Chute des revenus, austérité, soutien aux clients... Comment l'ONDA gère la crise

Un mois après la reprise des vols domestiques et 10 jours après celle partielle des liaisons internationales, le directeur général de aéroports du Maroc revient sur la situation financière actuelle et sur l'avenir de l'ONDA. Selon Zouhair Mohammed El Aoufir, l’année en cours sera catastrophique et il faudra attendre au moins 2022 voire 2023 pour un retour à une activité normale.

Chute des revenus, austérité, soutien aux clients... Comment l'ONDA gère la crise

Le 26 juillet 2020 à 9h41

Modifié 11 avril 2021 à 2h47

Un mois après la reprise des vols domestiques et 10 jours après celle partielle des liaisons internationales, le directeur général de aéroports du Maroc revient sur la situation financière actuelle et sur l'avenir de l'ONDA. Selon Zouhair Mohammed El Aoufir, l’année en cours sera catastrophique et il faudra attendre au moins 2022 voire 2023 pour un retour à une activité normale.

Medias24 : Après 4 mois de fermeture des aéroports, comment qualifierez-vous l'impact de la crise sanitaire sur votre activité ?

Zouhair Mohammed El Aoufir : La pandémie du Covid-19 constitue une situation inédite pour le secteur du transport aérien au Maroc, tous les vols ont été suspendus depuis le 20 mars 2020 afin d’enrayer la propagation de la pandémie.

Le trafic aérien a ainsi chuté de près de 90% au cours du second trimestre, ramenant le trafic aérien à fin juin 2020 à 5 millions de passagers, contre 11,7 millions l’an passé, soit une baisse de 57,5% par rapport à la même période de l’année dernière.

L’ouverture partielle des frontières effective depuis le mercredi 15 juillet, afin de permettre aux citoyens marocains à l’étranger et aux étrangers résidents au Maroc ainsi que leurs familles de rentrer au pays devrait permettre une reprise progressive du trafic aérien international, générateur de revenus pour l’ONDA.

-Pour éclairer nos lecteurs, pourriez-vous expliquer quelles sont les recettes qui permettent à l'ONDA d'assurer son fonctionnement et ses investissements en cours ou futurs ?

Les recettes de l’ONDA sont composées des redevances aéroportuaires, des redevances de survol (ces deux composantes constituent les redevances aéronautiques), et des redevances non aéronautiques. Ces revenus représentent respectivement 45%, 33% et 22% du chiffre d’affaires de l’ONDA.

Les redevances aéroportuaires concernent les prestations fournies aux compagnies aériennes et la mise à leur disposition d’infrastructures et d’équipements aéroportuaires ; redevances d’atterrissage, de balisage lumineux, de stationnement des aéronefs et d’utilisation des passerelles télescopiques ainsi que l’utilisation des aérogares (redevance passagers) et des équipements de sûreté (redevance de sûreté).

Les redevances non aéronautiques sont constituées des loyers perçus principalement pour la mise à disposition de surfaces commerciales (redevances domaniales) et des redevances de concessions commerciales (free shop, restauration, etc.).

L’ONDA est également fournisseur de services de navigation aérienne, et à ce titre perçoit les redevances de survol ; les avions qui survolent le ciel marocain utilisent des équipements mis à leur disposition par l’ONDA.

-A ce propos, quid du nombre d'aéroports locaux et internationaux ainsi que celui des projets en cours ?

L’ONDA gère actuellement 25 aéroports dont les 8 aéroports les plus importants en termes de trafic représentent 96% du trafic total en 2019. 

Ces 25 aéroports peuvent être classés selon trois groupes de trafic.

- Le premier groupe (trafic de plus de 1 million de passagers) comprend l’aéroport Mohammed V qui génère 41% du trafic total en 2019, suivi par les aéroports de Marrakech, Agadir, Fès, Tanger et Rabat qui représentent respectivement 26%, 8%, 6%, 5% et 4% du trafic total.

- Le deuxième groupe (trafic compris entre 700 000 à 800 000 passagers) comprend les aéroports de Nador et Oujda.

- Le troisième groupe (trafic inférieur à 300 000 passagers) comprend 17 aéroports dont les aéroports de Laayoune et Dakhla sont les plus importants.

-Où en sont les chantiers lancés avant la crise ?

Avec la crise du COVID-19 et ses conséquences sur le trafic aérien, nous avons adapté et optimisé nos budgets de fonctionnement et d’investissement, tout en maintenant toutes nos actions stratégiques et structurantes.

Je cite ici, les opérations de sûreté et de sécurité, l’achèvement du projet du nouveau terminal de l’aéroport de Nador qui était déjà dans sa phase de finalisation, l’achèvement du module domestique et de la zone centrale de l’aéroport Mohammed V, ainsi que notre projet actuel le plus important : le nouveau terminal de l’aéroport Rabat-Salé.

Les autres projets sont régulièrement passés en revue afin de s’adapter avec pertinence et agilité aux différents scénarii d’évolution et études prévisionnelles affinées continuellement mis à jour pour notre secteur du transport aérien et les secteurs qui y sont intimement liés, principalement le tourisme et l’industrie aéronautique.

-Confirmez-vous le montant de vos pertes mensuelles estimées à 307 MDH par la Direction des établissements publics et de la privatisation ?

En effet, le chiffre d’affaires de l’année 2019 s’était établi à 4,2 milliards de DH, soit une moyenne mensuelle de l’ordre de 350 millions de DH.

Les charges de fonctionnement des aéroports étant en grande partie constituées de charges fixes (charges salariales ou prestations externalisées de maintenance, gardiennage, nettoyage, etc.), la baisse des recettes vient donc impacter directement notre rentabilité.

