Adnane Addioui, la voix de l'entrepreneuriat social au sein de la CSMD

A 35 ans, Adnane Addioui fait partie des 35 membres désignés pour composer la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD). Qui est ce jeune qui contribuera à concevoir le nouveau modèle de développement du pays ? Quelles sont ses sensibilités et quel point de vue compte-t-il défendre ? Portrait.

Adnane Addioui, la voix de l'entrepreneuriat social au sein de la CSMD

Le 15 décembre 2019 à 9h45

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

A 35 ans, Adnane Addioui fait partie des 35 membres désignés pour composer la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD). Qui est ce jeune qui contribuera à concevoir le nouveau modèle de développement du pays ? Quelles sont ses sensibilités et quel point de vue compte-t-il défendre ? Portrait.

Ordre alphabétique oblige, le nom de Adnane Addioui figure en haut de la liste des membres de la Commission spéciale sur le modèle de développement annoncée le 12 décembre 2019.

Rien ne pressentait que ce trentenaire né à Rabat serait désigné pour une telle mission. Comment perçoit-il sa nomination ? "Ils cherchaient peut-être quelqu’un de fou", nous répond-il, taquin.  

Mais quand on l’interroge sur la commission et sa propre contribution à ses objectifs, Addioui prend un ton plus sérieux pour nous expliquer que "la manière avec laquelle la commission est construite, le spectre politique large, la nature de la composition sont de bons augures".

Cela dit, pour lui, tout travail dans le sens de la construction d’un nouveau modèle de développement doit d’abord "partir sur des paradigmes radicalement opposés à ce qui se faisait jusque-là".

La désignation de ce profil fait sens avec les autres nominations voulant faire de cette commission un lieu de métissage intellectuel entre différents courants politiques, culturels, sociaux et économiques.

Adnane Addioui représente justement un de ces courants atypiques. Un ovni dans le monde de l’entrepreneuriat.

Atypique, il l’est jusqu’au bout de son Jabador dont il ne se sépare jamais. Un look typé arborant les tenues traditionnelles marocaines en toute circonstance, qu’il soit entre amis lors d’un afterwork, ou en événement officiel avec le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Adnane Addioui est le "monsieur entrepreneuriat social du Maroc". Il n’y a pas un événement ou une organisation qui touche ce domaine sans qu'il ne soit de la partie.

L’engagement social et les années d’école

Il a fait de l’entrepreneuriat social son dada depuis ses années d’études à l’ENCG Settat en intégrant le programme Enactus qui s’appelait à l’époque Student in Free Entreprises (SIFE). C’est une ONG internationale présente dans 36 pays qui œuvre dans le domaine de l’entrepreneuriat social estudiantin et le développement durable. Elle accompagne les étudiants dans la mise en œuvre des projets d’entrepreneuriat social, à travers des événements, des formations et des concours nationaux et internationaux.

"Enactus a intégré l’école en 2005 et j’y ai tout de suite adhéré. A l’époque, notre objectif était d’aider des populations à améliorer leurs conditions de vie à travers un système économique et non de leur venir en aide à travers un système classique de donation. Sur le terrain, j’ai commencé à prendre conscience que le Maroc n’est pas seulement celui que l’on voyait dans les médias et que tout ne va pas très bien. Cette expérience m’a permis d’ouvrir les yeux sur les possibilités qui existaient et comment l’action économique pouvait contribuer à améliorer le quotidien des gens", nous raconte-t-il.

Après l’obtention en 2007 de son diplôme en marketing et management des projets offshores, de l’ENCG de Settat, Adnane Addioui s’envole pour la France pour poursuivre ses études à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

La découverte de Mohamed Yunus, le tournant 

En pleine crise financière de 2008, Adnane passe un stage chez Danone et se fait recruter. Mais le hasard fait que cette multinationale française développait à l’époque les concepts de social business avec un premier programme lancé au Bangladesh.

Rattrapé par son intérêt pour cette thématique, Adnane Addioui adhère au projet de manière volontaire et a la chance de rencontrer à deux reprises Mohamed Yunus, le père du micro-crédit et du concept du “social business".

"Je me suis dit que la réflexion de ce monsieur a tout son sens. Comment peut-on utiliser l’économie pour répondre aux besoins de la société ? Pendant mon passage au sein du groupe Danone, j’ai compris l’importance de ces sujets et que les modèles économiques basés sur l’Etat investisseur et secteurs privés motivés par la réduction des taxes pour créer de la valeur sont complètements dépassés", se rappelle-t-il.

"Au bout d'un an et demi chez Danone, je sentais que je ne créais pas de valeur même si j’avais un bon poste et une belle carrière en vue. J’ai pris trois décisions majeures : ne plus faire un travail qui ne créait pas de valeur et ne plus travailler pour quelqu’un ou une entité dont le seul objectif est de s’enrichir, et ne pas faire quelque chose qui n’est pas utile", se remémore-t-il.

Et alors qu’il est en pleine remise en cause, le destin a joué. Adnane Addioui reçoit une newsletter annonçant que le British council à Rabat est à la recherche d’un project manager.

