adhésion à la Cedeao(IRES)

Le 22 janvier 2019 à 12h15

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

Le Maroc a fait sa demande d’adhésion à la CEDEAO en février 2017. L’entrée en vigueur de l’admission nécessitera beaucoup de temps, de négociations et de préparation. Dans un nouveau rapport sur la migration africaine, l’Institut royal des études stratégiques se penche sur les enjeux de la libre circulation des personnes au sein de la Cedeao et les moyens pour le Maroc de la réguler et d’en tirer bénéfice.

Le rapport de l'IRES fait une analyse détaillée de la situation migratoire en Afrique et formule des recommandations pour remédier aux causes profondes des problèmes de la migration dans le continent.

Dans cet article, c'est la question de l'adhésion future du Maroc à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et son impact sur l'évolution des flux migratoires vers le Royaume qui est traitée.

La libre circulation des personnes au sein des 15 Etats membres de la CEDEO est importante. Cette communauté accueillait en 2017 plus de 6 millions de migrants dont 95,5% issus d’autres Etats membres. Toutefois, compte tenu d’une population de 368 millions de personnes, les migrants ne représentent que 1,56% du total.

Trois pays membres accueillent le plus de migrants : la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Nigéria.

Les Burkinabés, les Maliens, les Ivoiriens et les Béninois sont ceux qui migrent le plus au sein de la communauté.

La concentration des migrants dans certains pays est moins liée à leur attractivité économique qu’à leur statut d’aire d’attente ou de regroupement en vue d’une émigration à venir vers le nord, souligne en substance l’IRES.

En cas d’adhésion à la CEDEAO, le Maroc risque de subir une augmentation des flux migratoires issus des autres Etats membres. Les facteurs déterminant cette évolution concernent aussi bien le Maroc que le reste de la communauté et sont de nature démographique, économique, sociale, politique, géostratégique…

Selon les Nations unies, à peine 2.858 migrants CEDEAO étaient comptabilisés au Maroc en 2017. « Ces données ne concordent pas avec celles relatives à l’opération exceptionnelle de régularisation de la situation de 25.000 migrants irréguliers au Maroc en 2014 (…) Ces "discordances" soulignent une fois de plus les insuffisances que connaissent les systèmes de collecte des données relatives à la migration en général et la migration africaine en particulier », souligne le rapport de l’IRES.

On ignore donc le nombre exact de migrants CEDEAO établis au Maroc.

L’évolution des flux migratoires vers le Maroc dépendra, entre autres, de :

La croissance démographique : elle est beaucoup plus forte dans les pays de la CEDEAO qu'au Maroc.

L’évolution économique : si la croissance dans les pays de la CEDEAO est accompagnée d’une sophistication des secteurs productifs (robotisation, importation de machines...), elle ne permettra pas d’absorber les travailleurs, ce qui favorisera l’immigration.

L’évolution sociale : si les pays classés par le PNUD dans la catégorie « développement humain faible » peinent à se situer rapidement dans la catégorie « développement humain moyen », les migrations irrégulières dangereuses ne faibliraient pas. Le Maroc a un rôle à jouer dans cette évolution dans le cadre de sa stratégie de coopération Sud-Sud.

Trois scénarios d'évolution des flux migratoires

L’IRES a établi trois scénarios d’évolution des flux migratoires à partir des Etats de la CEDEAO vers le Maroc :

- Le scénario médian ou du statu quo:

Les politiques socio-économiques africaines ne changent pas radicalement. Elles injectent des taux de croissance comme prévu par la Banque mondiale sur la période 2017-2020 et maintiennent le même niveau de développement social et humain bas et les mêmes inégalités, au détriment de la majorité de la population au sein de la Communauté, au Maroc et chez ses voisins du Sud et de l’Est.

Peu importe que le Royaume soit admis ou non à la Communauté, la même tendance migratoire observée sur la période 1990-2017 continue.

- Le scénario optimiste:

L’Afrique, la CEDEAO et le Maroc posent les bases solides d’un développement autonome durable.

D'une part, les recommandations du Rapport Kagame sur la réforme institutionnelle de l’UA, adoptées au dernier sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de gouvernement africains (novembre 2018) sont mises en œuvre comme décidé et avec célérité. D'autre part, grâce à l’Agenda africain pour les migrations proposé par le Roi Mohammed VI, le Maroc devient membre de la Communauté ouest-africaine ou s’y associe et y joue un rôle de catalyseur à ce point de vue. Les résultats de la Conférence internationale pour l’adoption du Pacte mondial sur des migrations sûres, ordonnées et régulières sont appropriés, conformes aux attentes du continent.

