Covid-19: Les enjeux et les limites des solutions de traçage numérique

Le Maroc compte lancer fin avril une application de traçage des contaminations au Covid-19 pour aider à maîtriser la propagation de l'épidémie. Quels sont les enjeux et les limites de cette mesure au Maroc ? Analyse. 

Covid-19: Les enjeux et les limites des solutions de traçage numérique

Le 15 avril 2020 à 9h40

Modifié 11 avril 2021 à 2h45

Le Maroc compte lancer fin avril une application de traçage des contaminations au Covid-19 pour aider à maîtriser la propagation de l'épidémie. Quels sont les enjeux et les limites de cette mesure au Maroc ? Analyse. 

Faute de traitement efficace ou de vaccin, le confinement parait la seule vraie barrière pour ralentir la propagation. Mais elle est coûteuse sur le plan économique.

La question à laquelle le monde doit répondre est la suivante : comment maîtriser la propagation du virus et la limiter tout essayant d'assouplir le confinement afin de permettre à l'économie de redémarrer ?

Le traçage à la rescousse 

Les nouvelles technologies de l'information via les solutions de traçage fournissent une réponse. L'OMS a entre autres recommandé l'identification des personnes potentiellement exposées à des patients dont l'infection au Covid-19 est confirmée, sur la base des antécédents de localisation. 

L'idée est simple. Pour chaque nouveau cas confirmé, une application de traçage permettra de cibler tous ses contacts durant les 14 jours précédents, qu'ils soient très proches comme la famille et les amis ou éloignés ou comme les nouvelles rencontres, des personnes croisées au gré du hasard dans un commerce. 

L'enjeu est justement au niveau des cas contacts "éloignés" qui sont des cas de contamination possible, mais invisibles dans le processus de détection actuel, car anonymes. Ces personnes-là sont rapidement identifiées grâce à l'application de traçage et sont contactées pour prendre  les précautions nécessaires, voire être testées. Et en cas de confirmation de la maladie chez l'un de ces contacts, le processus d'identification sur les 14 derniers jours est lancé.

Ainsi, grâce au support technologique, les autorités sanitaires seront en mesure de suivre la trace du virus, de sa propagation et des risques de contamination. 

Cette solution a été adoptée par des pays comme la Chine, Singapour ou la Corée du Sud et elle est envisagée dans plusieurs autres pays comme la France. Son développement commence au Maroc.

Comme Médias24 l'avait déjà annoncé, le ministère de l'Intérieur travaille actuellement sur le développement d'une application marocaine. Il a lancé l'appel à manifestation d'intérêt et a reçu sept offres d'entreprises marocaines. La journée du mardi 14 avril a été entièrement consacrée à la présentation et à l'étude des offres. L'attribution à un prestataire ou un groupement de prestataires était considérée mardi 14 avril comme imminente. Des ateliers de travail et de suivi seront organisés tout au long de ce qui reste du mois d'avril pour une livraison de l'application à la fin du mois et un déploiement le 1er mai.

Du dépistage intelligent 

Cette solution représente plusieurs enjeux partout où elle est adoptée, Maroc compris. Le premier enjeu est une meilleure efficacité de la politique de test et de détection précoce des cas. 

"Il a suffi de deux ou trois malades en Chine pour infecter des milliers de personnes partout dans le monde. On voit bien qu'il suffit qu'il reste un seul cas actif pour que l'épidémie reparte. La seule manière de contrôler la pandémie, c'est de remonter aux personnes qui ont été en contact avec chaque nouveau cas", explique une source proche du dossier. 

"Les tests est un enjeu majeur. Même si on fait 100.000 tests par jour, il nous faudrait un an pour tester tous les Marocains. Sachant qu'une personne testée négative aujourd'hui peut devenir positive le lendemain, ou être contaminée en se rendant simplement au supermarché".

"C'est donc tout l'intérêt de faire du dépistage intelligent et ciblé car cela permet au Maroc d'être plus efficace sans "gaspiller" les moyens dont il dispose. Le ciblage peut concerner un quartier ou une zone par les tests mais aussi par le confinement qui peut aussi être ciblé", ajoute notre source. 

Dans ce cas de figure, l'application pourra répondre au deuxième enjeu qui est celui du déconfinement. "Si l'application n'est pas prête, on ne pourra pas envisager une sortie sereine du confinement. Le pays ne prend pas cette mesure pour le plaisir, mais parce que c'est un moyen pour aider dans le déconfinement", affirme notre source.  D'ailleurs, l'une des fonctionnalités attendues de l'application est la mise à disposition des utilisateurs d'une autorisation de sortie digitale pendant le déconfinement (p.ex., QR code, en fonction du profil/ région de l’utilisateur).