"Je consulte l’annonce et je me rends compte que les missions ressemblaient à ce qu’on faisait à l’école dans le cadre de SIFE/Enactus. Je postule et on m’appelle pour un entretien téléphonique qui durera trois heures. Le lendemain, je reçois un coup de fil m’annonçant que j’étais le premier sur la liste et qu’il fallait que je donne une réponse rapidement. J’ai consulté tous mes amis et sans surprise ils étaient tous contre... un retour au Maroc. On me traitait de fou. J’ai décidé finalement de rentrer définitivement au Maroc en mai 2009 sans informer ma famille qui a d’ailleurs très mal pris ma décision".

A la recherche de l'impact social

Troquer un poste dans une multinationale en France, un salaire de plus de 3.000 euros et une carrière toute tracée contre un poste à Rabat dans une organisation internationale pour un salaire de 15.000 DH… bruts. Le changement était radical mais pour lui, le jeu en valait la chandelle.

Ce fut le début de l’aventure à la recherche de l’impact social. Dans le cadre du British council, où il a passé trois ans et demi, il a été en charge de dossiers divers, tels que le renforcement de la société civile, le discours inter-culturel et inter-religieux, la participation politique et tant d’autres.

Mais il n'oublie pas l'entrepreneuriat social. Il convainc son patron d’allouer de petites sommes pour des projets d’entrepreneuriat social avec un premier projet pilote en janvier 2010, un bootcamp pour des jeunes entrepreneurs.

En 2012, il décide de créer avec d’autres acteurs le “Moroccan Center for Innovation and Social Entrepreneurship” (MCISE). Une plateforme d'innovation sociale et d'entrepreneuriat "pour promouvoir et faire avancer le changement social à travers le business" et qui se donne pour mission de "trouver des solutions entrepreneuriales innovantes pour chaque défi social au Maroc". 

Une année plus tard, Adnane Addioui est rattrapé par SIFE devenu entre temps Enactus et il en devient le country manager. Il agit pendant cinq ans comme locomotive pour l’inspiration des jeunes et le développement de projets à travers plus de 150 campus universitaires au Maroc. Il a accompagné plus de 20.000 jeunes par an. Il a été élu “Espoir TIZI” par l’association Tariq Ibn Ziyad durant la même année.

Durant son mandat à la tête d’Enactus, le Maroc se hissera à trois reprises jusqu’à la finale dans la compétition internationale qui met en concurrence les projets de 36 pays. 

Tout pour l'entrepreneuriat social

Adnane Addioui n'économise pas ses efforts dans le sens du développement de l’entrepreneuriat social. Il multiplie les missions et les projets. Entre 2012 et 2018, il a été consultant régional principal en entrepreneuriat social au Maghreb pour l’Union européenne pendant plus de deux ans. En tant qu’expert, il a assisté le CESE dans l'élaboration du rapport sur l'économie sociale et la croissance inclusive au Maroc. Il a été consultant pour le Goethe institute pendant trois ans ou la Fondation Anna Lindh pendant plus d’un an.

Son expertise a même été sollicitée dans des domaines associés à l'entrepreneuriat social. En pleine campagne de boycott contre ses produits, le groupe Danone mandate ainsi Adnane Addioui pour gérer la campagne de consultation publique avec un dialogue entre les parties prenantes. Il a également été sollicité par l'INDH pour la mise en place du premier Hackathon du développement humain sur la petite enfance.  

Tout cela n'a pas empêché Addioui de continuer à œuvrer dans le cadre du MCISE qui a lancé plusieurs projets comme :

- L’initiative Tamkeen : un programme de sensibilisation lancé par de MCISE. Son objectif est la promotion de l’entrepreneuriat social et de l’innovation sociale au sein des établissements scolaires publics (lycées). 

- Le MCISE Tour qui consiste à organiser, dans plusieurs villes marocaines, des ideathons d’entrepreneuriat social en partenariat avec des acteurs locaux de la région/ville afin d’initier les jeunes à l’entrepreneuriat social et identifier des entrepreneurs à haut potentiel et les aider à concrétiser leurs idées.

- Le MCISE Traning : une formation qui a pour objectif de renforcer les capacités des individus intéressés et engagés dans l'entrepreneuriat social.

- Dare Inc : un programme qui aspire à soutenir les jeunes startups sociales marocaines dans tous les domaines d’activités et quel que soit leur niveau d’avancement. Il prend la forme de formations, coaching, mentoring et financement.

- Wuluj : une plateforme qui participe au financement de projets créatifs et innovants de la région en leur permettant de se financer auprès de particuliers à travers des campagnes de prévente.

Et quand en 2018 Adnane Addioui passe le flambeau d’Enactus, il se consacre à plein temps à MCISE qu’il préside actuellement.

Pourtant, quand on l’interroge sur ce qu’il fait actuellement, il ne se présente pas comme le président du MCISE, car explique-t-il, il n’aime pas les étiquettes et préfère se définir à travers la mission qu’il s’est donnée. "J’aime résoudre les problèmes complexes. Je connecte les porteurs de projets innovants, les réseaux, les programmes, les institutions… ", insiste-t-il.

Il porte un message et il compte bien le faire entendre dans le cadre de la Commission spéciale sur le modèle de développement.

"Il faut de la disruption. Il faut aller dans la prospective en se libérant des contraintes locales, de ce qui est possible ou pas possible. Autrement, on risque de réitérer les mêmes stratégies qui n’ont pas donné de fruits", insiste-t-il.  

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