-Quel est le niveau actuel d'endettement et celui du service de votre dette ainsi que l'identité de vos principaux créanciers ?

A fin décembre 2019, les dettes financières de l’ONDA se sont élevées à 4,8 milliards de DH, réparties en emprunt obligataire à hauteur de 2 milliards de DH, emprunts bancaires à moyen terme en dirhams à hauteur de 1,8 milliard de DH et emprunts en devises auprès des banques de développement (BAD,…) à hauteur de 1 milliard de DH.

Le service de la dette composé des remboursements en capital et intérêts annuels a représenté 554 Millions de DH en 2019.

Ainsi, le niveau d’endettement de l’ONDA en 2019 était tout à fait acceptable avec un ratio d’autonomie financière (dettes financières/fonds propres) de 0,9 et une capacité de remboursement (dette financières / EBE) de 2,1.

-Y-a-t-il un risque d'explosion de cette dette ?

Pour faire face à ses besoins de trésorerie à court terme induits par la crise sanitaire, l’ONDA aura en effet recours à un endettement supplémentaire auprès des banques locales et de bailleurs de fonds internationaux.

Cet endettement supplémentaire est nécessaire pour assurer notre mission comme le fonctionnement normal des aéroports, et également pour maintenir des délais de paiement raisonnables de nos fournisseurs, dans un contexte où une partie importante de nos clients (compagnies aériennes et concessionnaires) ont été fragilisés par la crise et ont des difficultés à honorer leurs dettes vis-à-vis de notre établissement.

-A combien estimez-vous votre chiffre d'affaires en 2020 et quelles étaient les prévisions de départ ?

Tenant compte d’une hypothèse de reprise progressive des vols internationaux à partir du mois de septembre 2020, le chiffre d’affaires de l’ONDA devrait atteindre 1,8 milliards de DH contre une prévision initiale de 4,7 Mrds de DH, soit une réduction du budget de 62%.

Ce niveau de recettes correspond à un niveau de trafic aérien similaire à celui de l’année 2005.

-Quelle stratégie avez-vous mis en place pour faire face à la crise ?

-L’ONDA a mis en place un plan d’action d’austérité pendant la période de crise à travers un plan de réduction des coûts de 300 millions de dirhams, soit 25% du budget d’exploitation hors charges de personnel.

Ce plan intègre notamment l’arrêt ou la réduction des prestations externalisées au niveau de certains aéroports, la réduction drastique des frais généraux, et le report des recrutements du personnel prévu au budget initial.

Les engagements de nouveaux investissements non urgents ou non encore financés ont également été reportés.

Par ailleurs, dans une vision d’accélération de la reprise post crise Covid-19, l’ONDA a décidé d’accompagner ses clients directs (compagnies aériennes et titulaires de conventions commerciales dans les aéroports) lors de cette phase de redémarrage à travers une série de mesures de soutien financier dont notamment :

- Le report des échéances de paiement des factures

- Le gel des redevances de stationnement des avions basés

- La révision du schéma des mesures incitatives pour les grands comptes

- L’extension des durées des conventions à durée ferme

- La révision du Minimum Annuel Garanti contractuel

- L’annulation des redevances commerciales forfaitaires

L’objectif principal de notre plan et des mesures d’accompagnement avec nos clients et partenaires est le maintien des emplois.

-Avez-vous des doléances particulières à présenter à l'Etat comme l'a fait le DG d'Autoroutes du Maroc ?

L’ONDA avait obtenu en décembre 2019 le remboursement de son crédit de TVA à hauteur de 1,6 milliard de DH, ce qui lui a permis d’honorer ses dépenses depuis le début de la crise sans recourir à un endettement supplémentaire.

Pour le second semestre 2020, l’ONDA devra avoir recours à l’endettement auprès notamment de ses banques partenaires, et le soutien de l’Etat sera nécessaire pour mettre en œuvre cet endettement.

-Comment se présente la reprise avec le redémarrage des vols domestiques et internationaux de la RAM et d'Air Arabia ?

Fortement impactés par la crise sanitaire du COVID-19, les aéroports du Maroc ont accusé une nette régression durant les six premiers mois de l’année en cours, en enregistrant -57,47% pour le trafic passagers et -54,77% pour les mouvements d’avions et ce, par rapport à la même période de l’année 2019.

Le 25 juin 2020, il y a eu reprise des vols domestiques par le lancement d’environ 16 liaisons internes, et à partir du 15 juillet, a été lancée l’opération spéciale permettant aux citoyens marocains et les étrangers résidant au Maroc et leurs familles d’accéder au territoire national ont animé les aéroports concernés

Cette reprise partielle du trafic international a été opérée par la programmation d’environ 700 vols internationaux dans le cadre de l’opération spéciale, et au départ et à destination des villes marocaines. Ces vols sont opérés par Royal Air Maroc et Air Arabia Maroc.

Nous sommes très heureux de cette reprise partielle et nous l’accueillons avec un grand optimisme, même si elle est très loin des capacités de nos aéroports, tout en espérant retrouver rapidement nos niveaux habituels de trafic.  

-A quand le retour espéré à la normale ?

Comme vous le savez, la reprise et le retour à la normale dépendent de la situation pandémique dans le monde entier, de la vitesse à laquelle les frontières vont rouvrir et du rythme de la croissance mondiale.

Néanmoins, certaines études réalisées par des organismes internationaux situent la reprise autour de la fin de l’année 2022 ou au courant de l’année 2023.

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