Un challenge technologique pour le Maroc 

Il reste donc à relever le challenge technologique. "Réaliser techniquement ce projet exige des compétences et des technologies spécifiques. Ces compétences nous les avons mais pas au sein de la même entreprise. Nous avons des acteurs qui savent très bien faire des applications mobiles, d'autres qui font de l'intelligence artificielle et de la big data, d'autres qui maîtrisent le cloud et à grand échelle... Mais aucune n'a toutes les compétences réunies", nous explique un expert dans le domaine technologique. 

C'est la raison pour laquelle "la majorité des répondants à l'appel à manifestation d'intérêt sont des groupements d'entreprises car dans la réalité, aucune entreprise marocaine ne peut répondre à cet appel, seule", poursuit notre source.

C'est aussi un challenge car "personne au Maroc n'a jamais fait une application qui connecte 25 millions de Marocains quasiment en temps réel. C'est pour cela qu'il faut un groupement et parce qu'il faut la déployer en peu de temps", poursuit notre source. En effet, la difficulté supplémentaire c'est qu'il faut développer cette application en dix jours. 

Pour l'efficacité de cette solution, le téléphone portable est indispensable, tout en respectant et en donnant toutes les garanties nécessaires pour la protection des données personnelles. A fin 2019, le parc global de la téléphonie mobile est de 46,6 millions avec un taux de pénétration de 131,14%. Selon une enquête menée par l'ANRT, plus de 75% des Marocains possèdent un smartphone.

L'enjeu technologique de cette application c'est "qu'elle doit être simple d'utilisation avec le minimum d'interaction. Il suffira de l'installer et de la configurer la première fois. Il faut éviter que les gens puissent frauder car il peut y avoir des gens contaminés mais avec peu de symptômes et ils ne voudront pas se déclarer pour pouvoir continuer à travailler et circuler librement", conseille notre expert.

Sur ce point, les éléments du document de cadrage de l'application marocaine publiés par Médias24 sont explicites. Si une personne est testée positive au Coronavirus, le médecin lui remettra un code unique généré par un algorithme. Une fois saisi sur l’application, le cross checking avec les autres utilisateurs sera lancé sur leurs téléphones.

Qu'en est-il des libertés individuelles et de la protection des données personnelles ? Les Marocains auront-ils la liberté d'installer cette application ou pas ?  "En tant qu'expert, je pense qu'il faut aller vers une obligation et je vais plus loin, je pense que les entreprises ou les espaces fermés comme les magasins ou restaurants exigent l'application pour y accéder", préconise notre interlocuteur. Pour que cette solution soit efficace, il faut qu'elle soit utilisée par le maximum de personnes sinon son impact sera limité. 

Et si les citoyens acceptent de le faire dans un élan commun pour combattre le covid-19, quelle garantie pour protéger leurs données personnelles ? Ces questions feront certainement débat au cours des prochains jours. La CNDP sera certainement sollicitée pour s'exprimer sur la question. 

Singapour, l'exemple et le retour d'expérience

Mais au-delà de tout ce qui précède, il est important de ne pas perdre de vue que cette solution n'est pas une garantie pour mettre fin à l'épidémie. Elle y contribue fortement mais le système a ses limites. "Ce n'est qu'un outil qui peut avoir ses limites. Singapour a utilisé cet outil et a même partagé le code source de son application, malgré cela elle a annoncé un nouveau cycle de contamination. L'épidémie est repartie alors que l'outil était là", fait remarquer notre source. 

En effet, Singapour avec la Corée du Sud ont toujours été citées comme des exemples dans la gestion de l'épidémie.

Très tôt, les autorités singapouriennes ont utilisé les données de localisation, les relevés des cartes bancaires et la vidéosurveillance comme outils pour retrouver les cas contacts, rapporte le journal Libération

Cette politique a permis de maintenir bas le nombre de contaminations entre janvier, date de déclaration du premier cas, et le début du mois de mars où Singapour ne comptait qu'une centaine de cas. Le 20 mars, le pays a lancé son application Trace Together sans la rendre obligatoire.

Malgré cela, le pays a connu une accélération des nouvelles contaminations qualifiées de deuxième vague épidémique. Le pays compte aujourd'hui plus de 3.200 contaminations pour 6 millions d'habitants.

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