L’avenir du télétravail au Maroc, selon l'association de la relation client

Droit à la déconnexion, maintien du lien social, lutte contre l’isolement, protection et supervision des salariés… Le télétravail, pas encore réglementé sur le plan législatif, a fait naître de nombreuses questions et amené les entreprises à revoir leur organisation, surtout celles qui envisagent d'en faire une pratique courante. Le point avec Otmane Serraj, président de l’Association marocaine de la relation client (AMRC).

L’avenir du télétravail au Maroc, selon l'association de la relation client

Le 6 juillet 2020 à 12h41

Modifié 10 avril 2021 à 22h45

Droit à la déconnexion, maintien du lien social, lutte contre l’isolement, protection et supervision des salariés… Le télétravail, pas encore réglementé sur le plan législatif, a fait naître de nombreuses questions et amené les entreprises à revoir leur organisation, surtout celles qui envisagent d'en faire une pratique courante. Le point avec Otmane Serraj, président de l’Association marocaine de la relation client (AMRC).

L’Association marocaine de la relation client (AMRC) a publié le 30 juin une déclaration d’intention sur le télétravail. Pas définitive, susceptible d’être modifiée à l’avenir en fonction des évolutions du télétravail, elle définit 12 engagements sur lesquels devront s’appuyer les membres signataires pour instaurer cette pratique dans les meilleures conditions. Il est notamment question d’organisation, d’égalité professionnelle, de respect de la vie privée, de sécurité des données et de protection des salariés.

- Médias24 : Pourquoi vouloir instaurer le télétravail ? Quels sont selon vous les avantages du travail à distance que n’aurait pas le présentiel ?

- Otman Serraj : La réponse à votre première question n’est pas nécessairement liée à la seconde. La raison pour laquelle nous avons fait cette déclaration d’intention sur le télétravail, c’est que nous nous sommes rendu compte, par la force des choses, que tous les membres de l’AMRC ont dû avoir recours au télétravail en raison de la crise sanitaire. Actuellement, sur les 80.000 personnes employées dans le secteur de la relation client, 40.000 sont en télétravail ; d’une part parce qu’il a fallu parer au plus urgent et assurer la continuité des services et la préservation des emplois ; d’autre part parce que pour mettre en œuvre les mesures de distanciation sociale sur les sites, vous ne pouvez pas avoir deux personnes assises côte à côte ou face à face. Il a donc fallu libérer un siège sur deux et basculer, en l’espace de deux ou trois semaines, en télétravail.

Les 40.000 autres sont restés au bureau avec des mesures de distanciation sociale. Au début de la crise sanitaire, nous avons mis en place une charte de conformité sanitaire à laquelle ont adhéré tous les sites de l’AMRC, qui impose les mesures de distanciation sociale, le nettoyage régulier des transports, l’installation d’un pédiluve et de gels hydroalcooliques… Cela nous a permis d’assurer l’emploi des salariés qui sont restés sur les sites.

Pour répondre à la deuxième partie de la question, certains acteurs de l’AMRC voient des bénéfices dans le télétravail, notamment pour les collaborateurs. Sur la base de nos enquêtes de satisfaction réalisées auprès d’eux, 70% se disent satisfaits du télétravail. Nous avons des populations assez jeunes dans notre secteur ; ce sont des primo-accédants à l’emploi qui n’ont pas forcément de contraintes familiales ou d’enfants. De leur côté, les employeurs ont constaté une amélioration de la productivité du fait d’un absentéisme moins important, et du fait également que la question des transports ne se pose plus. Cela signifie moins de retards et moins de départs anticipés.

- Vous proposez le télétravail mais ne l’imposez pas. Doit-il faire l’objet d’un accord mutuel entre l’employeur et le salarié ?

Absolument. C’est une liberté que l’employé a de faire le choix d’être en télétravail ou pas, et l’employeur est libre d’accepter ou de refuser. Les clients que nous servons doivent donner leur accord pour que l’activité puisse basculer en télétravail. Certains clients, notamment dans le secteur bancaire ou de l’assurance, ne veulent pas que leurs activités soient traitées depuis le domicile du salarié car elles imposent des contraintes de sécurité et de protection des données personnelles très fortes, qui ne sont pas compatibles avec le télétravail. C’est donc d’abord un accord entre l’employeur et le client, mais lorsqu’on propose de basculer les activités professionnelles en télétravail, ça reste toujours sur la base du volontariat.

- Vous évoquez dans votre déclaration d’intention le maintien du lien social et la lutte contre l’isolement des salariés. Comment envisagez-vous de pallier le manque, voire l’absence, d’interaction entre les salariés ?