La circulation des ressortissants des Etats membres de la Communauté s’instaurerait alors progressivement, conformément aux objectifs du développement autonome durable. La part de la migration africaine venue du reste du continent y demeurerait modérée. Le Maroc en tirerait les plus grands avantages, en particulier en encourageant l’installation des migrants les plus compétents et ceux dont son économie a besoin, ainsi que la migration de ses propres ressortissants dans une perspective de complémentarité.

- Le scénario pessimiste:

Les mesures, politiques, recommandations susmentionnées ne sont pas mises en vigueur ; la situation de la migration empire, recelant plus de menaces sécuritaires et appelant de plus en plus de mesures de contrôle, tendant vers la militarisation des frontières, non seulement de l’Union européenne mais aussi de pays africains, avec des retombées sur la Communauté et le Maroc en particulier. Le Royaume constitue naturellement une tête de pont vers l’Union européenne.

Soit les Etats membres de la Communauté et le Maroc infléchissent leurs positions si le rapport des forces reste en faveur de l’Union européenne et ce sont eux seuls qui devront faire face à la montée de la migration, soit ils résisteront et dans ce cas les tensions entre les "partenaires" s’accroîtront, cette migration constituant une de leurs armes de politique internationale.

Des stratégies innovantes pour traiter les problèmes migratoires en profondeur

Quel que soit le scénario qui se réalisera, l’IRES appelle le Maroc à adopter des stratégies innovantes en vue de réajuster sa politique migratoire et faire face aux défis internes et de la région.

Voici ses conclusions :

- Si le Maroc venait à être admis, il devra adopter des mesures aux plans économique, politique et social, particulièrement en matière de libre circulation des personnes, une forme de migration, et faire face à son impact. 

- En cas d’admission, la libre circulation faciliterait les départs directs et sans grandes entraves vers le Royaume. La Mauritanie et l’Algérie dont les territoires séparent ce dernier des autres Etats de la Communauté n’ont jamais dissuadé les migrants pour y venir.

- Même dans le cas où le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières apporterait des solutions efficaces aux causes profondes des migrations africaines, où les programmes de l’Union africaine tels que "la Réforme Kagamé" dont la mise en œuvre est prévue pour 2021, l’Agenda africain sur la migration, le programme sur l’éducation, la science et la technologie,... et les actions et projets de la Communauté elle-même appuieraient le Pacte, les résultats de ces différentes initiatives ne sauront être effectifs que sur le moyen et long terme.

- Dans le court terme, les flux migratoires subsahariens vers le Maroc et africains, y compris marocains, vers l’Europe continueront, quels qu’en soient les coûts.

- Afin de contribuer à l’inversion du phénomène, le Maroc devra mener une politique courageuse qui ne se limite pas à la gestion des flux, quand bien même efficace, comme elle l’a été dans le cadre de la coopération avec l’Union européenne (FRONTEX), mais qui résolve les causes profondes tant à l’interne que dans l’espace de la Communauté.

- Vues les tendances de la mondialisation, cette politique devra être centrée sur le développement humain et social durable aux multiples dimensions et dans différents secteurs. Un développement qui, contrairement à la simple croissance économique, génératrice d’inégalités de tous ordres, devra promouvoir l’emploi, la solidarité et l’intégration sociale. Le travail décent procure et sauvegarde la dignité humaine.

- Un tel développement ne peut être basé que sur une éducation moderne, performante et ouverte sur le monde, l’Afrique entière, ses cultures... et ses migrants, faisant d’eux un facteur de développement.

L’éducation pour tous et sous toutes ses formes (enseignements, formations, apprentissage à l’autoformation, campagnes de sensibilisation, culture, recherche, ...) est un excellent moyen de prévention contre les attitudes, comportements et agissements préjudiciables aux migrants et aux citoyens, et contre les risques de régression sociale.

- Un deuxième volet concernant spécifiquement la migration consisterait en incitations à octroyer aux compétences migrantes, sur une base volontaire et en concertation entre les Etats concernés en vue d’une contribution efficace au développement de tous.

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