Nous sommes partis du principe que tous les télétravailleurs effectuent un passage régulier sur un site physique. Il y a toujours une logique de rattachement à un bâtiment physique, qui correspond à un local de l’entreprise ou au siège lui-même. Pour maintenir le lien social et parce qu’il y a parfois un certain nombre de procédures administratives auxquelles les salariés doivent se soumettre, il faut un passage régulier sur le site.

Il est également possible d’acter un certain nombre de jours travaillés en présentiel. Par exemple, un salarié s’engage à être présent sur le site cinq jours par mois et le reste du temps en télétravail. Nous recommandons de ne pas être sur une logique à 100% de télétravail, afin de permettre aux managers de voir régulièrement leurs collaborateurs et aux collègues de se rencontrer régulièrement. Ce que nous craignons le plus, c’est le désengagement des salariés et le manque d’adhésion à la culture d’entreprise, particulièrement chez les nouvelles recrues.

- Le télétravail a brouillé les repères spatio-temporels : le foyer familial s’est confondu avec le lieu de travail. Or tous les salariés ne sont pas logés dans les mêmes conditions. Dès lors, comment garantir de bonnes conditions de travail à tous ?

C’est l’une des raisons pour lesquelles nous ne rendons pas le télétravail obligatoire et systématique. Un collaborateur peut effectivement refuser de travailler à distance parce qu’il n’a pas forcément les conditions de travail réunies à son domicile. Lorsqu’on fait basculer les salariés en télétravail, on leur communique les mesures d’hygiène et de sécurité à mettre en place et, de l’autre côté, si l’équipement à la maison n’est pas suffisant, on les équipe et on leur explique les conditions dans lesquelles ils doivent travailler depuis chez eux. Libre à eux d’accepter ou de refuser.

Or aujourd’hui, nous ne savons pas appliquer un règlement intérieur et des consignes d’hygiène et de sécurité au domicile du salarié. Nous travaillons actuellement avec la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc, ndlr) dans le cadre d’une commission sociale pour émettre des propositions pour, éventuellement, faire des contrôles ou des supervisions de l’espace de travail à distance, tout en respectant la protection des données personnelles.

- Votre déclaration d’intention évoque un droit à la déconnexion. Pensez-vous qu’il soit réellement conciliable avec le télétravail, le salarié ayant accès en permanence à ses outils de travail ? Ne craignez-vous pas des dérives ; une injonction faite aux salariés d’être disponibles en permanence, au mépris des horaires ? Comment prévenir d’éventuels abus, d’autant que le droit à la déconnexion n’est pas réglementé par le Code du travail…

Nous sommes une association professionnelle ; nous ne pouvons pas imposer à tout le secteur et à tous nos membres les directives de cette déclaration d’intention. Il s’agit plus d’une charte de bonne conduite et de bonnes pratiques pour encourager très fortement les acteurs qui veulent pérenniser le télétravail à adopter ces intentions et ces recommandations. Ceci dit, les éléments de base en matière d’heures de travail, de durée des pauses, de congés, etc., sont évidemment applicables aux télétravailleurs. Pour nous, il est très important de gérer ces horaires de travail et de les planifier correctement.

Pour nous, le droit à la déconnexion est primordial : en dehors des heures et des horaires planifiés pour travailler, il n’est pas question de faire appel aux télétravailleurs, sauf en cas d’heures supplémentaires rémunérées en conséquence. Nous travaillons également, avec la CGEM, sur de véritables propositions relatives au droit à la déconnexion et à la durée du temps de travail, afin d’amender le Code du travail ou de créer une loi ad hoc pour réglementer le télétravail.

- Quelles sont vos propositions pour l’avenir du secteur de la relation client ?

Nous avons extrait de cette déclaration d’intention un certain nombre de points d’achoppement. Mais d’autres questions se posent, notamment les accidents du travail en télétravail. C’est un vrai sujet pour s’assurer que la protection des salariés soit adaptée et bien prise en compte. Il y a aussi la question des assurances, censées vous couvrir sur votre lieu de travail. Imaginez que vous soyez chez vous : quelle va être la différence entre vous en situation de télétravail et vous en situation de non-télétravail ? Nous travaillons avec un groupe d’experts en assurance qui nous accompagne pour réglementer le télétravail, d’autant que certains membres de l’AMRC ont déclaré qu’ils allaient maintenir cette pratique ad vitam æternam et qu’une minorité de salariés seulement resteraient sur le site. Il faut donc avoir un cadre pérenne et durable qui permette de sécuriser ces éléments de façon permanente.

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